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Cour Administrative d'Appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14/06/2007, 06NC01095, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. DESRAME

Rapporteur : Mme Sabine MONCHAMBERT

Commissaire du gouvernement : M. TREAND

Avocat : SCP MANIL


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour les 31 juillet et 30 août 2006, présentée pour Mme Marie-Pierre X, demeurant ..., et Mlle Vanessa X, demeurant ... par la SCP Manil, avocat ; Mme X et Mlle X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0201675-1 en date du 13 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé Bélair à verser à Mme X la somme de 7 600 € et à Mlle X la somme de 16 000 € à raison du préjudice moral subi par chacune d'elle à raison du décès de leur soeur et mère, Mme Mickaële Y ;

2°) de déclarer le centre hospitalier spécialisé Bélair responsable du décès de Mme Y ;

3°) si nécessaire, d'enjoindre le centre hospitalier spécialisé Bélair de communiquer le dossier médical de Mme Y ;

4°) de condamner le centre hospitalier spécialisé Bélair à verser à Mme X la somme de 7 600 € ;

5°) de condamner le centre hospitalier spécialisé Bélair à verser à Mlle X la somme de 16 000 € ;
6°) de condamner le centre hospitalier spécialisé Bélair à leur verser une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Mme X et Mlle X soutiennent que :
- au moment de son hospitalisation, son époux avait signalé les tendances suicidaires de son épouse ;

- le service n'a pas, malgré le signalement, hésité à laisser l'intéressée sans surveillance dans un pavillon en service libre ;

- le personnel infirmier n'a pas cru devoir prendre ses dispositions pour retirer tous objets pouvant servir à la patiente pour attenter à sa vie ;

- si le médecin indique que rien ne permettait de penser qu'elle mettrait fin à ses jours, rien ne permettait non plus de penser qu'elle était parfaitement rétablie ;

- le défaut de surveillance doit donc être retenu ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire en défense, enregistré les 28 et 30 mars 2007, présenté pour le centre hospitalier spécialisé Bélair par Maître Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, tendant au rejet de la demande de la requête de Mme X et de Mlle X ;

Le centre hospitalier spécialisé Bélair soutient que :

- rien ne pouvait suspecter le geste et son comportement dans les heures qui ont précédé son suicide ne traduisait rien d'inhabituel ;

- les précédentes tentatives étaient éloignées dans le temps et ignorées de l'établissement ;

- la mise à disposition d'une douche et d'une chaise dans la chambre ne peut être considérée comme fautive ;

- il en va de même du fait de ne pas l'avoir privée de ses lacets ;

- il n'est ni allégué ni établi que la thérapeutique mise en place dans le cas du régime libre n'aurait pas été adaptée à la pathologie pour laquelle elle avait été hospitalisée à sa demande ;

- la demande de communication du dossier étant formulée pour la première fois en appel, la demande est irrecevable d'autant que le fondement de l'injonction sollicitée n'est pas précisé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2007 :

 le rapport de Mme Monchambert, président,

 et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;



Sur la responsabilité du centre hospitalier spécialisé de Belair :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y a été admise en hospitalisation libre le 20 septembre 2001 au centre hospitalier spécialisé Bélair pour alcoologie et dépression nerveuse ; que le 29 septembre suivant, alors qu'elle avait été autorisée à retourner dans sa chambre à l'heure de la sieste, elle s'est pendue avec son lacet de chaussures qu'elle avait noué au crochet de la pomme de douche de la salle de bains attenante à sa chambre ; que sa soeur, Mme X, et sa fille, Mlle X, ont demandé au centre hospitalier réparation du préjudice moral subi du fait de la faute qu'aurait commise cet établissement en ne surveillant pas de façon appropriée la malade ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leur demande ;

Considérant que si l'état général de Mme Y pouvait être regardé comme préoccupant en raison de précédentes tentatives de suicide, il n'est pas établi, ainsi que l'ont d'ailleurs relevé les premiers juges, que celle-ci aurait manifesté dans les heures qui ont précédé son décès un comportement nécessitant un renforcement de la surveillance alors exercée selon les seules exigences du placement libre ; que contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne résulte pas de l'instruction que les tendances suicidaires qu'elles invoquent aient été signalées lors de l'admission de la patiente ; qu'il résulte en outre de l'instruction que Mme Y a été examinée par un médecin de l'hôpital dans les heures qui ont précédé son décès ; que ces circonstances établissent que la victime, sans être soumise à des mesures de surveillance permanente qu'il n'y avait au demeurant pas lieu de mettre en oeuvre dans le cadre du régime du placement libre, faisait l'objet d'une surveillance normale et adaptée à son état qui n'impliquait pas, en l'absence de prescriptions médicales spéciales, l'intervention à son égard de mesures particulières destinées à prévenir une tentative de suicide, et notamment l'interdiction de retourner dans sa chambre pendant les deux heures de la sieste, ainsi que l'interdiction de porter des chaussures à lacet ; que, dès lors, de telles circonstances ne révèlent, dans l'organisation ou le fonctionnement du service, aucune faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ; qu'il suit de là que Mme X et Mlle X ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande ;



Sur les conclusions tendant à la communication du dossier médical :

Considérant qu'en tout état de cause, les conclusions susvisées constituent une demande nouvelle en appel et sont, par suite, irrecevables ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que Mme X et Mlle X, parties perdantes, puissent se voir allouer les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;


DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme X et de Mlle X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Pierre X, à Mlle Vanessa X, au centre hospitalier spécialisé Bélair et à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes.


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N° 06NC01095




Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 14/06/2007