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Cour Administrative d'Appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 14/02/2011, 08MA01110, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. GUERRIVE

Rapporteur : Mme Emilie FELMY

Commissaire du gouvernement : M. MARCOVICI

Avocat : SCP D'AVOCATS CGCB & ASSOCIES


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA01110, présentée pour le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES venant aux droits de l'ECOLE NATIONALE SUPERIEURE AGRONOMIQUE DE MONTPELLIER (ENSAM), et dont le siège est 2 place Viala à Montpellier Cedex 1 (34060), représenté par son administrateur provisoire, par la SCP d'Avocats CGCB et Associés ;

le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402098 du 21 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Abilis et des constructeurs du bâtiment Coeur d'école à lui payer la somme totale de 769 144,61 euros, assortie des intérêts légaux, en réparation des désordres subis du fait de l'incendie survenu dans ses locaux le 4 février 1999 ;
2°) de condamner la société Abilis à lui payer la somme de 769 144,61 euros et à titre subsidiaire la somme de 276 892,06 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la date d'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif ainsi que la somme de 5 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la SCP Michel et Tourre, la société Valentin, la société Maliver, la société Socotec, la société Or.di pro, la société Sogea Sud-Ouest, la société Stefanutti, la société Wanner Industrie, la société Berta et fils, la société Cegelec et la société Tenovis à lui payer la somme de 492 252,55 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la date d'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif et la somme de 5 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier, notamment le rapport de l'expert déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2003 ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 90-587 du 4 juillet 1990, relative aux droits et obligations de l'Etat et des départements concernant les instituts universitaires de formation des maîtres, à la maîtrise d'ouvrage de constructions d'établissements d'enseignement supérieur et portant diverses dispositions relatives à l'éducation nationale, à la jeunesse et aux sports ;

Vu le décret n° 71-61 du 6 janvier 1971, organisant les structures de l'Institut national agronomique Paris-Grignon, de l'Ecole nationale supérieure agronomique de Montpellier, de l'Institut national d'enseignement supérieur et de recherche agronomique et agroalimentaire de Rennes et de l'Ecole nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires ;

Vu le décret n° 2006-1593 du 13 décembre 2006 portant création du CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES (Montpellier Sup Agro) ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2011 :

- le rapport de Mme E. Felmy, conseiller ;

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;

- et les observations de Me Crétin, avocat, représentant le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES, de Me Bene, avocat, représentant la société Socotec, de Me Pons, avocat, représentant la société Sogea sud-ouest et de Me Durand, avocat, représentant la société Cegelec ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 18 janvier 2011, présentée pour le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES ;

Considérant que le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES (MONTPELLIER SUP AGRO), venant aux droits de L'ECOLE NATIONALE SUPERIEURE AGRONOMIQUE DE MONTPELLIER (ENSAM), est installé dans le campus de la Gaillarde à Montpellier, dont les locaux et terrains appartiennent à l'Etat ; qu'un bâtiment dénommé Coeur d'école a été construit et mis à disposition de l'ENSAM à l'achèvement des travaux, dont la réception a été prononcée sans réserve les 16 juillet et 1er septembre 1997 ; que par marché à bon de commandes du 15 septembre 1997, l'ENSAM a confié l'entretien de ce bâtiment à la société ISS Abilis ; que le 4 février 1999, l'école a subi un incendie dont l'origine est située dans un local d'entreposage de matériel de ménage utilisé par la société ISS Abilis ; que le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES interjette appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que soit engagée la responsabilité contractuelle de la société ISS Abilis, et à titre subsidiaire, la responsabilité décennale des constructeurs afin de lui verser la somme de 645 259,37 euros TTC à titre de réparation de son préjudice principal tenant à la remise en état des locaux, la somme de 93 885,24 euros TTC, à titre de réparation du coût de préfinancement des travaux rendus nécessaires par le sinistre et la somme de 30 000 euros TTC, à titre de réparation de la perte de jouissance des locaux durant 11 mois et de la mobilisation du personnel pour gérer le sinistre et préparer un nouvel appel d'offres ;

Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif et de la requête d'appel :

