Président :
M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur :
M. Hervé Guillou
Commissaire du gouvernement :
Mme DELY
Avocat :
GRAU
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête n° 09PA02232, enregistrée le 17 avril 2009, présentée pour la SOCIETE AMEC SPIE ILE-DE-FRANCE NORD-OUEST VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE SPIE TRINDEL, dont le siège est 10 avenue de l'Entreprise Parc Saint-Christophe à Cergy-Pontoise (95800), par la SCP Celice- Blancpain et vu l'arrêt n° 295345 du 8 avril 2009, enregistré le 17 avril 2009, par lequel le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation présenté pour la SOCIETE AMEC SPIE ILE-DE-FRANCE NORD-OUEST, a annulé l'arrêt n° 03PA00258 en date du 18 mai 2006 de la 4ème chambre de la Cour administrative d'appel de Paris et renvoyé l'affaire devant ladite cour ;
Vu la requête n° 03PA00258, enregistrée le 20 janvier 2003, présentée pour la SOCIETE SPIE TRINDEL, dont le siège est 10 avenue de l'Entreprise Parc Saint-Christophe à Cergy-Pontoise Cedex (95863), par Me Molas ; la SOCIETE SPIE TRINDEL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0001494 du 1er octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à ce que le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer soit condamné à lui verser la somme de
12 367 417 F HT ;
2°) de faire droit à sa demande présentée devant le Tribunal administratif de Melun et de condamner le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer à lui verser la somme précitée de 12 367 417 F HT, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du
29 avril 1997, les intérêts étant eux mêmes capitalisés ;
3°) de condamner le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer à lui verser la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2010 :
- le rapport de M. Guillou, rapporteur,
- les conclusions de Mme Dely, rapporteur public,
- et les observations de Me Riquelme, substituant Me Molas, pour la SOCIETE AMEC SPIE ILE-DE-FRANCE NORD-OUEST, de Me Grange, du cabinet Grange et Associés, pour le Ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, de Me Grau pour la société Iosis Bâtiments, et de Me Camuzeaux, substituant Me Favre, pour la société de coordination et d'ordonnancement ;
- et connaissance prise de la note en délibéré enregistré le 15 février 2010 présenté pour l'Etat, de la note en délibéré enregistrée le 15 février présentée pour la SOCIETE AMEC SPIE ILE-DE-FRANCE NORD-OUEST et de la note en délibéré présenté pour la société Iosis Bâtiments ;
Considérant que l'Etat à entrepris la construction d'un bâtiment regroupant les locaux de l'école nationale des ponts et chaussées et de l'école nationale des sciences géographiques et comprenant trois immeubles reliés entre eux par deux verrières, l'ensemble d'une surface hors oeuvre nette de 32.000 m² situé à Marne-la-Vallée, en Seine-et-Marne ; que la direction départementale de l'équipement de Seine-et-Marne a assuré la conduite de l'opération ; que le groupement de maîtrise d'oeuvre constitué par le cabinet d'architectes Chaix et Morel et par la société OTH Bâtiments a été chargé d'une mission comprenant les études, la direction et la surveillance de travaux ; que la mission 'ordonnancement, pilotage et coordination' a été confiée à la société SCO ; que les marchés de travaux ont été attribués en corps d'état séparés ; que la compagnie Eiffel construction métallique a été chargée du lot n° 4 'Structure métallique - structures mixtes' ; que, par un marché notifié le 30 mai 1994, la SOCIETE SPIE TRINDEL, aux droits de laquelle est venue la société SPIE ILE DE FRANCE NORD OUEST, a été chargée de l'exécution du lot n° 24 électricité et courants forts pour un montant de 17 152 354 F HT ; que les travaux ont été réceptionnés avec une date d'effet fixée au 16 décembre 1996 ;
Sur les conclusions à fins d'annulation du jugement attaqué, et sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité :
Considérant que l'exécution de ce chantier ayant connu des retards et des perturbations importants, la SOCIETE SPIE TRINDEL a fait état, lors de la transmission de son projet de décompte final le 29 avril 1997, de surcoûts induits par ces retards, qu'elle a évalués à la somme de 12 367 417 F HT, dont elle demandait le paiement en plus du montant initial du marché ; qu'après avoir à nouveau formulé cette demande à l'occasion de la notification au maître d'oeuvre, le 27 novembre 1997, de sa décision de ne pas signer le décompte général, puis, une nouvelle fois, le 16 mars 1998, par un courrier à la personne responsable du marché, la SOCIETE SPIE TRINDEL a, devant l'absence de résultat de ses démarches, saisi, le
16 avril 1998, le comité consultatif interrégional de règlement amiable, lequel a rendu, le
