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Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème Chambre, du 23 février 2006, 04VE02684, inédit au recueil Lebon

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Président : Mme LACKMANN

Rapporteur : Mme Marie Isabelle LABETOULLE

Commissaire du gouvernement : M. PELLISSIER

Avocat : RICHARD


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour Mme Hélène X, demeurant ..., par Me Coudray ;

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 23 juillet 2004 et 21 janvier 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par lesquels Mme Hélène X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0004030 en date du 24 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 mai 1998 par laquelle le maire de Yerres a décidé de l'affecter à partir du 1er juin 1998 au service de la bibliothèque municipale, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux, et à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 15 244,90 euros à titre de dommages et intérêts ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) de condamner la commune de Yerres à lui verser la somme de 15 244,90 euros avec intérêts et capitalisation des intérêts ;

4°) de condamner la commune de Yerres à lui verser la somme de 1 435,20 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que le jugement est irrégulier en ce qu'il ne vise pas l'ensemble des pièces de la procédure, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; que la décision du 15 mai 1998 avait le caractère d'une sanction disciplinaire et aurait du, dès lors, être précédée d'une procédure contradictoire ; qu'elle devait être mise à même de consulter son dossier ; que la commission administrative paritaire devait être saisie ; qu'il s'agissait en toute hypothèse d'une mesure prise en considération de la personne et qui aurait du, de ce fait, être précédée de la communication de son dossier administratif ; que la décision en cause était, à tout le moins, constitutive d'une mutation, compte tenu de la modification de sa situation administrative et aurait du, dès lors, être soumise à l'avis de la commission administrative paritaire, en application de l'article 52 du titre III de son statut ; que cette décision n'était pas justifiée par l'intérêt du service ; qu'elle n'était chargée que de tâches d'exécution, ce qui n'était pas conforme à son grade, et qui constitue un motif d'illégalité, les agents ne pouvant être affectés qu'à un emploi correspondant à leur grade ; que la méconnaissance de cette règle est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ; que cette faute lui a occasionné un préjudice moral dont elle est, dès lors, fondée à demander réparation ;

…………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2006 :
- le rapport de Mme Labetoulle, conseiller ;
- les observations de Me Nennouche, substituant Me Coudray, pour Mme X et de Me Richier, substituant Me Richard, pour la commune de Yerres ;
- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que si la requérante soutient que le jugement ne mentionnerait pas l'ensemble des pièces de la procédure, aucune disposition du code de justice administrative n'impose au juge administratif de viser distinctement les pièces produites par les parties à l'appui de leurs mémoires ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;


Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant, en premier lieu, que la commune de Yerres oppose une fin de non-recevoir tirée de ce que la décision du 15 mai 1998 affectant Mme X, agent communal, au service de la bibliothèque, n'affecterait pas la situation personnelle de l'intéressée, ne la contraindrait pas à un changement de résidence et revêtirait, de ce fait, le caractère d'une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ; que, toutefois, il n'est pas contesté que, dans le cadre du poste qu'elle occupait jusqu'alors au sein du service des sports, Mme X, qui avait plusieurs agents placés sous son autorité, assurait la gestion du courrier, supervisait le travail des secrétaires, gérait les congés des agents et rédigeait des projets de rapports et de délibérations pour le conseil municipal ; qu'il ressort des pièces versées au dossier que ses fonctions au sein du service de la bibliothèque, nonobstant le descriptif contenu dans la fiche de poste, consistaient principalement en des tâches de classement et de rangement ne comportant pas de responsabilité ; que, dès lors, en affectant Mme X au service de la bibliothèque, la commune a pris une mesure qui, bien que n'entraînant pour l'intéressée aucune conséquence d'ordre pécuniaire, a modifié de façon importante ses responsabilités et sa situation administrative et lui fait donc grief ; que l'intéressée était, par suite, recevable à l'attaquer devant le juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant, en second lieu, que si la commune invoque la tardiveté des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 15 mai 1998, cette décision ne comporte pas la mention des voies et délais de recours dont il n'est pas non plus établi qu'ils auraient été communiqués à l'intéressée par un document distinct ; que les délais de recours ne lui étaient dès lors pas opposables ;

Considérant, en dernier lieu, que si la commune de Yerres oppose une fin de non-recevoir tirée de ce que Mme X n'était pas recevable à demander au juge administratif de prononcer une affectation conforme à ses souhaits, les conclusions de l'intéressée devant les premiers juges doivent être regardées comme tendant à ce que le tribunal fasse injonction à la commune de lui attribuer un poste conforme à son grade ; que de telles conclusions étant recevables, la fin de non-recevoir doit, par suite, être écartée ;


Au fond :

Sur la légalité de la décision du 15 mai 1998 :

Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'alors même que la mutation de Mme X aurait été décidée dans l'intérêt du service, elle ne pouvait être prononcée sans que l'intéressée ait été mise à même de demander la communication de son dossier ; qu'il est constant que cette formalité n'a pas été respectée et qu'ainsi la décision litigieuse est entachée d'excès de pouvoir ; que, d'autre part, la commune de Yerres ne pouvait, dès lors qu'un tel changement entraînait une modification de la situation de l'intéressée, prendre sa décision sans avoir préalablement saisi la commission administrative paritaire ; que Mme X est, dès lors, fondée à soutenir que la décision du 15 mai 1998 du maire de Yerres la mutant au service de la bibliothèque a été prise au terme d'une procédure irrégulière ;

Considérant, en deuxième lieu, que si Mme X soutient que son affectation à la bibliothèque revêtirait le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée, du fait notamment d'un incident de tarification au service de la patinoire, elle n'apporte aucun élément de nature à établir ni la réalité et la teneur de cet incident ni la volonté de la commune de l'évincer peu après celui-ci ; que, par ailleurs, la circonstance que le poste auquel elle a été affecté présenterait moins d'intérêt ou comporterait des responsabilités moindres que le précédent ne permet pas, par elle-même, d'établir que ce changement d'affectation serait constitutif d'une sanction ;

Considérant, en troisième lieu, que si la mutation de Mme X au service de la bibliothèque a eu pour objet de remédier aux difficultés relationnelles que l'intéressée rencontrait au sein du service des sports, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mutation n'ait pas été conforme à l'intérêt du service ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'emploi qu'elle occupe au sein du service de la bibliothèque ne correspondrait pas à son grade ; que, par suite, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté ;




Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que si Mme X demande réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi, elle n'établit pas que celui-ci présenterait un lien de causalité avec l'irrégularité dont est entachée la décision litigieuse ; que ses conclusions doivent, par suite, être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme X est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 15 mai 1998 l'affectant au service de la bibliothèque ; qu'il y a lieu, dès lors, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Yerres le paiement à Mme X de la somme de 1 435,20 euros qu'elle demande au titre des frais exposés ; que doivent en revanche être rejetées les conclusions présentées par la commune de Yerres sur le même fondement ;


DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0004030 du 24 mai 2004 du Tribunal administratif de Versailles est annulé, en tant qu'il a rejeté la demande de Mme X dirigée contre la décision du 15 mai 1998.

Article 2 : La décision du maire de Yerres du 15 mai 1998 est annulée.

Article 3 :La commune de Yerres versera à Mme X une somme de 1 435,20 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

04VE02684 2





Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Versailles

Date : 23/02/2006