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Cour Administrative d'Appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 03/12/2012, 10MA02736, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. DUCHON-DORIS

Rapporteur : Mme Anne MENASSEYRE

Commissaire du gouvernement : Mme HOGEDEZ

Avocat : SCP VIAL - PECH DE LACLAUSE - ESCALE - KNOEPFFLER


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2010, présentée pour M. Serge B, demeurant au ..., par la SCP Vial - Pech de Laclause - Escale - Knoepffler ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 6 du jugement n° 0902383 du 9 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, après avoir solidairement condamné la société GRDF, la société de travaux Navarro Santos Sotranasa et la commune de Perpignan à lui payer la somme de 5 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 2 juin 2009 et la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et avoir statué sur les frais d'expertise et les appels en garantie, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la condamnation solidaire de la société Gaz de France, de la société Sotranasa et de la commune de Perpignan à lui verser la somme de 18 397,82 euros, au titre des travaux de remise en état du talus bordant sa propriété et celle de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance et de porter la réparation de son préjudice de jouissance à la somme de 5 000 euros ;

3°) de mettre à la charge des intimées la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ;
Vu la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 ;
Vu le code de l'énergie ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- et les conclusions de Mme Hogedez, rapporteure publique,




1. Considérant que M. B relève appel du jugement du 9 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Gaz de France, de la société Sotranasa et de la commune de Perpignan à lui verser la somme de 11 491,65 euros, au titre des travaux de remise en état du talus bordant sa propriété et celle de 2 000 euros au titre d'un préjudice de jouissance ; que GRDF doit être regardé comme relevant appel incident des condamnations mises à sa charge et la société Sotranasa comme critiquant le principe d'une condamnation solidaire ; que la commune de Perpignan conteste pour sa part tant le principe de sa responsabilité que celui d'une condamnation solidaire ;


Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport déposé par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier le 12 octobre 2006, que le vendredi 16 avril 2004, la société Sotranasa a ouvert une tranchée en contrebas du talus longeant la propriété du requérant, aux fins d'y installer une canalisation de gaz, sans procéder à son remblaiement ; que, le lendemain, du fait d'importantes intempéries, ce talus s'est pour partie effondré ; que l'expert désigné a estimé que ce sinistre trouvait sa cause principalement dans la réalisation, sans précaution particulière, le 16 avril 2004, d'une tranchée implantée au pied d'un talus instable et, secondairement, dans la réalisation par la commune de Perpignan, en 2001, de travaux d'élargissement et de rectification du tracé du chemin, entraînant l'excavation du pied d'un talus instable, la commune ayant d'ailleurs réalisé au mois de janvier 2004, sur la demande du requérant, des travaux tendant à stabiliser le talus par l'installation d'enrochements sur un mètre de hauteur ; qu'en se bornant à indiquer que l'expert aurait procédé par affirmation subjective et à invoquer le bref délai qui s'est écoulé entre l'ouverture de la tranchée et la survenue du sinistre, la commune de Perpignan ne remet pas en cause utilement les conclusions de l'expert, qui a nettement indiqué que l'enrochement de faible hauteur qu'elle a réalisé en 2004 était insuffisant pour garantir dans le temps la bonne tenue d'un talus fragile dont l'effet de sape en pied, commencé en 2001, a entraîné inexorablement, sous l'effet de l'érosion, l'apparition de zones d'éboulement ; que l'appelant établit ainsi l'existence d'un lien de causalité entre les travaux incriminés et les dommages accidentels dont il se plaint, qui présentent un caractère anormal et spécial ;


Sur les causes exonératoires :

3. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les intempéries survenues durant le week-end des 17 et 18 avril 2004, pour importantes qu'elles aient pu être, aient présenté le caractère d'un évènement de force majeure ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'une imprudence ou une négligence puisse être opposée au propriétaire du bien ;


Sur les débiteurs de l'obligation :

