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Cour Administrative d'Appel de Nantes, 4ème chambre, 30/10/2009, 09NT00334, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme PERROT

Rapporteur : Mme Valérie GELARD

Commissaire du gouvernement : M. VILLAIN

Avocat : CABANES


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2009, présentée pour la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE, dont le siège est 6, rue de Watford BP 511 à Nanterre (92000), par Me Cabanes, avocat au barreau de Paris ; la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-2502 en date du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie à lui verser les sommes de 630 710,96 euros HT et de 75 419,49 euros HT, assorties des intérêts et de leur capitalisation, au titre du marché conclu pour la réalisation de quatre bassins tampons sur le réseau d'assainissement du district de Trouville-Deauville et du canton ;

2°) de condamner la communauté de communes Coeur Côte Fleurie à lui verser la somme de 630 710,96 euros, assortie des intérêts calculés à compter du 20 octobre 2003 et capitalisés, au titre des travaux supplémentaires qu'elle a dû réaliser ;

3°) d'enjoindre à la communauté de communes Coeur Côte Fleurie de lui verser, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, la somme de 75 419,49 euros, augmentée de la révision des prix et des intérêts courant à compter du 25 septembre 2000, au titre du règlement du solde du marché ;

4°) de mettre les frais d'expertise, dont le montant s'élève à 6 120,01 euros, à la charge de ladite communauté de communes ;

5°) de condamner celle-ci à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976, modifié, approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2009 :

- le rapport de Mme Gélard, rapporteur ;

- les conclusions de M. Villain, rapporteur public ;

- les observations de Me Pezin substituant Me Cabanes, avocat de la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE ;

- et les observations de Me Harry-Léon substituant Me Preel, avocat de la société Sogreah ;




Considérant que le district de Trouville Deauville et du canton, aux droits duquel vient la communauté de communes Coeur Côte Fleurie, a lancé un appel d'offres restreint en vue de la réalisation de quatre bassins tampons sur son réseau d'assainissement et notamment sur le territoire des communes de Deauville, Tourgeville, Villers sur mer et Touques ; que la mission de maîtrise d'oeuvre a été confiée à la société Sogreah ; que, par un acte d'engagement en date du 23 octobre 1999, le groupement solidaire constitué des sociétés SOLETANCHE BACHY FRANCE (mandataire) et Devin Lemarchand Environnement a été attributaire du lot n° 1 génie civil ; qu'au cours du mois de janvier 2000, l'exécution des travaux a toutefois été perturbée par la découverte d'ouvrages existants enterrés sur les sites de Deauville et de Tourgeville ; qu'après avoir contesté auprès du maître de l'ouvrage le décompte général et sollicité le paiement des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés, la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE a saisi le Tribunal administratif de Caen, le 7 décembre 2004, d'une demande tendant à la condamnation de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie à lui verser la somme globale de 701 767,90 euros HT représentant le montant desdits travaux supplémentaires et le solde du marché ; que la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE interjette appel du jugement en date du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur la nullité du contrat :

Considérant qu'aux termes de l'article 299 bis du code des marchés publics dans sa rédaction alors applicable aux marchés passés dans le cadre d'un appel d'offres restreint : Sur le vu du procès-verbal d'examen des candidatures, la commission arrête la liste des candidats admis à présenter une offre, en tenant compte des garanties professionnelles et financières présentées par chacun des candidats. / Le représentant légal de la collectivité peut avoir décidé que d'autres critères entrent en ligne de compte ; dans ce cas, ils doivent avoir été spécifiés dans le règlement de la consultation. Sont toutefois prohibés les critères qui ne seraient pas justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution (...) ; qu'aux termes de l'article 299 ter du même code : Les plis contenant les offres sont transmis par lettre recommandée avec avis de réception postal ou remis au service contre récépissé. (...) Les plis contenant les offres sont ouverts par la commission prévue à l'article 279. (...) La commission élimine les offres non-conformes à l'objet du marché ; elle choisit librement l'offre qu'elle juge la plus intéressante, en tenant compte notamment du prix des prestations, de leur coût d'utilisation, de la valeur technique et du délai d'exécution. / Le représentant légal de la collectivité peut avoir décidé que d'autres critères entrent en ligne de compte ; dans ce cas, ils doivent avoir été spécifiés dans le règlement de la consultation. Sont toutefois prohibés les critères qui ne seraient pas justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution (...) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement de la consultation du marché passé dans les conditions susindiquées : (...) Les critères de jugement des offres sont classés dans l'ordre décroissant suivant : - le mémoire technique justificatif ; - les moyens mis en oeuvre, le prix des prestations ; les principales dispositions du SOPAQ ; - les propositions de l'entreprise au regard de la propreté, de la tenue et de l'aspect extérieur du/des chantier(s) lié(s) aux travaux projetés ; - qualité des références récentes de moins de 5 ans (...) ;

Considérant qu'en introduisant, parmi les critères de jugement des offres, un critère relatif à la qualité des références des entreprises qui relève de la sélection des candidatures, la personne responsable du marché a méconnu les dispositions précitées des articles 299 bis et ter du code des marchés publics ; qu'une telle méconnaissance implique nécessairement la nullité du contrat, sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu'il aurait été entièrement exécuté ; que ce moyen, qui est d'ordre public, pouvait être invoqué pour la première fois en appel par la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE, attributaire du marché, alors même que sa demande initiale reposait exclusivement sur la responsabilité contractuelle des constructeurs ;

Sur la responsabilité du maître de l'ouvrage :

Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

Considérant, toutefois, que la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE se borne à se référer, pour solliciter le paiement du solde du marché et des sommes dues selon elle au titre des travaux supplémentaires, aux éléments contenus dans le décompte général et définitif du marché, lequel est dépourvu de toute valeur juridique en raison de la nullité du marché, sans établir le caractère utile des dépenses exposées par elle ; que la société requérante n'établit pas davantage le montant du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la nullité du contrat ; que dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée, les conclusions indemnitaires de la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE ne peuvent être accueillies ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser ces frais, qui ont été liquidés et taxés à la somme de 6 120,01 euros par une ordonnance du président du Tribunal administratif de Caen du 13 septembre 2007, à la charge de la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE ;

Sur les appels en garantie :

Considérant que, le présent arrêt ne prononçant de condamnation à l'encontre ni de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie, ni de la société Sogreah, ni de l'Etat, les conclusions de ces derniers tendant respectivement à être garantis par chacun des autres et par la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE des condamnations prononcées à leur encontre sont dépourvues d'objet ; qu'elles ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la communauté de communes Coeur Côte Fleurie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE ainsi qu'à la société Sogreah, la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; que ces dispositions font également obstacle à ce que la société Sogreah et l'Etat, qui ne sont pas non plus les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser à la communauté de communes Coeur Côte Fleurie la somme que celle-ci demande au titre desdits frais ;

Considérant qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE à payer à la communauté de communes Coeur Côte Fleurie d'une part et à la société Sogreah d'autre part, une somme de 1 500 euros chacune au titre des mêmes frais ;


DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel en garantie présentées par la communauté de communes Coeur Côte Fleurie, la société Sogreah et l'Etat sont rejetées.
Article 3 : La SA SOLETANCHE BACHY FRANCE versera à la communauté de communes Coeur Côte Fleurie, d'une part, et à la société Sogreah, d'autre part, la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie et de la société Sogreah tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA SOLETANCHE BACHY FRANCE, à la communauté de communes Coeur Côte Fleurie, à la société Sogreah et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
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N° 09NT00334
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Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 30/10/2009