Considérant, d'une part, que par délibération du 9 janvier 2007, le conseil d'administration provisoire du CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES a délégué ses attributions à l'administrateur provisoire de cet établissement, nommé par arrêté du 19 décembre 2006 du ministre de l'agriculture et de la pêche, ses attributions en matière d'actions en justice conformément à l'article 6 du décret n° 2006-1593 du 13 décembre 2006 portant création de cet établissement, aux termes duquel : Le conseil d'administration fixe les orientations générales de l'établissement. Il délibère notamment sur : (...) 16° Les actions en justice et les transactions. Il peut déléguer au directeur général de l'établissement, dans les limites qu'il fixe, les attributions mentionnées aux 8°, 10°, 12° et 16°. ; que le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES est venu aux droits de l'ENSAM dans l'instance engagée devant le tribunal administratif en 2004 et que, par suite, la demande initialement présentée par le directeur de l'ENSAM et reprise au cours de l'instance par l'administrateur provisoire de l'établissement public nouvellement créé a été régularisée par l'intervention de cette délibération ;

Considérant, d'autre part, que par délibération en date du 19 avril 2007, le conseil d'administration du CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES a délégué à l'administrateur provisoire et au directeur général du CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES ses attributions en matière d'actions en justice ; qu'aux termes de l'article 25 du décret précité : L'administrateur provisoire exerce les compétences du directeur général prévues à l'article 9 du présent décret. Il est chargé de préparer le budget de l'établissement et d'organiser les élections des représentants des personnels et des étudiants au conseil d'administration et aux autres instances consultatives. Ces élections doivent avoir lieu avant le 31 mars 2007. Les fonctions de l'administrateur provisoire prennent fin lorsqu'est désigné le directeur général de l'établissement. ; que si le conseil d'administration n'a pas expressément autorisé l'administrateur provisoire à faire appel du jugement qui n'est intervenu que le 21 décembre 2007, il ressort des termes généraux dans lesquels la délibération est rédigée qu'elle vise à donner habilitation à l'administrateur provisoire ou au directeur général pour l'ensemble des instances successives relatives au présent litige ;

Considérant, dès lors, que la fin de non recevoir soulevée par les sociétés Sogea et ISS Abilis, tirée de l'absence de qualité pour agir de l'administrateur provisoire en appel comme en première instance, doit être écartée ;

Sur la compétence du juge administratif :

Considérant que la société ISS Abilis France réitère en appel l'exception d'incompétence de la juridiction administrative opposée en première instance et tirée de ce que la juridiction saisie serait incompétente pour se prononcer sur les conclusions dirigées à son encontre dès lors que le contrat qu'elle a conclu avec l'établissement public requérant relatif à l'entretien de ses locaux n'impliquait nullement l'exercice de prérogatives de puissance publique ; qu'il convient, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter cette exception d'incompétence ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. ;

Considérant que pour retenir la nullité du contrat conclu entre la société ISS Abilis et l'ENSAM et rejeter les conclusions indemnitaires de cette école contre son cocontractant, le Tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur le moyen, soulevé d'office, tiré de ce que le contrat en litige n'avait pas été signé par le directeur de l'ENSAM après autorisation valablement intervenue par le conseil général de l'ENSAM ; qu'il résulte de l'instruction que par lettre en date du 10 octobre 2007, le tribunal s'est limité à demander à l'établissement public requérant de lui communiquer, notamment, pour compléter l'instruction, la délibération de son assemblée délibérante ayant autorisé son directeur à conclure le contrat avec la société ISS Abilis France sans toutefois informer les parties qu'il était susceptible de fonder sa décision sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'incompétence du signataire du marché et de la nullité du contrat en cause ; que, par suite, le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation en tant qu'il a rejeté ses conclusions présentées contre la société ISS Abilis ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer dans la limite des conclusions formées contre la société ISS Abilis France et, dans cette mesure, de statuer immédiatement sur la demande présentée par le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

Considérant, d'autre part, que le tribunal a exposé de manière suffisante les motifs pour lesquels il estimait que la garantie décennale ne pouvait être retenue à l'encontre des constructeurs et n'a donc pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation sur ce point ;

Sur les responsabilités :