4. Considérant, en premier lieu, que des travaux effectués par Gaz de France, alors établissement public, en vue du raccordement de particuliers au réseau de distribution de gaz naturel présentent le caractère de travaux publics ; qu'en cas de dommage accidentel causé à des tiers par une opération de travaux publics, la victime peut en demander réparation, même en l'absence de faute, aussi bien au maître de l'ouvrage, au maître de l'ouvrage délégué, à l'entrepreneur ou au maître d'oeuvre ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que M. B pouvait à bon droit rechercher la responsabilité solidaire des responsables des travaux successivement entrepris et dans lesquels le dommage trouvait son origine ; qu'ainsi, la société Sotranasa, entreprise chargée des travaux n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité ne pourrait être recherchée par la victime qu'à hauteur de sa part et portion de responsabilité ; que la commune de Perpignan n'est pour sa part pas fondée à contester le principe de la solidarité ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1537, repris à l'article L. 111-57 du code de l'énergie : " I. - La gestion d'un réseau de distribution d'électricité ou de gaz naturel desservant plus de 100 000 clients sur le territoire métropolitain continental est assurée par des personnes morales distinctes de celles qui exercent des activités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz naturel. " ; qu'aux termes de l'article L. 111-61 du même code : " La société gestionnaire d'un réseau de distribution d'électricité ou de gaz qui dessert, sur le territoire métropolitain continental, plus de 100 000 clients est soumise aux règles suivantes : 1° Elle assure l'exploitation, l'entretien et, sous réserve des prérogatives des collectivités et des établissements mentionnés au sixième alinéa du I de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, le développement des réseaux de distribution d'électricité ou de gaz de manière indépendante vis-à-vis de tout intérêt dans des activités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz (...) " ; qu'aux termes de l'article 14 de cette loi, codifié à l'article L. 111-59 du code de l'énergie : " I. - La séparation juridique prévue à l'article 13 entraîne le transfert à une entreprise juridiquement distincte : - Soit des biens propres, autorisations, droits et obligations relatifs à l'activité de gestionnaire de réseau de distribution d'électricité ou de gaz naturel, détenus, le cas échéant, en qualité de concessionnaire ou de sous-traitant du concessionnaire, notamment les contrats de travail et les droits et obligations relatifs à la gestion des réseaux de distribution résultant des contrats de concession prévus par les I et III de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales ; - Soit des biens de toute nature non liés à l'activité de gestionnaire de réseau de distribution d'électricité ou de gaz naturel, avec les autorisations, droits et obligations qui y sont attachés " ; que, selon les dispositions alors en vigueur de l'article 45 de la loi du 7 décembre 2006 : " La séparation juridique prévue à l'article 13 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée doit intervenir au plus tard le 1er juillet 2007 " ;


7. Considérant qu'en application des articles 13 et 14 de la loi susvisée du 9 août 2004, une société distincte de Gaz de France a été créée depuis le 1er janvier 2008 pour assurer les activités de gestionnaire du réseau de distribution publique de gaz naturel ; que la séparation juridique prévue à l'article 13 précité de cette loi a entraîné le transfert à la société GRDF des biens propres, des autorisations, droits et obligations détenus jusqu'alors par Gaz de France relatifs à l'activité de gestionnaire de réseau de distribution de gaz en sa qualité de concessionnaire ; qu'en l'espèce, la réparation des préjudices résultant pour M. B d'une opération de travaux publics de raccordement au réseau de distribution du gaz ne pouvait, dès lors et à compter de cette date, que ressortir de la compétence de la société GRDF ; que, par suite, les conclusions indemnitaires présentées par l'intéressé dans sa requête introduite le 28 mai 2009 étaient mal dirigées en tant qu'elles visaient expressément la société Gaz de France et ne pouvaient, dès lors, qu'être rejetées ; qu'il en va de même de ses conclusions d'appel ;


Sur le montant des indemnités :