10 juin 1999, un avis estimant que la société pouvait prétendre au versement de 4 000 000 francs TTC ; que, par une décision du 3 décembre 1999, le directeur départemental de l'équipement de Seine-et-Marne a informé la société de sa décision de ne pas suivre cet avis ; que la société a alors saisi le tribunal administratif de Melun d'une requête tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 12 367 417 F HT (1 885 400, 60 euros) en raison des surcoûts engendrés par l'allongement de la durée du chantier ; que par un jugement du 1er octobre 2002, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande, la jugeant irrecevable au motif que, ainsi qu'il ressortait de l'instruction, la SOCIETE SPIE TRINDEL avait déjà, le 3 octobre 1996, avant l'établissement du décompte général, transmis au maître d'oeuvre et à la personne responsable du marché un mémoire en réclamation pour le montant précité de surcoûts occasionnés par les retards du chantier, et que, faute pour la société requérante d'avoir fait connaître par écrit, dans le délai de trois mois prévu par l'article 50.21 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, à la personne responsable du marché son refus du rejet implicite que celle-ci avait opposé à sa réclamation, sa demande en paiement d'une indemnité n'était plus recevable et devait être considérée comme définitivement réglée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, l'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général par le maître de l'ouvrage le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. / Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 (....) ; qu'aux termes de l'article 50.11 : Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations ; qu'aux termes de l'article 50.12 : Après que ce mémoire a été transmis par le maître d'oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend, dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation. L'absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l'entrepreneur (...) ; qu'aux termes de l'article 50.21 : Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande, il doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition ou de l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître de l'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus. ; qu'aux termes de l'article 50.22 : Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si la SOCIETE SPIE TRINDEL avait formé dès le 3 octobre 1996 une réclamation portant sur un montant de 1 885 400 euros, il est constant, et d'ailleurs non contesté, que cette réclamation a été adressée par cette société sous la forme d'une lettre recommandée avec accusé de réception à la direction départementale de l'équipement de Seine et Marne, personne responsable du marché et que la société s'est contentée d'en adresser une copie, par courrier simple, à l'un des membres, non mandataire, du groupement de maîtrise d'oeuvre ; que la simple transmission au maître d'oeuvre d'une copie de la réclamation adressée au maître d'ouvrage ne pouvait pas faire regarder celle-ci comme élevant un différend entre l'entreprise et la maîtrise d'oeuvre ; qu'ainsi, les premiers juges en opposant à la requête de la SOCIETE SPIE TRINDEL une fin de non recevoir, au motif que cette dernière ne pouvait leur demander de faire droit à une réclamation ayant déjà fait l'objet d'un règlement définitif faute pour l'entreprise d'avoir protesté dans les délais prescrits, à peine de forclusion, par l'article 50.21 précité, contre le rejet implicite de sa demande par la personne responsable du marché, ont commis une erreur de droit ; que dès lors, la SOCIETE SPIE ILE DE FRANCE NORD OUEST est fondée à demander l'annulation, pour ce motif, du jugement attaqué ; que celui-ci doit, par suite, être annulé ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Iosis Bâtiment :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, que postérieurement à la réception des travaux, la SOCIETE AMEC SPIE ILE DE FRANCE devenue SPIE ILE DE FRANCE NORD OUEST, a acquis par un apport partiel d'actif du 30 juin 2002, la Fédération Ile de France Nord-ouest, branche complète et autonome d'activité auparavant détenue par SPIE TRINDEL et ayant réalisé les travaux en litige ; que, dans ces circonstances, la société SPIE ILE DE FRANCE NORD OUEST, doit être regardée comme venant au droit de la société SPIE TRINDEL ; que la fin de non recevoir tirée par la société IOSIS Bâtiments, qui vient au droit de la société OTH, de l'absence de qualité pour agir de la société requérante, doit, par suite, être écartée ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'Etat :
Considérant que le marché litigieux a fait l'objet d'un avenant contenant une clause de renonciation par le titulaire du marché à tout recours ultérieur pour tout différend relatif à des faits antérieurs au présent avenant ; que, toutefois, si l'Etat soutient que cet avenant a été signé le 5 janvier 1995, cette date est celle à laquelle le chef du bureau de la comptabilité des marchés de la direction départementale de Seine-et-Marne a, pour le préfet, certifié conforme à l'original la copie de l'avenant ; que la copie certifiée conforme produite ne comporte aucune date de signature ; que, par suite, le moyen tiré par le ministre de l'équipement, des transports et du logement de ce que la société requérante aurait renoncé à tout recours relatif aux faits antérieurs au 5 janvier 1995 ayant fait l'objet de différends manque en fait ;