Considérant que le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES demande à la Cour de condamner la société Abilis à lui payer la somme de 769 144,61 euros et à titre subsidiaire la somme de 276 892,06 euros, correspondant aux dégâts qui ont affecté le local ménage de son bâtiment ; qu'à titre subsidiaire, il demande également de condamner la SCP Michel et Tourre, la société Valentin, la société Maliver, la société Socotec, la société Or.di pro, la société Sogea Sud-Ouest, la société Stefanutti, la société Wanner Industrie, la société Berta et fils, la société Cegelec et la société Tenovis à lui payer la somme de 492 252,55 euros correspondant aux dommages qui se sont produits au-delà de ce local ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que l'incendie a pour origine la batterie de l'auto-laveuse utilisée par l'entreprise ISS Abilis et entreposée dans le local ménage, et que les dommages qui ont été causés au bâtiment du fait de l'incendie ont été aggravés par la non-conformité des parois du local ménage et du plancher entre le rez-de-chaussée et la paroi coupe-feu à la réglementation en matière d'incendie ainsi que par la position ouverte de certaines portes coupe-feu ;

Sur la responsabilité contractuelle de la société ISS Abilis France :

Considérant, d'une part, que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu'il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou son annulation, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par acte d'engagement en date du 15 septembre 1997, l'ENSAM a conclu avec la société ISS Abilis France un marché à bons de commande de prestation de services pour le nettoyage de ses locaux, ce marché étant d'une durée d'un an à compter du 1er novembre 1997, renouvelable par tacite reconduction pour une durée maximum de trois ans ; qu'il est constant qu'en application de l'article 1er du décret susvisé en date du 6 janvier 1971, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion dudit marché, l'Ecole nationale supérieure agronomique de Montpellier était dirigée par un directeur, assisté d'un conseil général de l'école et qu'aux termes, dans sa rédaction alors en vigueur, de l'article 6 du même décret : (...) le conseil général de l'école prend des délibérations exécutoires après approbation du ministre de l'agriculture : (...) sur les baux et marchés dont l'exécution s'étend sur plusieurs années ou qui, portant sur des sommes supérieures à la limite fixée pour les achats sur simple facture effectués par l'Etat, sont relatifs à des objets autres que ceux visés ci-dessus ; qu'il ressort de l'extrait des délibérations du conseil général de l'ENSAM du 13 décembre 1994 que celui-ci a donné délégation au directeur de l'ENSAM pour signer les baux et marchés destinés à être exécutés pendant l'année en cours ; que le marché en litige a été signé en 1997 ; qu'ainsi, l'incompétence rationae temporis du directeur de l'ENSAM à la date de la conclusion de ce marché constitue un vice affectant les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ; que, toutefois, ce seul vice ne saurait être regardé, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles et, par ailleurs, à la poursuite de l'exécution du contrat par la société ISS Abilis durant un an et demi avant le sinistre, comme d'une gravité telle que le juge doive écarter le contrat conclu en 1997 et que le litige qui oppose les parties ne doive pas être tranché sur le terrain contractuel ; que, par suite, la société ISS Abilis n'est pas fondée à soutenir que les stipulations du contrat ne peuvent être invoquées dans le cadre du présent litige ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 du cahier des clauses administratives particulières du marché : Le titulaire du marché est responsable (...) des accidents survenants sur le chantier par le fait de son personnel ou de ses matériels, des dégâts produits à l'occasion de l'exécution des travaux de nettoyage ou d'entretien. ; qu'aux termes de l'article 9 du cahier des clauses techniques particulières : 9.1 La personne responsable du marché indiquera au titulaire les locaux mis gratuitement à sa disposition / 9.2 Le stockage des produits devra être effectué dans les locaux prévus à cet effet (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'incendie qui s'est produit en 1999 a été provoqué par le dysfonctionnement de la batterie d'une auto-laveuse électrique appartenant à la société ISS Abilis France ; qu'en vertu des stipulations précitées, la société est responsable des dommages provoqués par son matériel ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit, il résulte également de l'instruction et du rapport d'expertise que l'incendie a pu se propager dans le bâtiment du fait de la non-conformité des parois du local ménage et du plancher entre le rez-de-chaussée et l'étage à la réglementation en matière d'incendie ainsi que du fait de la position ouverte de portes coupe-feu ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation de la responsabilité de la société ISS Abilis France en la limitant aux conséquences dommageables de l'incendie relatives à la destruction du local ménage ; qu'aucune faute de l'établissement public requérant n'est susceptible d'atténuer la responsabilité de la société ISS Abilis dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'avertissement des secours, même s'il était intervenu sans retard, n'aurait pu empêcher les dommages provoqués à ce niveau ;

Sur la responsabilité des constructeurs :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

