Président :
M. VINCENT
Rapporteur :
M. Olivier TREAND
Commissaire du gouvernement :
M. COLLIER
Avocat :
OLSZAK
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 avril 2009, présentée pour M. Alain A, demeurant ..., par Me Olszak ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0603259 du 10 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 27 avril 2006 par laquelle le président de l'Université Louis Pasteur de Strasbourg a décidé de ne pas renouveler le contrat à durée déterminée sur lequel il avait été recruté pour assurer les fonctions d'assistant du laboratoire de biochimie appliquée et, d'autre part, à ce que l'Université lui verse diverses indemnités ;
2°) d'annuler la décision du 27 avril 2006 ;
3°) de requalifier le dernier contrat conclu le 21 décembre 2005 en contrat à durée indéterminée ;
4°) de condamner l'Université Louis Pasteur à lui payer les sommes respectives de 22 984,09 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 16 081,68 euros au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, 10 000 euros en réparation de la faute commise consistant à ne pas lui avoir proposé un contrat à durée indéterminée et 10 000 euros au titre du préjudice né de la faute commise en n'assurant pas la continuité de son contrat de travail, ces sommes portant intérêts à compter du 28 juin 2006 et les intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;
5°) de mettre à la charge de l'Université Louis Pasteur une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- les fonctions d'assistant du laboratoire de biochimie appliquée n'entraient pas dans le cadre de ses activités statutaires de maître de conférences ; il ne s'agissait pas d'une activité de recherche au sens des dispositions de l'article 3 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ; si tel avait été le cas, l'Université n'aurait pas conclu des contrats ; le laboratoire de biochimie appliquée était un simple laboratoire d'analyses médicales et non un laboratoire de recherche universitaire ; aux termes de l'article 2 de ses contrats de travail successifs, sa mission était de faire des examens médicaux pour le compte de patients hospitalisés ou ambulants du centre de traumatologie et d'orthopédie ; ils ne constituaient pas des actes de recherche ;
- il a bénéficié de sept contrats successifs ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il doit être considéré comme agent contractuel ; il aurait dû bénéficier des dispositions de l'article 13 de la loi du 26 juillet 2005, qui prévoient que lorsque l'agent est en fonction depuis plus de 6 ans, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que pour une durée indéterminée ; or, à la date du 21 décembre 2005 à laquelle a été renouvelé son contrat, à compter du 1er janvier 2006, il aurait dû bénéficier d'un contrat à durée indéterminée ; il y a lieu d'annuler la décision refusant de lui renouveler son contrat qui est en fait une décision de licenciement ;
- il a droit à une indemnité de licenciement de 22 984,09 euros ; le préjudice né du non respect de la procédure de licenciement prévue à l'article 47 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 sera indemnisé à hauteur de 16 081,68 euros ; la faute consistant en ne pas lui avoir proposé un contrat à durée indéterminée a généré un préjudice moral et financier qui sera justement réparé en lui octroyant une indemnité à hauteur de 10 000 euros ; l'Université Louis Pasteur ne s'est pas chargée d'assurer la continuité de son contrat de travail en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail et de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 relative au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises ; le laboratoire dans lequel il exerçait a été repris par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg en 2006 ; il ne résulte un préjudice à hauteur de 10 000 euros ;
- ayant été licencié du fait de son statut d'agent contractuel, il serait inéquitable qu'il ne puisse pas invoquer ce statut pour bénéficier des droit y afférents ;
- lui refuser le bénéfice des dispositions de la loi du 26 juillet 2005 le placerait dans une situation discriminatoire vis-à-vis des titulaires d'un contrat de droit privé ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2010, présenté pour l'Université de Strasbourg par Me Clamer ; l'Université de Strasbourg conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. A à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le statut de fonctionnaire de l'Etat est exclusif de tout autre statut ; aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983, les fonctionnaires doivent consacrer l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées ; M. A n'a été autorisé à avoir une activité accessoire que parce qu'elle était en lien avec ses fonctions principales de maître de conférences ; son activité au sein du laboratoire entrait dans le cadre de son activité statutaire telle que définie par l'article 3 du décret du 6 juin 1984 ; il utilisait ses connaissances et son savoir-faire au bénéfice d'un secteur social et économique ; les stipulations de l'article 2 de ses contrats prévoient qu'il intervient en complément et en appui de ses activités de recherche ; M. A ne peut se prévaloir des dispositions de la loi du 26 juillet 2005 ;