Sur le fond du litige :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'opération de construction devait durer 18 mois ; que la notification des marchés aux constructeurs est intervenue le 30 mai 1994, avec un retard de 5 mois ; que la réception des travaux est intervenue avec 10, 5 mois de retard, malgré une prolongation de 2 mois autorisée par la personne responsable du marché et que les travaux de la SOCIETE SPIE TRINDEL, aux droits de laquelle vient la société SPIE ILE DE FRANCE NORD-OUEST, ont duré 2 ans et 6, 5 mois, au lieu des 16, 5 mois prévus; que l'exécution des travaux, d'ailleurs interrompue à cinq reprises, a été perturbée par un manque de préparation du projet de construction, des erreurs de programmation, une insuffisante coordination de l'intervention des différentes entreprises et par des calendriers d'exécution tardifs et inadaptés; que la SOCIETE SPIE ILE-DE-FRANCE NORD-OUEST est fondée à demander à l'Etat, lequel est responsable des fautes qu'il a commise ainsi que de celles éventuellement imputables à ses cocontractants, réparation des préjudices causés par l'allongement de la durée des travaux et par les difficultés d'exécution qui en sont résultées ; que, s'agissant en particulier du chef de préjudice relatif à la quote-part de frais généraux, la société requérante est fondée à demander à être intégralement indemnisée du préjudice subi du fait des retards dans l'exécution du marché imputables au maître de l'ouvrage ou à ses autres cocontractants et distincts de l'allongement de la durée du chantier due à la réalisation des travaux supplémentaires, dès lors que ce préjudice apparaît certain et présente avec ces retards un lien de causalité directe ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 41 734, 59 euros au titre des reprises de prestations ayant subi des dégradations, de 607 175, 34 euros au titre des frais de personnels d'exécution et des frais d'encadrement supplémentaires, de 213 105, 94 euros au titre des coûts d'immobilisation et des autres charges d'exploitation supplémentaires, dont la société requérante soutient à bon droit qu'ils sont imputables au défaut de coordination du chantier et aux erreurs de programmation de ses interventions, ainsi que la somme de 24 708, 93 euros, au titre des frais du siège, dont la société requérante soutient à bon droit qu'ils ont été exposés afin de pallier le défaut de coordination du chantier ; que la société requérante est également fondée à demander à être indemnisée à hauteur de 300, 90 euros au titre du retard pris pour la mainlevée du cautionnement, imputable aux retards sus-analysés, de 8 895, 85 euros, montant résultant de l'application à l'intégralité des prix de l'indice BT47 retenu pour la clause de révision applicable au marché en litige, et de
487, 80 euros au titre des frais d'huissier, dont l'intervention à été utile à l'instruction ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 201, 57 euros demandée par la société requérante, et qui résulterait de l'application aux prix des fournitures et câbles de l'indice BT47 retenu pour la clause de révision applicable au marché en litige ainsi que la somme de 33 513, 01 euros exposée à raison de l'accroissement du taux horaire de la main d'oeuvre allégué, dés lors que ces chefs de réclamation ont déjà été pris en compte au titre des chefs de réclamation précédents ;
Considérant que les prélèvements au bénéfice du compte prorata allégués par la société requérante ont, dés lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que le gestionnaire du compte aurait procédé au solde du compte, un caractère provisionnel ; que faute pour elle de se prévaloir d'un montant net, le chef de réclamation invoqué à ce titre par la société requérante doit être écarté ;
Considérant que les frais de suivi du contentieux allégués par la société requérante, et notamment les frais de personnel consécutifs à la rédaction de son mémoire en réclamation, ne peuvent être regardés comme directement occasionnés par le défaut de coordination du chantier et les erreurs de programmation des interventions de la société requérante ;
Considérant que si la société requérante invoque l'absence de couverture de ses autres frais généraux, qui résulterait de la réalisation d'un chiffre d'affaires inférieur à celui qu'elle escomptait sur la base du calendrier contractuel d'avancement du chantier et d'une coordination non défectueuse des travaux, elle n'apporte aucun élément probant de nature à établir l'existence de ce préjudice, ni d'ailleurs un lien de causalité directe entre ce préjudice et les retards et défauts d'organisation imputables au maître d'ouvrage, à la maîtrise d'oeuvre et aux autres entreprises ;