Considérant, d'une part, que la réception d'un ouvrage met fin aux relations contractuelles entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; que la responsabilité des constructeurs ne peut alors plus être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour des désordres qui affecteraient l'ouvrage mais seulement sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; qu'il n'est pas contesté que la réception définitive des travaux est intervenue 1er septembre 1997 ; que si l'expiration du délai de l'action en garantie décennale dont le maître de l'ouvrage dispose ne décharge pas les constructeurs de la responsabilité qu'il peuvent encourir, en cas de fraude ou de dol, dans l'exécution de leur contrat et qui n'est soumise qu'à la prescription trentenaire édictée par l'article 2262 du code civil, il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage ait subi un tel vice du consentement au moment de la réception des ouvrages ; que, par suite, le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES n'est pas fondé à rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs ;

Considérant, d'autre part, que la réception des travaux ne met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les maîtres d'oeuvre qu'en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage et ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre soit recherchée à raison des manquements à leur obligation de conseil du maître de l'ouvrage au moment de la réception des travaux ; que, toutefois, si le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES soutient que les maîtres d'oeuvre devaient attirer l'attention du maître d'ouvrage sur le non-respect par les entrepreneurs des normes de sécurité et de protection contre l'incendie et l'ont, de ce fait, privé de la possibilité de formuler des réserves, il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés Or.di pro et SCP Michel et Tourre se seraient abstenues de prodiguer les conseils nécessaires au moment de la réception ; qu'enfin, la société Socotec, en sa qualité de contrôleur technique, n'était pas contractuellement tenue de prendre part à la réception des travaux ;

En ce qui concerne la responsabilité décennale des constructeurs :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, en application de la loi n° 90-587 du 4 juillet 1990 susvisée, l'Etat a confié à la région Languedoc-Roussillon par convention en date du 22 août 1994, la maîtrise d'ouvrage des travaux de l'opération de construction dénommée Coeur d'école de l'ENSAM, à Montpellier, l'article 6 de cette convention stipulant que, après réception des travaux, les bâtiments ainsi réalisés seraient remis à l'Etat ; que, par convention en date du 14 octobre 1994, cette collectivité territoriale a elle-même confié la maîtrise d'ouvrage déléguée de cette opération de construction à l'établissement public requérant ; que par convention en date du 11 mars 2004, la région Languedoc-Roussillon a cédé à l'établissement public requérant son action en matière de garantie décennale ; que, par suite, le requérant justifie être titulaire de l'action en garantie décennale qu'il invoque ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de la lecture du mémoire introductif d'instance de l'ENSAM que cette dernière n'avait alors présenté son action que sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs ; que si elle a invoqué, le 23 janvier 2007, en cours d'instance, mais après l'expiration du délai de recours contentieux, le moyen tiré de la responsabilité décennale des constructeurs, ce moyen, qui était certes fondé sur une cause juridique distincte de celle relative à la responsabilité contractuelle, était toutefois recevable dès lors qu'aucun délai contentieux ne saurait être opposé à une demande en matière de travaux publics ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fraude ou le dol de la part des constructeurs, alléguée par le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES, qui aurait eu pour effet de proroger leur responsabilité contractuelle à la prescription trentenaire édictée par l'article 2262 du code civil, la fin de non-recevoir opposée par la société Sogea doit être écartée ;