- à titre subsidiaire, si la Cour admettait que M. A avait le statut d'agent non titulaire, il ne pourrait bénéficier des dispositions des articles 12 et 13 de la loi du 26 juillet 2005 puisqu'il n'occupait pas un emploi permanent de l'Université depuis 6 ans ; son emploi ne correspondait pas à un besoin permanent de l'Université, quand bien même ses contrats successifs ont une durée égale à 6 ans ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute d'avoir été précédées d'une demande préalable d'indemnité ; le contentieux n'est donc pas lié ; au surplus, les demandes de M. A sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 avril 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient en outre que ses conclusions indemnitaires sont recevables ;
Vu la correspondance du 22 avril 2010 par laquelle le président de la 3ème chambre de la Cour a informé les parties que celle-ci était susceptible de fonder sa décision sur un moyen relevé d'office ;
Vu les observations, enregistrées le 29 avril 2010, présentées par M. A en réponse à la correspondance précitée, par laquelle celui-ci fait valoir que, dans l'hypothèse où la Cour considérerait que la loi du 26 janvier 2005 n'a pas vocation à s'appliquer aux agents titulaires, elle devra soulever une question préjudicielle devant la Cour de justice de l'Union européenne consistant à savoir si la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999 peut être interprétée comme permettant à la loi nationale d'exclure de son champ d'application les travailleurs ayant par ailleurs la qualité de fonctionnaire ;
Vu les observations, enregistrées le 29 avril 2010, présentées pour l'Université de Strasbourg en réponse à la correspondance précitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité sur l'Union européenne ;
Vu la directive n° 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ;
Vu la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des autres membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ensemble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiées ;
Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ;
Vu le décret-loi du 26 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunération et de fonctions ;
Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2010 :
- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Olszak, avocat de M. A, et de Me Varin, pour le cabinet A et C. LEX, avocat de l'Université Louis Pasteur de Strasbourg ;
Considérant que M. A, maître de conférences, a en outre exercé à temps partiel les fonctions d'assistant du laboratoire de biochimie appliquée, sous forme de contrats à durée déterminée conclus successivement avec l'Université Louis Pasteur de Strasbourg à compter du 1er janvier 2000 et jusqu'au 30 juin 2006 ; que, par décision du 27 avril 2006, le président de l'Université Louis Pasteur a décidé de ne pas renouveler le contrat arrivant à échéance le 3 juin 2006 ; que M. A conclut à l'annulation de ladite décision et à l'indemnisation du préjudice subi.
Sur la légalité de la décision du 27 avril 2006 :
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors en vigueur : I. Les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées... Les conditions dans lesquelles il peut être exceptionnellement dérogé à cette interdiction sont fixées par décret en Conseil d'Etat... ; qu'aux termes de l'article 9 du décret susmentionné du 6 juin 1984, dans sa rédaction applicable en l'espèce : Les enseignants chercheurs doivent la totalité de leur temps de service à la réalisation des différentes activités qu'impliquent leurs fonctions. En matière de cumuls d'emplois et de cumuls de rémunérations publiques ou privées, ils sont soumis aux dispositions législatives et réglementaires applicables à l'ensemble des agents de la fonction publique... ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 du décret-loi du 29 octobre 1936 susvisé alors en vigueur : Nul ne peut exercer simultanément plusieurs emploi rémunérés sur les budgets des collectivités visées par l'article 1er... Les cumuls autorisés auront une durée limitée... et ne devront en aucun cas préjudicier à l'exercice de la fonction principale... ;
Considérant que M. A soutient que, dès lors qu'il était en fonction depuis au moins six ans, son dernier contrat, conclu pour la période du 1er janvier au 30 juin 2006, devait être requalifié en contrat à durée indéterminée sur le fondement de l'article 13 de la loi susvisée du 26 juillet 2005, qui dispose que : ... Lorsque, à la date de publication de la présente loi, l'agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que pour une durée indéterminée... et qu'ainsi, la décision attaquée serait illégale en tant qu'il était devenu titulaire d'un contrat à durée indéterminée à la date du 30 juin 2006 à laquelle a pris fin son dernier contrat ;
