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Cour Administrative d'Appel de Nantes, 4ème chambre, 17/10/2014, 13NT00322, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. le Pdt. BACHELIER

Rapporteur : Mme Sylvie AUBERT

Commissaire du gouvernement : M. GAUTHIER

Avocat : PHELIP


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2013, présentée pour la société Caillaud, dont le siège social est situé rue Joseph-Fourier à Beaucouze (49070), par Me B... ; la société Caillaud demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 décembre 2012 en tant qu'il a limité à la somme de 37 401,26 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2010, le montant de l'indemnité que la commune d'Angers a été condamnée à lui verser en réparation du préjudice causé par le non-respect du montant minimal de commandes dans le cadre de deux marchés à bons de commande ;

2°) de condamner la commune d'Angers à lui verser une indemnité de 434 535,19 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2010 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, de faire procéder avant-dire droit à une expertise comptable ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Angers le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le tribunal a omis de viser ses conclusions tendant à la capitalisation des intérêts et de statuer sur cette partie de ses demandes ;

- contrairement à ce que soutient la commune, les montants minimum et maximum s'appliquent par lot attribué et non par corps d'état ;
- le jugement mentionne de manière erronée que la part non exécutée du montant minimum des commandes prévu par les deux contrats pour l'année s'élève aux sommes respectives de 201 900,35 euros TTC et 208 153,85 euros TTC seulement ;

- elle admet que le préjudice subi ne soit pas évalué sur la base de sa marge brute mais sur celle de sa marge nette mais que toutefois cette dernière n'est pas de 11 % mais de 14 % ce qui lui ouvre droit au versement d'une indemnité de 77 375,89 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2013, présenté pour la commune d'Angers, par MeA... ; la commune d'Angers demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 décembre 2012 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Caillaud la somme de 37 401,26 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2010 ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'indemnité ainsi accordée ;

4°) de mettre à la charge de la société Caillaud le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les montants minimum et maximum s'appliquent par corps d'état et non par lot attribué ainsi que l'attestent l'évaluation de ses prestations par la société requérante dans le cadre de l'appel d'offre ;

- ce n'est que pour le lot n° 15-2 que le montant minimum de commandes n'a pas été atteint, la différence entre ce montant et les prestations commandées s'élevant à 33 329,56 euros ;

- seul le bénéfice escompté ouvre droit à indemnisation ; les documents comptables produits par la société requérante font apparaître un résultat net moyen de l'ordre de 6 % seulement sur la période considérée ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 décembre 2013, présenté pour la société Caillaud, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle ajoute que la commune avait admis en première instance un taux de marge nette de 14,46 % ;

Vu le mémoire récapitulatif, enregistré le 12 septembre 2014, présenté pour la commune d'Angers, non communiqué ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- les observations de Me C...pour la société Caillaud ;

- et les observations de Me A...pour la commune d'Angers ;



1. Considérant que la société Caillaud, attributaire de deux marchés à bons de commande portant sur le lot n° 14-4 " Peinture " et sur le lot n° 15-2 " Revêtement de sols collés " passés avec la commune d'Angers en 2006 en vue de travaux de réparation et d'entretien des bâtiments communaux et reconduits au titre des années 2007 à 2009, relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 décembre 2012 en tant qu'il a limité à la somme de 37 401,26 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2010, le montant de l'indemnité que la commune d'Angers a été condamnée à lui verser en réparation du préjudice résultant du non-respect du montant minimal des commandes contractuellement prévu ; que, par la voie de l'appel incident, la commune d'Angers demande la réformation du jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la société Caillaud ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions de la société Caillaud tendant à la capitalisation des intérêts dont sa créance a été assortie à compter du 27 janvier 2011 ; que le jugement doit, dès lors, être annulé sur ce point ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions tendant à la capitalisation des intérêts et, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions des parties ;

Sur le droit à indemnité de la société Caillaud :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du code des marchés publics : " Les prix des prestations faisant l'objet d'un marché sont soit des prix unitaires appliqués aux quantités réellement livrées ou exécutées, soit des prix forfaitaires appliqués à tout ou partie du marché, quelles que soient les quantités livrées ou exécutées. " ; que dans l'hypothèse où le montant minimal des prestations stipulées dans un contrat à bons de commande n'a pas été atteint, le cocontractant est en droit de prétendre à la réparation du préjudice subi du fait du non-respect, par l'administration, de ses engagements contractuels ; que, sauf stipulation contractuelle contraire, le préjudice ainsi subi comprend la perte de marge bénéficiaire nette qu'aurait dégagée l'exécution du montant minimal de commandes prévu au marché ; que s'agissant d'une indemnité, le préjudice subi doit être calculé sur la base du montant hors taxe de la part inexécutée des commandes ;

