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Cour Administrative d'Appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 17/04/2014, 12MA03215, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. FIRMIN

Rapporteur : Mme Christine MASSE-DEGOIS

Commissaire du gouvernement : Mme CHAMOT

Avocat : SELARL PHELIP & ASSOCIES


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2012, présentée pour la commune de Sanary-sur-Mer dont le siège est Hôtel de Ville place de la République à Sanary-sur-Mer (83110), par Me D... ; la commune de Sanary-sur-Mer demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1002550 en date du 16 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à payer à M. et Mme B...la somme de 6 800 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'accident dont a été victime leur fille le 1er juillet 2008 dans la cour de l'école maternelle où elle était scolarisée ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande de M. et Mme B...et, à titre subsidiaire, de constater le caractère excessif des sommes allouées par le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B...la somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance ;

...............................
Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2012, présenté pour M. et Mme B...par Me A... qui concluent à la réformation du jugement en tant qu'il a limité à la somme de 6 800 euros le montant de leurs préjudices consécutifs à l'accident dont leur fille a été victime le 1er juillet 2008, à titre principal, à la condamnation de la commune de Sanary-sur-Mer à leur payer la somme de 12 231 euros, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à leur payer la somme de 12 231 euros et, en toute hypothèse, à la condamnation du succombant à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance ;

........................
Vu le mémoire, enregistré le 26 août 2013, présenté par le ministre de l'éducation nationale qui conclut à la confirmation du jugement en tant qu'il a mis hors de cause l'Etat et au rejet des conclusions incidentes de M. et MmeB... ;
.................................

Vu le mémoire, enregistré le 11 mars 2014, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie du Var qui n'entend pas intervenir à l'instance en application de l'article 15 du décret n° 86-15 du 6 janvier 1986 ;


Vu le mémoire enregistré le 21 mars 2014 à 20 heures 08, présenté pour la commune de Sanary-sur-Mer par Me D...qui reprend ses précédentes écritures ;


Vu l'ordonnance n° 1100724 en date du 9 janvier 2012 par laquelle le président du tribunal administratif de Toulon a taxé les frais d'expertise à la somme de 450 euros ;


Vu l'ordonnance n° 1103202 en date du 27 juillet 2012 par laquelle le président du tribunal administratif de Toulon a taxé les frais d'expertise à la somme de 450 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;


Vu le code de justice administrative ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que le jugement paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2014 :
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure ;
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

1. Considérant que la commune de Sanary-sur-Mer relève appel du jugement n° 1002550 en date du 16 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à payer à M. et Mme B...la somme de 6 800 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'accident dont a été victime leur fille le 1er juillet 2008 dans la cour de l'école maternelle où elle était alors scolarisée ; que la commune demande, à titre principal, de rejeter la demande de M. et Mme B...et, à titre subsidiaire, de constater le caractère excessif des sommes allouées par le tribunal ; que, par la voie de l'appel incident, M. et Mme B...demandent que l'indemnité réparatrice de leurs préjudices soit portée à la somme de 12 231 euros ; que le ministre de l'éducation nationale demande, pour sa part, la confirmation du jugement qui l'a mis hors de cause ;


Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, l'assuré social ou son ayant-droit qui demande en justice la réparation d'un préjudice qu'il impute à un tiers doit indiquer sa qualité d'assuré social ; que cette obligation, sanctionnée par la possibilité reconnue aux caisses de sécurité sociale et au tiers responsable de demander pendant deux ans l'annulation du jugement prononcé sans que le tribunal ait été informé de la qualité d'assuré social du demandeur, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des caisses de sécurité sociale dans les litiges opposant la victime et le tiers responsable de l'accident ; que devant le tribunal administratif de Toulon, M. et Mme B...ont produit diverses pièces dont un bulletin de situation du centre hospitalier Font Pré où a été admise leur fille le jour de l'accident litigieux mentionnant outre le numéro de sécurité sociale de Mme B... qui permettait de s'assurer de sa qualité d'assuré social, l'adresse de la caisse primaire d'assurance maladie dont elle relevait ; qu'en ne communiquant pas la requête à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; que le jugement doit, par suite, être annulé ; que la procédure ayant été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par les époux B...;
Sur la responsabilité de la commune de Sanary-sur-Mer :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation rédigée par le chef du Centre d'incendie et de secours de Sanary-sur-Mer relevant du service départemental d'incendie et de secours du Var, rapprochée de la fiche d'intervention du SMUR, de la fiche médicale dressée par le service des urgences du centre hospitalier intercommunal Toulon La Seyne-sur-Mer et du témoignage daté du 3 juillet 2008 de l'une des surveillantes de la cantine scolaire, que le 1er juillet 2008, vers 13 heures, pendant l'interclasse de midi, la jeune E...B..., alors âgée de quatre ans, qui jouait dans la cour de récréation de l'école maternelle où elle était scolarisée à Sanary-sur-Mer, s'est blessée au thorax en heurtant l'un des arbustes épineux du petit bosquet composé d'oliviers ainsi que de diverses plantes et buissons hauts de près d'un mètre ; qu'il ressort des diverses photographies versées au dossier que la délimitation de cet espace arboré par une simple bordure en béton haute tout au plus d'une vingtaine de centimètres destinée à séparer le jardin de la cour de récréation ne saurait être regardée comme destinée à en empêcher l'accès aux enfants d'une école maternelle ; que, par suite, nonobstant la circonstance qu'un espace arboré non pourvu de protection ne présente, en tant que tel, aucun danger pour les usagers l'utilisant conformément à sa destination, eu égard à la taille des enfants scolarisés dans cet établissement et à la vocation de ce dernier d'accueillir des enfants de moins de six ans, cette dépendance de l'ouvrage public, qui comporte des essences piquantes et des arbustes aux branches longues et solides source d'un danger pour les élèves, ainsi qu'en atteste le compte-rendu du conseil de l'école du 26 juin 2008 qui mentionne la présence de l'équipe municipale ainsi que la proposition de cette dernière de remédier au pus tôt à cet état, doit être regardée comme constitutif d'un défaut d'aménagement et d'entretien normal ; que, dès lors, la responsabilité de la commune de Sanary-sur-Mer se trouve engagée à l'égard de la victime ;

4. Considérant que lorsque la responsabilité du maître d'un ouvrage public est engagée à l'égard de demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage, celui-ci ne peut, pour dégager sa responsabilité, utilement invoquer le fait d'un tiers ; que, par suite, la commune de Sanary-sur-Mer ne peut utilement, pour échapper à son obligation de réparation en sa qualité de maître de l'ouvrage public litigieux, ni se prévaloir du contrat pour l'entretien de cet espace vert qu'elle a conclu le 31 mars 2006 avec une entreprise privée ni de ce qu'une taille des massifs et végétaux de l'école de la Vernette a été effectuée le 31 mai 2008 par ladite entreprise privée titulaire du marché ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la victime, compte-tenu de son âge de quatre ans à la date des faits, et des circonstances dans lesquelles s'est produit cet accident, ait commis une faute susceptible de faire disparaître ou d'atténuer la responsabilité de la commune de Sanary-sur-Mer à son égard ; que, dès lors, les parents de la jeune E...sont fondés à rechercher la responsabilité de la commune de Sanary-sur-Mer ;


Sur la responsabilité de l'Etat :

5. Considérant que, contrairement à ce qu'allèguent les épouxB..., il ne résulte pas de l'instruction que la direction de l'école maternelle de la Vernette ait commis une faute dans l'organisation du service de l'éducation ou de la surveillance susceptible d'entraîner, à ce titre, la responsabilité de l'Etat devant la juridiction administrative ; qu'il résulte, au contraire, du compte rendu du conseil d'école établi le 26 juin 2008 que la direction de l'école maternelle a attiré l'attention des deux membres de l'équipe municipale présents le jour dudit conseil sur les risques et dangers que présentaient les buissons plantés dans la cour de l'école en raison de leur manque d'entretien et que les représentants de l'équipe municipale, qui ont expressément déploré ce manque d'entretien, ont proposé d'y remédier au plus tôt ; que la seule circonstance que l'entreprise privée chargée de l'entretien des espaces verts de l'école maternelle soit intervenue le 31 mai 2008 ne suffit pas à ôter le caractère probant du compte-rendu du conseil d'école qui relate que tant la direction de l'école que les représentants de l'équipe municipale ont déploré le manque d'entretien des espaces arborés ; que, par suite, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que l'Etat a commis une faute dans l'organisation du service public de l'éducation et de la surveillance ;