Considérant toutefois que les dispositions précitées de la loi du 26 juillet 2005, insérées dans le chapitre III intitulé Lutte contre la précarité , ayant pour but de stabiliser la situation des agents contractuels et, à cette fin, de limiter le recours aux contrats à durée déterminée dans la fonction publique, conformément aux objectifs de la directive susvisée du 28 juin 1999 dont ladite loi vise à assurer la transposition, doivent être regardées comme ne s'appliquant pas aux activités accessoires des fonctionnaires ; qu'au surplus, ainsi que le mentionnent d'ailleurs ses contrats, l'activité accessoire de M. A s'exerçait dans le cadre des dispositions susrappelées du décret du 29 octobre 1936, lesquelles disposent, comme il vient d'être mentionné, que les cumuls d'activité ne peuvent être autorisés que pour une durée limitée ; qu'il appartient au demeurant à l'administration d'apprécier, dans l'intérêt du service, l'opportunité de renouveler une autorisation de cumul d'emplois venue à expiration ; qu'ainsi, l'application des dispositions précitées de la loi du 26 juillet 2005 serait en tout état de cause incompatible tant avec la faculté dont dispose l'administration de ne pas renouveler une autorisation de cumul d'emplois qu'avec le caractère accessoirement limité dans le temps de cette autorisation ;
Considérant qu'il s'ensuit que M. A n'est pas fondé à demander la requalification de son dernier contrat en contrat à durée indéterminée ; que l'intéressé ne conteste par ailleurs pas le bien-fondé du motif pour lequel l'Université a mis fin à son contrat, tiré de ce que l'activité d'analyse qu'il exerçait était transférée aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg à compter du 1er juillet 2006 ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin pour la Cour de poser à la Cour de justice de l'Union européenne, en application de l'article 267 du traité de l'Union européenne, une question préjudicielle concernant la validité de la loi du 26 juillet 2005 en tant qu'elle devrait être regardée comme excluant les fonctionnaires du champ d'application de son titre III, c'est à juste titre que, quelque puisse être la pertinence des motifs qu'il a cru devoir retenir à cet égard, le tribunal a rejeté les conclusions de M. A tendant à l'annulation de ladite décision ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par l'Université de Strasbourg :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la décision susrappelée du 27 avril 2006 est constitutive non d'un licenciement, mais d'un refus de renouvellement d'un contrat à durée déterminée ; que, par suite, les conclusions de M. A tendant au versement de diverses indemnités en réparation du préjudice subi du fait du défaut de perception de l'indemnité réglementaire de licenciement, de l'irrégularité alléguée de la procédure de licenciement et de l'absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée doivent être rejetées ;
Considérant, en second lieu, que si M. A fait également valoir qu'il aurait incombé à l'Université Louis Pasteur de Strasbourg, en application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 122-12 du code du travail, qui doivent être regardées comme transposant la directive susvisée n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, de se charger d'assurer la continuité de son contrat de travail auprès des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, les dispositions du code du travail ne sont pas applicables aux agents publics et, ainsi qu'il résulte de l'interprétation donnée par la Cour de justice des communautés européennes dans l'arrêt du 14 septembre 2000 statuant dans l'affaire C-343/98, les dispositions de la directive 77/187/CCE, reprises par la directive susrappelée du 12 mars 2001, ne peuvent être invoquées que par les personnes qui sont protégées en tant que travailleurs au titre de la législation nationale en matière de droit du travail, et sont ainsi inapplicables aux personnes relevant d'un statut de droit public ; qu'ainsi, les conclusions de M. A tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la méconnaissance par l'Université des dispositions du code du travail et de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 doivent être également rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Université de Strasbourg, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu de mettre à la charge de M. A la somme de 1 500 euros que demande l'Université de Strasbourg au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête susvisée de M. A est rejetée.
Article 2 : M. A versera à l'Université de Strasbourg une somme de 1 500 euros (mille cinq cents) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alain A et à l'Université de Strasbourg.
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09NC00539
Abstrats
36-12-03-02 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES. FIN DU CONTRAT. REFUS DE RENOUVELLEMENT. - - REFUS DE RENOUVELLEMENT D'UN CONTRAT À DURÉE DÉTERMINÉE CONCLU AVEC UN AGENT AYANT PAR AILLEURS LA QUALITÉ DE FONCTIONNAIRE TITULAIRE ET RENOUVELÉ UNE DERNIÈRE FOIS APRÈS L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI DU 26 JUILLET 2005. - INAPPLICABILITÉ À LA DÉCISION DE NE PAS RENOUVELER CE DERNIER CONTRAT DES DISPOSITIONS DE LA LOI DU 26 JUILLET 2005 PRÉVOYANT QUE LE CONTRAT DES AGENTS NON TITULAIRES EN FONCTION DEPUIS AU MOINS SIX ANS À LA DATE DE PUBLICATION DE LA LOI NE PEUT ÊTRE RECONDUIT QUE POUR UNE DURÉE INDÉTERMINÉE.
Résumé
36-12-03-02 Eu égard à l'objectif de lutte contre la précarité ainsi poursuivi, les dispositions de l'article 13 de la loi du 26 juillet 2005 prévoyant que l'agent non titulaire en fonction depuis six ans au moins à la date de publication de la loi ne peut être reconduit que pour une durée indéterminée ne sont pas applicables aux activités accessoires des fonctionnaires exercées sous forme de contrats à durée déterminée.
Source : DILA, 22/01/2020, https://www.legifrance.gouv.fr/