Considérant, en troisième lieu, que les désordres dont fait état le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES pour mettre en oeuvre la responsabilité décennale des constructeurs sont relatifs, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise, à des malfaçons relatives à l'isolation thermique des locaux dans lesquels était installée l'auto-laveuse à l'origine de l'incendie survenu le 4 février 1999 et à un défaut de conformité aux normes de sécurité anti-incendie, et n'étaient pas apparents lors de la réception de l'ouvrage ; qu'ils sont constitutifs de désordres de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil dès lors qu'ils sont susceptibles d'affecter la solidité de l'immeuble et de le rendre impropre à sa destination ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en demandant, sur le fondement précité, la condamnation de la SCP Michel et Tourre, la société Valentin, la société Maliver, la société Socotec, la société Or.di pro, la société Sogea Sud-Ouest, la société Stefanutti, la société Wanner Industrie, la société Berta et fils, la société Cegelec et la société Tenovis, le requérant a suffisamment identifié les débiteurs de la garantie décennale qu'il souhaitait voir condamnés ; que si la société Socotec invoque la nullité du marché qu'elle a contracté avec l'ENSAM du fait de l'incompétence du directeur de l'ENSAM pour le signer et de l'absence de transmission à la préfecture de l'acception de son offre, le principe de loyauté des relations contractuelles rappelé ci-dessus, au regard des vices allégués qui ne présentent pas une particulière gravité, fait obstacle à ce que la garantie recherchée par Montpellier Sup Agro ne puisse plus être invoquée au regard du marché initialement signé ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'incendie a pu se propager en-dehors du local ménage du fait du non respect des règles de protection contre l'incendie par les constructeurs, dès lors que les parois du local ménage et du plancher entre le rez-de-chaussée et la paroi coupe-feu n'y étaient pas conformes et que le faux plafond du local ménage était par ailleurs thermiquement perméable ; que les procédés utilisés tant pour la conception de ces parois que pour le choix des matériaux concourant à leur construction s'est révélé être la cause des désordres ; qu'il résulte de l'instruction que la société Sogea Sud Ouest était titulaire du lot n°1 relatif au gros-oeuvre de la construction du bâtiment Coeur d'école et devait assurer la résistance au feu des structures et des planchers, que la société Stefanutti était titulaire du lot n°11 relatif aux cloisons et à l'isolation et devait à ce titre assurer la résistance au feu des cloisons, que la société Wanner Isofi était titulaire du lot n°12 relatif aux fonds plafonds, lesquels devaient être conformes à la réglementation en matière de protection incendie, et la société Berta et fils SA était titulaire du lot n°14 relatif au génie climatique, sanitaires, fluides spéciaux et devait réaliser l'isolation des canalisations avec un isolant présentant une certaine réaction au feu ; que l'aggravation des dommages dus aux désordres relevés par l'expert est imputable à ces entreprises ainsi qu'aux maîtres d'oeuvre, en raison de leurs missions respectives ; que, par suite, le centre requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de ces constructeurs, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, et qu'il y a lieu de les condamner à réparer les conséquences dommageables de l'incendie au-delà du local ménage ; qu'en revanche, les désordres précités ne sauraient être imputables à la société Cegelec, en charge du lot courants forts , ni à la société Tenovis, venant aux droits de la société Midi Technique, en charge du lot de courants faibles ;

Considérant, en sixième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'en tardant à donner l'alerte pour l'incendie en cours et en maintenant les portes coupe-feu de l'amphithéâtre en position ouverte, le requérant a commis une faute de nature à exonérer partiellement les constructeurs précités de leur responsabilité ; qu'il sera par suite fait une juste appréciation de la responsabilité de ceux-ci en l'évaluant aux deux tiers des conséquences dommageables de l'incendie ;

Sur le préjudice :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES, qui n'avait pas souscrit de contrat l'assurant contre les risques d'incendie et n'a pas eu recours à l'emprunt pour financer le coût des réparations, ne justifie pas l'existence du préjudice financier qu'il invoque ; qu'il n'est donc pas fondé à demander que lui soit versée la somme de 93 885,24 euros qu'il soutient avoir exposée au titre du pré-financement des travaux ; que l'indemnité forfaitaire de 30 000 euros qu'il réclame au titre des préjudices annexes résultant de la perte de jouissance des locaux, de l'affectation du personnel pour la gestion du sinistre et de l'organisation d'un appel d'offres pour attribuer les marchés de réfection de l'immeuble et le suivi du chantier n'est pas davantage justifiée ;

Considérant, d'autre part, que l'expert a chiffré à la somme de 231 200,35 euros TTC les réparations des dégradations causées par l'incendie au local ménage ; qu'il y a donc lieu de condamner la société ISS ABILIS à verser cette somme au CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES ; que l'expert a évalué les désordres et dommages causés au bâtiment du fait de l'extension de l'incendie aux sommes respectives de 333 748,92 euros TTC et 80 310,10 euros TTC, de laquelle doivent être retranchées les sommes de 20 680 F HT et 47 320,64 F HT correspondant à des améliorations de l'ouvrage à l'occasion des travaux, soit la somme de 10 365,98 euros HT, ou 12 498,33 euros TTC ; qu'ainsi, compte tenu du partage de responsabilité retenu, il y a lieu de condamner solidairement la SCP Michel et Tourre, la société Valentin, la société Maliver, la société Socotec, la société Sogea Sud-Ouest, la société Stefanutti, la société Wanner Industrie et la société Berta et fils, au paiement des deux tiers de la somme totale de 401 560,69 euros TTC, soit 267 707, 13 euros TTC ; que ces sommes porteront intérêts au taux légal à la date d'introduction de la demande de l'ENSAM devant le tribunal administratif, soit le 22 avril 2004 ;