6. Considérant, qu'il s'ensuit, que la commune de Sanary-sur-Mer doit être déclarée entièrement responsable des dommages dont M. et Mme B...demandent la réparation en raison de l'accident survenu le 1er juillet 2008 dans la cour de récréation de l'école maternelle où était alors scolarisée leur fille ;


Sur l'évaluation des préjudices :

S'agissant des préjudices de E...B...:

7. Considérant qu'alors que la procédure a été communiquée à l'organisme social dont relève MmeB..., mère de la victime mineure à la date des faits en litige, celui-ci n'a présenté devant la Cour aucune conclusion tendant à obtenir le remboursement des débours exposés en lien avec l'accident dont la jeune E...B...a été victime le 1er juillet 2008 ;


8. Considérant qu'il résulte des rapports des expertises médicales, soumis au débat contradictoire, que la jeune E...B..., à la suite de son accident survenu le 1er juillet 2008 dans la cour de l'école maternelle où elle était scolarisée, a été hospitalisée quatre jours, que sa plaie pénétrante sous cutanée au thorax a été suturée, qu'elle a souffert d'un emphysème et subi des traitements et divers soins jusqu'en mars 2009 ainsi qu'une période de déficit fonctionnel temporaire total de quatre jours, une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 20 % pendant quinze jours, une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 % pendant une période de deux mois ; qu'elle a subi, en outre, un préjudice esthétique temporaire évalué à 3 sur une échelle de 1 à 7 pendant deux mois, puis de 2,5 sur la même échelle pendant une année, un préjudice esthétique permanent de 2 sur la même échelle et qu'elle a enduré des souffrances modérées fixées à 3 sur la même échelle ; qu'il sera fait une juste évaluation des préjudices de E...B...en allouant à M. et MmeB..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure, la somme de 200 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence qu'a subi leur fille E...au cours de ses différentes périodes de déficit fonctionnel, la somme de 2 800 euros au titre des souffrances endurées par cette dernière et la somme de 2 300 euros au titre du préjudice esthétique temporaire qui l'a affectée et au titre du préjudice esthétique permanent qui l'affecte ;

S'agissant du préjudice personnel de M. et Mme B...:

9. Considérant qu'il y a lieu d'allouer la somme demandée de 1 500 euros aux époux B...en réparation du préjudice moral subi et de l'angoisse ressentie par ce couple en raison de l'accident survenu à leur fille alors âgée de quatre ans ;
Sur les dépens :

10. Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ;

11. Considérant qu'il y a lieu, eu égard à ce qui précède, de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer, les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 450 euros par l'ordonnance susvisée n° 1100724 en date du 9 janvier 2012 du président du tribunal administratif de Toulon et à la somme de 450 euros par l'ordonnance susvisée n° 1103202 en date du 27 juillet 2012 du président du tribunal administratif de Toulon ;


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme B...qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de partie tenue aux dépens, versent à la commune de Sanary-sur-Mer une quelconque somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme B...au titre des dispositions de cet article et de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer la somme de 2 000 euros ;


D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1002550 du 16 mai 2012 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : La commune de Sanary-sur-Mer versera à M. et MmeB..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure, la somme de 5 300 euros.
Article 3 : La commune de Sanary-sur-Mer versera à M. et Mme B...la somme de 1 500 euros.
Article 4 : Les frais des expertises liquidés et taxés à la somme totale de 900 euros sont mis à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer.
Article 5 : La commune de Sanary-sur-Mer versera la somme de 2 000 euros à M. et Mme B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la demande de M. et Mme B...est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sanary-sur-Mer, à M. F...et Mme C...B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et au ministre de l'éducation nationale.
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N° 12MA03215



Abstrats

67-03-01-02 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Défaut d'entretien normal.
67-03-03-02 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics. Conception et aménagement de l'ouvrage.

Source : DILA, 22/04/2014, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 17/04/2014