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Cour Administrative d'Appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 14/02/2012, 10MA00912, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. GONZALES

Rapporteur : M. Jean-Baptiste BROSSIER

Commissaire du gouvernement : Mme VINCENT-DOMINGUEZ

Avocat : SCP CORINNE CANO & PHILIPPE CANO


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 mars 2010 sous le n° 10MA00912, présentée par Me Cano, avocat, pour Mme Mireille A, demeurant ... ;

Mme Mireille A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900755 du 7 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de La Poste du 22 septembre 2008 procédant à son licenciement pour inaptitude physique et de la décision rejetant implicitement son recours gracieux reçu le 19 novembre 2008, ensemble a rejeté sa demande de remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;

2°) d'annuler ledit licenciement du 22 septembre 2008 ;

3°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 000 euros au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;

Mme Mireille A soutient que :
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Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2012 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,

- et les observations de Me Lafont pour Mme A et de Me Bellanger pour
La Poste ;

Sur la recevabilité de l'appel :

Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la requête introductive d'appel du
4 mars 2010 qu'elle critique la réponse des premiers juges, tant s'agissant de la régularité de leur jugement que de son bien-fondé ; que dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par la partie intimée tirée de l'insuffisante motivation de la requête introductive d'appel manque en fait ;

Sur le bien-fondé de l'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 susvisée : Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes ; qu'au surplus et pour tous les agents publics, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, agent de La Poste au grade d'APN 1, a été affectée aux fonctions de facteur rouleur ; qu'à la suite d'une première procédure de mise à la retraite d'office pour inaptitude absolue et définitive à toute fonction, rejetée par le service du ministère de l'économie et des finances chargé des pensions des fonctionnaires de l'Etat, l'intéressée a été, par la décision attaquée du 22 septembre 2008, licenciée pour inaptitude physique à exercer ses fonctions de facteur rouleur, après tentative infructueuse de reclassement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées et du principe général du droit susmentionné que La Poste avait, avant de prendre le licenciement pour inaptitude physique en litige, l'obligation de reclasser son agent, laquelle ne consiste pas en une obligation de résultat, mais nécessite d'entreprendre avec diligence toutes les démarches nécessaires afin de reclasser, dans la mesure du possible, cet agent ; que Mme A estime que cette obligation a été méconnue ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'un courrier d'un directeur de la direction du courrier Monts et Provence en date du 7 décembre 2007, intitulé recherche d'un poste de reclassement et énumérant les inaptitudes de l'intéressée, a été adressé à de nombreuses directions et services de La Poste sur le territoire français ; que le tribunal a estimé que, compte tenu de cet envoi adressé pendant trois mois à l'ensemble des directions et service de La Poste sur le territoire français et de la réponse négative de tous les services ainsi interrogés, La Poste avait satisfait à l'obligation de reclassement qui pèse sur elle ;

Considérant toutefois, et en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les termes dudit courrier de recherche d'un poste de reclassement du 7 décembre 2007 étaient ambigus quant aux inaptitudes de l'intéressée repérées par la médecine de prévention, en indiquant, d'une part, des contre-indications à la conduite automobile, à la station prolongée debout, aux travaux de manutention et de tri, et aux travaux prolongés sur écran, tout en précisant ensuite et d'autre part, que les activités possibles sont réduites au travail à temps partiel de type administratif sans écran ; que la nécessité d'un travail sans écran, qui réduit considérablement les possibilités de reclassement sur un poste administratif, n'est pas établie par les éléments médicaux versés au dossier ;

Considérant, en cinquième lieu, que si effectivement ce courrier du 7 décembre 2007 a été adressé à de nombreuses directions ou services de La Poste, il ressort des pièces du dossier que les réponses obtenues l'ont été, dans leur grande majorité, dans la semaine qui a suivi la réception de l'envoi ; qu'en effet, sur 155 réponses négatives pointées dans le dossier, 140 ont été faites au cours du seul mois de décembre 2007, la plupart entre le 12 décembre et le 14 décembre, 14 ensuite au cours des mois de janvier et février 2008 après relance, et une en mars 2008 ; qu'à la suite de la commission de reclassement réunie en mars 2008, qui a confirmé l'impossibilité de reclassement au vu de ces réponses, la direction des ressources humaines de La Poste a écrit à l'intéressée le 15 juillet 2008 indiquant qu'aucun reclassement n'est possible après nouvel examen de votre dossier, alors qu'aucune nouvelle démarche n'est établie en dehors de celle initiée le 7 décembre 2007 et dont il a été dit, d'une part, qu'elle était particulièrement ambiguë quant au contenu des postes adaptés susceptibles d'être retenus pour le reclassement recherché, d'autre part, qu'elle a été à l'origine de recherches opérées, dans leur très grande majorité, sur un laps de temps particulièrement court ; qu'à cet égard, le nota bene final d'un courrier du 18 juin 2008 émanant de la direction des ressources humaines de La Poste indique la faible volonté de cette direction de reclasser un agent accusé de se mettre continuellement en arrêt maladie ;

Considérant, en sixième lieu, que l'appelante soutient, sans être sérieusement contesté sur ce point, que La Poste disposait en 2008 de 218 213 postes d'agents non cadres, dont 10 383 agents non cadres reclassés, dont 5 986 non cadres reclassés de sa catégorie 1 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu notamment du caractère ambigu du courrier du 7 décembre 2007, de la célérité des réponses qui lui ont été données et de l'absence de recherches complémentaires sur une période plus longue malgré le très grand nombre d'emplois d'agents administratifs d'exécution dont dispose La Poste, cette dernière ne peut être regardée comme ayant satisfait, par la seule démarche initiée le 7 décembre 2007, à son obligation de reclassement consistant à rechercher avec diligence, et dans toute la mesure du possible, un poste adapté pour l'intéressée ; que l'appelante est donc fondée à demander à la Cour d'annuler le jugement attaqué, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité ; qu'il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel et pour le motif susmentionné, d'annuler la décision du 22 septembre 2008 de La Poste procédant à son licenciement pour inaptitude physique, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par l'appelante ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que l'appelante a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris les dépens, à verser à son avocat, Me Lafont, qui a déclaré renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :
Article 1er : Le jugement attaqué susvisé du tribunal administratif de Nîmes du 7 janvier 2010 est annulé.

Article 2 : La décision du 22 septembre 2008 de La Poste procédant au licenciement pour inaptitude physique de Mme A est annulée.

Article 3 : La Poste versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à Me Lafont, avocat de
Mme A qui a déclaré renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Mireille A, à la société La Poste et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 10MA00912 2



Abstrats

36-10-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Radiation des cadres. Inaptitude physique.

Source : DILA, 08/03/2012, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 14/02/2012