Considérant que, dés lors que le marché a effectivement été exécuté, la société requérante n'est pas fondée à invoquer le préjudice résultant d'un manque à gagner ;
Considérant que si la société requérante invoque des dépenses liées au financement des sommes supplémentaires qu'elle a exposées en cours d'exécution des travaux, elle ne produit pas d'éléments suffisant pour établir la réalité d'un tel préjudice ;
Considérant que le décompte général et définitif du marché ne peut être établi qu'au terme de son exécution technique, et après application éventuelle des clauses de révisions de prix stipulées; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait perçu tardivement le prix du marché en conséquence du retard pris dans le déroulement du chantier ; que le préjudice allégué à ce titre n'est donc pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les conclusions à fins indemnitaires de la société requérante sont seulement fondées à hauteur de
896 409, 35 euros HT ;
Sur les appels en garantie :
En ce qui concerne les fins de non-recevoir :
Considérant que la réception des travaux met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage et interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation et qu'il en va ainsi, s'agissant des dommages causés aux tiers, et sauf clause contractuelle contraire, alors même que le maître de l'ouvrage entendrait exercer une action en garantie à l'encontre des constructeurs à raison de condamnations prononcées contre lui au profit de ces tiers, sauf dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ; que la réception ne met toutefois fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure et demeure ainsi, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif, seule l'intervention du décompte général et définitif du marché ayant pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le groupement de maîtrise d'oeuvre, le Tribunal administratif de Melun a rejeté, par un jugement du 6 octobre 2006 n° 983796/2, ses conclusions à fin d'établissement du décompte du marché de maîtrise d'oeuvre et qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce décompte soit devenu définitif ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée à l'Etat par le groupement de maîtrise d'oeuvre, motif pris de la réception des travaux, doit être écartée ;
Considérant que le groupement de maîtrise d'oeuvre n'est pas fondé à opposer le délai d'appel à l'Etat, dés lors que ce dernier a la qualité d'intimé dans la présente instance, et a formé un appel en garantie contre le groupement de maîtrise d'oeuvre en première instance ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le groupement de maîtrise d'oeuvre est responsable de 15 jours de retard dans l'exécution du chantier et que l'Etat ne fait valoir à son encontre aucune faute dans l'organisation des travaux ; que, dans ces conditions, il y a lieu de condamner solidairement le cabinet Chaix et Morel et la société Iosis Bâtiments, qui vient au droit de la société OTH, à garantir l'Etat à hauteur de 15 256 euros, somme revendiquée par l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la répartition des missions entre les maîtres d'oeuvre était prévue par la convention passée par le groupement de maîtrise d'oeuvre avec l'Etat ; que le cabinet Chaix et Morel est fondé à demander à être garanti par la société Iosis Bâtiments à hauteur de la 7 628 euros, soit 50 % du montant mis à la charge du groupement de maîtrise d'oeuvre ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard à la mission confiée à la société SCO, il y a lieu de fixer sa part de responsabilité dans le défaut d'organisation et de coordination du chantier, au demeurant principalement imputable à l'impéritie des services de l'Etat, à 5 % ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner la société SCO à garantir l'Etat à hauteur de
44 820, 50 euros ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'Etat est fondé à soutenir que la compagnie Eiffel construction métallique est responsable, à hauteur de 32 jours, des retards dans le déroulement des travaux tout corps d'Etat ; qu'il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité incombant à la compagnie Eiffel construction métallique en la fixant à 3, 75 %, soit 33 615, 35 euros ;
Mais considérant que, par un arrêt ayant même date de lecture, statuant sur le règlement du lot n°4 Structure métallique - structures mixtes confié à la compagnie Eiffel construction métallique , la cour de céans a inscrit au passif du décompte dudit marché la somme
33 615, 35 euros au titre de la part de responsabilité de la compagnie Eiffel construction métallique dans les préjudices financiers subis par la SOCIETE SPIE ILE-DE-FRANCE NORD-OUEST, titulaire du lot n° 24 ; qu'en conséquence, il n'y a plus lieu de statuer, dans la présente instance, sur les conclusions d'appel en garantie de la compagnie Eiffel construction métallique formulées par l'Etat ;