8. Considérant que le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres constatés s'élève, selon l'expert, à 11 491,65 euros TTC ; qu'il n'est pas allégué que cette somme corresponde à d'autres travaux que ceux qui sont strictement nécessaires, ni que lesdits travaux ne soient pas les moins onéreux ; que ces travaux auront pour seul objet de remettre le talus déstabilisé dans son état antérieur d'usage ; que, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, il n'y a donc pas lieu d'appliquer au coût de ces travaux un abattement lié à la vétusté ; qu'en revanche, en se bornant à faire état des inconvénients qui résulteront pour lui du déroulement de ces travaux dont la durée est évaluée à 10 jours, M. B ne justifie pas d'un préjudice de jouissance présentant un caractère d'anormalité de nature à ouvrir droit à indemnisation ;


Sur la demande d'intérêts et de capitalisation :

9. Considérant que le requérant demande que la condamnation prononcée soit assortie des intérêts à compter du 28 mai 2009 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette date, soit le 28 mai 2009 ;

10. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 28 mai 2009 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 29 mai 2010, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;


Sur les appels en garantie :

11. Considérant, en premier lieu, que, eu égard aux éléments évoqués ci-dessus, il n'y a pas lieu de revenir sur la part respective dans la survenance du sinistre en litige retenue par les premiers juges, telle qu'elle résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise non utilement contestées sur ce point par la commune de Perpignan ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner la commune de Perpignan à garantir la société de travaux Sotranasa, à hauteur de 40 % des condamnations prononcées à son encontre ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que devant les premiers juges, la société Sotranasa a également appelé en garantie la société Gaz de France ; que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté cet appel en garantie comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître au motif que ces intervenants étaient liés par un contrat en date du 1er août 2003, conclu entre deux personnes privées, alors qu'à cette date, Gaz de France était un établissement public industriel et commercial ; que toutefois, pour les motifs indiqués ci-dessus, ces conclusions étaient mal dirigées, dès lors qu'à la date où elles ont été introduites, seule la société GRDF aurait pu être appelée en garantie ; qu'il en résulte que ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B est, dans les limites exposées ci-dessus, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté une partie de ses prétentions ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :


14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge solidaire de la commune de Perpignan et de la société Sotranasa une somme de 1 000 euros à verser à M. B ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la société Sotranasa et par la commune de Perpignan ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par Gaz de France et GRDF ;





DÉCIDE :


Article 1er : La société Gaz de France est mise hors de cause.


Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 juin 2010 est annulé en tant qu'il a prononcé la condamnation solidaire de la société GRDF à réparer les préjudices de M. Serge B et à payer solidairement la moitié des frais d'expertise et une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et en tant qu'il a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions en garantie dirigées par la société Sotranasa contre Gaz de France.


Article 3 : La somme que la commune de Perpignan et la société Sotranasa ont été condamnées à verser à M. Serge B par l'article 1er du jugement est portée à 11 491,65 euros (onze mille quatre cent quatre vingt onze euros et soixante cinq centimes). Cette somme portera intérêt à compter du 28 mai 2009. Les intérêts échus à la date du 29 mai 2010 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.


Article 4 : La commune de Perpignan est condamnée à garantir la société Sotranasa à hauteur de 40 % des condamnations prononcées à son encontre.


Article 5 : La société Sotranasa et la commune de Perpignan sont condamnées solidairement à payer à M. Serge B la somme de 1 000 euros (mille euros), au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par l'ensemble des parties, tant en première instance qu'en appel est rejeté.


Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Serge B, à la société Gaz de France, à la société GRDF, à la commune de Perpignan et à la société Sotranasa.



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N° 10MA02736



Abstrats

29-05 Energie. Ga.
54-07-01-04-01 Procédure. Pouvoirs et devoirs du juge. Questions générales. Moyens. Moyens d'ordre public à soulever d'office.
54-08-01-01-02 Procédure. Voies de recours. Appel. Recevabilité. Qualité pour faire appel.
60-04-03-02 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice. Préjudice matériel.
60-04-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Modalités de la réparation. Solidarité.
67-03-04 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages créés par l'exécution des travaux publics.

Source : DILA, 11/12/2012, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 03/12/2012