5. Considérant que l'article 2 de l'acte d'engagement commun aux deux lots attribués à la société Caillaud comporte un tableau fixant " les seuils minimum et maximum du montant total des commandes pour chaque lot s'inscrivant dans le cadre des corps d'état ", dont les colonnes intitulées " minimum de chaque lot " et " maximum de chaque lot " mentionnent les seuils dont se prévaut la société Caillaud ; que les mêmes seuils figurent sur le courrier de notification du lot n° 15-2 " Revêtements de sols collés " et sur les décisions de reconduction des deux marchés relatives aux années 2007 et 2008 ; que, dans ces conditions, la commune d'Angers ne peut se fonder sur l'avis d'appel public à la concurrence, acte administratif unilatéral du pouvoir adjudicateur qui ne prévaut pas sur l'acte d'engagement signé avec l'attributaire de chaque lot, pour soutenir que les seuils de commande n'avaient pas été fixés par lot mais par corps d'état, chacun de ces derniers comportant plusieurs lots ;

6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, pour l'année 2006, la société requérante a signé deux mises au point du marché dont le montant total est repris dans l'acte d'engagement fixant le montant de la prestation due au titre du lot n° 15-2 à 23 873,36 euros et celui de la prestation due au titre du lot n° 14-4 à 62 114,92 euros ; que pour cette première période, elle doit ainsi être regardée comme ayant renoncé à se prévaloir du montant minimum de commande fixé à 44 000 euros pour le lot n° 15-2 et à 105 000 euros pour le lot n° 14-4 ; que, pour l'indemnisation du préjudice invoqué au titre de cette première période d'exécution du contrat, il sera tenu compte du fait que les prestations effectivement demandées à la société requérante se sont élevées à 3 625,29 euros seulement pour le lot n° 15-2 et à 2 744,02 euros pour le lot n° 14-4 ; que la différence entre les prestations contractuellement prévues et celles effectivement demandées s'élève ainsi à la somme totale de 59 370,90 euros TTC ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de la comparaison du seuil minimum du lot " Peinture ", fixé à 180 000 euros TTC par an au titre des années 2007 à 2009, et des commandes passées à la société requérante dans le cadre de ce marché de 2007 à 2009 que celles-ci ont été inférieures de 201 900,35 euros TTC au minimum prévu ; qu'il résulte par ailleurs de la comparaison du seuil minimum du lot " Revêtement de sols collés ", fixé à 75 000 euros TTC par an au titre des années 2007 à 2009, et des commandes passées à la société requérante dans le cadre de ce marché au cours de la même période que celles-ci ont été inférieures de 208 153,85 euros TTC au minimum prévu ;

6. Considérant que la part inexécutée des deux marchés s'élève ainsi à la somme totale de 469 425,10 euros TTC, soit 392 495,90 euros HT ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des documents comptables produits en première instance par la société requérante, que le taux de marge nette s'est établi, au cours des années 2006 à 2009, à 11,41 % ; que la commune d'Angers n'apporte aucun élément de nature à établir que ce taux serait, ainsi qu'elle le soutient, de 6 % seulement ; que l'indemnité à laquelle la société Caillaud a droit s'élève ainsi à la somme de 44 783,78 euros, augmentée des intérêts à compter du 27 janvier 2011;

7. Considérant que ces intérêts seront capitalisés à compter du 27 janvier 2012, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la commune d'Angers n'est pas fondée par son appel incident, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à indemniser la société Caillaud du préjudice résultant du non respect de son engagement contractuel dans le cadre des deux marchés à bons de commande et, d'autre part, que la société Caillaud est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a limité à la somme de 37 401,26 euros, augmentée des intérêts à compter du 27 janvier 2011, le montant de l'indemnité qui lui est due ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Caillaud, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune d'Angers demande sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune le versement à la société requérante de la somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions ;



DÉCIDE :


Article 1er : L'indemnité que la commune d'Angers a été condamnée à verser à la société Caillaud par le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 décembre 2012 est portée à la somme de 44 783,78 euros, augmentée des intérêts à compter du 27 janvier 2011 et de la capitalisation des intérêts au 27 janvier 2012 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 décembre 2012 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur la demande de capitalisation des intérêts présentée par la société Caillaud et réformé, pour le surplus, en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La commune d'Angers versera à la société Caillaud la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Caillaud et à la commune d'Angers.






Délibéré après l'audience du 26 septembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M.D..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 octobre 2014.

Le rapporteur,





S. AUBERT Le président,





G. BACHELIER
Le greffier,





N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.



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Source : DILA, 30/10/2014, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 17/10/2014