Considérant que le groupement de maîtrise d'oeuvre étant condamné à garantir l'Etat à raison de sa seule part de responsabilité, les conclusions d'appel en garantie formée par le cabinet Chaix et Morel à l'encontre de la compagnie Eiffel construction métallique doivent être rejetées ;
Considérant que le groupement de maîtrise d'oeuvre et la compagnie Eiffel construction métallique étant condamnés à garantir l'Etat à raison de leur seule part de responsabilité, les conclusions d'appel en garantie formée par la société SCO à leur encontre doivent être rejetées ;
En ce qui concerne les intérêts moratoires sur le solde du marché et la capitalisation :
Considérant qu'aux termes de l'article 178 du code des marchés publics, dans sa version applicable aux faits de l'espèce : I. L'administration contractante est tenue de procéder au mandatement des acomptes et du solde dans un délai qui ne peut dépasser quarante-cinq jours ; toutefois, pour le solde de certaines catégories de marchés, un délai plus long peut être fixé (...) Ce délai ne peut être supérieur à trois mois. / II. Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I. ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire et du sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au 15ème jour inclus suivant la date de mandatement du principal. ;
Considérant que le décompte final ayant été adressé par la SOCIETE SPIE TRINDEL au maître de l'ouvrage le 29 avril 1997, le mandatement du solde du marché aurait dû intervenir au plus tard le 13 juin 1997 ; que le défaut de mandatement à cette date de la somme de
896 409, 35 euros due au titre du solde du marché permet à la société de prétendre au versement d'intérêts moratoires au taux prévu par l'article 181 du code des marchés publics auquel renvoient les dispositions précitées de l'article 178 du code des marchés publics, à compter du
14 juin 1997 et jusqu'au 15ème jour suivant la date de son mandatement ; que le calcul desdits intérêts moratoires devra tenir compte du versement éventuel de la provision de
609 796 euros (4 000 000 de Francs) accordé par ordonnance n° 0110 du Tribunal administratif de Melun en date du 5 avril 2004 ;
Considérant, en outre, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu, que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle a été enregistrée et pourvu qu'à cette date, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ;
Considérant que la demande de la SOCIETE SPIE TRINDEL tendant à la capitalisation des intérêts a été enregistrée le 16 septembre 2002 ; qu'à cette date, il été dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Considérant cependant que la cour ne dispose pas d'éléments suffisants permettant de déterminer le montant des intérêts moratoires dus par l'Etat à la SOCIETE SPIE ILE DE FRANCE NORD OUEST ; qu'il y a lieu de renvoyer cette dernière devant le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et le mer afin qu'il soit procédé à leur liquidation ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE SPIE ILE DE FRANCE NORD OUEST la somme de 2 000 euros et de rejeter les conclusions présentées à ce titre par l'Etat, la société Iosis Bâtiments, le cabinet Chaix et Morel, la société SCO et la compagnie Eiffel construction métallique ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 0001494 en date du 1er octobre 2002 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la SOCIETE SPIE ILE-DE-FRANCE NORD-OUEST la somme de 896 409, 35 euros HT, sous déduction éventuelle de la provision accordée par ordonnance n° 0110 du Tribunal administratif de Melun en date du 5 avril 2001, qui portera intérêt à compter 14 juin 1997. Les intérêts échus le 16 septembre 2002 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La société SCO est condamnée à garantir l'Etat à hauteur de 44 820, 50 euros.
Article 4 : La société Iosis Bâtiments et le cabinet Chaix et Morel sont condamnés solidairement à garantir l'Etat à hauteur de 15 256 euros.
Article 5 : la société Iosis Bâtiments est condamnée à garantir le cabinet Chaix et Morel à hauteur de 7 628 euros.
Article 6 : L'appel en garantie du cabinet Chaix et Morel dirigé contre la compagnie Eiffel construction métallique est rejeté.
Article 7 : Les appels en garantie de la société SCO dirigés contre le groupement de maîtrise d'oeuvre et la compagnie Eiffel construction métallique sont rejetés.
Article 8 : L'Etat versera à la SOCIETE SPIE ILE-DE-FRANCE NORD-OUEST la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 9 : Les conclusions de l'Etat, de la société SCO, de société Iosis Bâtiments, de la compagnie Eiffel construction métallique et du cabinet Chaix et Morel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 10 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 09PA02232
Source : DILA, 08/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/