Sur les appels en garantie :

Considérant, d'une part, que si la société Sogea se borne à demander, en cas de condamnation solidaire, que soit procédé à la répartition finale de l'indemnité entre les co-défendeurs susceptibles d'être jugés responsables du sinistre, sans préciser la proportion à mettre à la charge des différents constructeurs, elle n'apporte pas de précisions suffisantes au soutien de ces conclusions ; qu'ainsi, celles-ci doivent être rejetées ;

Considérant, d'autre part, que la société Socotec doit être garantie à hauteur de 20 % du montant de sa condamnation par chacune des sociétés Sogea, Stefanutti et Wanner Isofi qui sont à l'origine du défaut de résistance au feu des structures, planchers, cloisons et faux plafonds ; qu'il y a également lieu de condamner la SCP Michel et Tourre, la société Valentin, la société Maliver, architectes et concepteurs de l'ouvrage, à la garantir à hauteur de 20 % du montant de sa condamnation ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soient mises à la charge du CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES, qui n'est pas la partie tenue aux dépens, les sommes que les défendeurs demandent au titre des frais qu'ils ont engagés et non compris dans leurs dépens ; qu'il y a en revanche lieu de mettre à la charge solidaire de la société ISS Abilis, la SCP Michel et Tourre, la société Valentin, la société Maliver, la société Socotec, la société Sogea Sud-Ouest, la société Stefanutti, la société Wanner Industrie et la société Berta et fils la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES et non compris dans les dépens ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre pour moitié à la charge de la société ISS Abilis, et pour l'autre moitié à la charge solidaire de la SCP Michel et Tourre, la société Valentin, la société Maliver, la société Socotec, la société Sogea Sud-Ouest, la société Stefanutti, la société Wanner Industrie et la société Berta et fils les frais et honoraires de l'expertise ordonnée en référé par le Tribunal administratif de Montpellier ;
DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 21 décembre 2007 est annulé.

Article 2 : La société ISS ABILIS France versera au CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES la somme de 231 200,35 euros TTC en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2004.

Article 3 : La SCP Michel et Tourre, la société Valentin, la société Maliver, la société Socotec, la société Or.di pro, la société Sogea Sud-Ouest, la société Stefanutti, la société Wanner Industrie et la société Berta et fils sont solidairement condamnées à verser la somme de 267 707,13 euros TTC au CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2004.

Article 4 : Les sociétés Sogea, Stefanutti et Wanner Isofi sont condamnées à garantir à hauteur de 20 % chacune la société Socotec du montant de sa condamnation. La SCP Michel et Tourre, la société Valentin, la société Maliver, architectes et concepteurs de l'ouvrage, sont condamnés solidairement à garantir la société Socotec à hauteur de 20 % du montant de sa condamnation

Article 5 : La somme de 3 000 euros est mise à la charge conjointe et solidaire de la société ISS Abilis, la SCP Michel et Tourre, la société Valentin, la société Maliver, la société Socotec, la société Sogea Sud-Ouest, la société Stefanutti, la société Wanner Industrie et la société Berta et fils au titre des frais exposés par le CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES et non compris dans les dépens.

Article 6 : Les frais et honoraires de l'expertise ordonnée en référé par le Tribunal administratif de Montpellier sont mis pour moitié à la charge de la société ISS Abilis, et pour l'autre moitié à la charge solidaire de la SCP Michel et Tourre, la société Valentin, la société Maliver, la société Socotec, la société Sogea Sud-Ouest, la société Stefanutti, la société Wanner Industrie et la société Berta et fils.
Article 7 : Le surplus des conclusions de toutes les parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE INTERNATIONAL D'ETUDES SUPERIEURES EN SCIENCES AGRONOMIQUES, à l'entreprise Abilis, à la SCP Michel et Tourre, à la société Valentin, à la société Maliver, à la société Socotec, à la société Or.di pro, à l'entreprise Sogea sud-ouest, à la société Renouveau Stefanutti, à l'entreprise Berta et fils, à la société Cegelec, à la société Tenovis, à la société Wanner Isofi et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
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N° 08MA01110
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Source : DILA, 15/03/2011, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 14/02/2011