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Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, du 4 juillet 2006, 03PA04842, inédit au recueil Lebon

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Président : M. MERLOZ

Rapporteur : Mme Françoise REGNIER-BIRSTER

Commissaire du gouvernement : M. TROUILLY

Avocat : GUY-VIENOT


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 2003, présentée pour le BUREAU VERITAS, dont le siège est 17 bis place des Reflets La Défense 2 Courbevoie (92400), par Me Z... ; le BUREAU VERITAS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9807098/6 du 14 octobre 2003 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il l'a condamné, conjointement et solidairement, avec la société Alstom DDF, la société Socotec, la société EMH Ingénierie, la société Gemo et les ayants droits de la société Biste etGerling à verser à l'Opéra national de Paris la somme de 236 296 euros H.T. et a fixé à 25 % la part de la condamnation mise définitivement à sa charge en réparation des désordres affectant les rideaux coupe-feu ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par l'Opéra national de Paris en tant que présentée à son encontre ou, à titre subsidiaire, de condamner la société Alstom DDF, la société Gemo, la société EMH Ingénierie et les ayants droits de la société Biste et Gerling à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de lui accorder, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement, la restitution de toute somme qui aurait été versée en application du jugement attaqué, majorée des intérêts de droit compensatoires ;

4°) de condamner l'Opéra national de Paris à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2006 :

- le rapport de Mme Régnier-Birster, rapporteur,

- les observations de Me A..., pour le BUREAU VERITAS, de Me B..., pour la société Alstom DDF venant aux droits de la société De Dietrich, de Me Y..., pour la société SGTE Construction venant aux droits de la société EMH Ingénierie, et celles de Me X..., pour MM. C..., Jullien, D... et la société Foulquier,

- et les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, saisi d'une demande par l'Opéra national de Paris tendant à la condamnation des constructeurs et contrôleurs techniques, respectivement, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil et sur le fondement de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, à réparer les désordres affectant les rideaux coupe-feu enroulables des espaces de stockage et de fabrication des décors, sis au niveau moins 1 et moins 6 de l'équipement, le Tribunal administratif de Paris a condamné, conjointement et solidairement, le BUREAU VERITAS, la société Alstom DDF, venue aux droits de la société De Dietrich, la société Socotec, la société EMH Ingénierie, la société Gemo et les ayants droits de la société Biste et Gerling à verser à l'Opéra national de Paris la somme de 236 296 euros H.T. et a fixé à 25 % les parts de la condamnation mises définitivement à la charge du BUREAU VERITAS, de la société Gemo, de la société Alstom DDF et de la société EMH Ingénierie ensemble avec société Biste et Gerling et écarté les conclusions dirigées contre les autres constructeurs ; que le BUREAU VERITAS, ainsi que les sociétés Biste et Gerling, Gemo, SGTE Construction, venue aux droits de la société EMH Ingénierie et la société Alstom DDF venant aux droits de la société De Dietrich, demandent, chacune, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il les concerne et la condamnation des autres participants à l'opération de construction à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre ; que MM. C... et Jullien, les consorts D..., la société SETEC Foulquier et la société Sodeteg mis hors de cause en première instance demandent le rejet de l'appel en garantie, présenté par la société Gemo en tant qu'il les concerne ;

Sur l'appel principal présenté par le BUREAU VERITAS :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation : « Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20 » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation de garantie décennale s'impose, en vertu des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, non seulement aux architectes et aux entrepreneurs, mais également au contrôleur technique lié par contrat au maître de l'ouvrage ; que la circonstance que le contrôleur technique a une activité distincte de celle du concepteur de l'ouvrage ne peut avoir pour effet de décharger ledit contrôleur, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de l'obligation de résultat qui lui incombe au regard de sa propre mission ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société BUREAU VERITAS, chargée d'une mission de contrôle technique, dans le cadre d'un contrat signé avec le maître d'ouvrage, était tenue d'intervenir pendant la conception de l'ouvrage et lors de son exécution notamment afin de prévenir les aléas techniques liés aux défauts dans l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à la sécurité des personnes ; qu'elle était ainsi tenue, en application de l'article 3-1 du cahier des clauses administratives particulières applicable, de procéder au recollement des essais et vérifications de fonctionnement, que devaient effectuer les entreprises, et devait porter assistance au maître de l'ouvrage et au maître d'oeuvre dans les relations avec les services de sécurité ;

Considérant qu'il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par le tribunal administratif de Paris, que les désordres affectant les rideaux coupe feu, rideaux faisant essentiellement partie du lot n° 17 mais aussi au moins pour un, le n° 40-26, du lot n° 40, consistent en des phénomènes de corrosion, non apparents à la réception des travaux et interdisant le fonctionnement automatique des systèmes d'irrigation, sous peine d'étendre lesdits phénomènes ; qu'ils sont de nature, par suite, à compromettre la sécurité des personnes et à engager la responsabilité décennale des constructeurs et contrôleurs techniques ; que ces désordres sont imputables aux conditions, dans lesquelles ont été entreposés dans l'équipement en construction, lesdits rideaux, y compris le n° 40-26, avant leur installation ; que s'il appartenait aux entreprises et, dans le cadre de leur mission de surveillance, également aux maîtres d'oeuvre de veiller à ce que lesdits rideaux soit entreposés dans des conditions évitant toute dégradation future, il appartenait aussi au BUREAU VERITAS, chargé, ainsi qu'il a été dit, de viser l'autocontrôle, auquel étaient tenues les entreprises, de s'assurer du respect des précautions nécessaires afin de prévenir les aléas techniques liés aux défauts dans l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à la sécurité des personnes ; que, par suite, en retenant, à raison de ces désordres, la responsabilité conjointe et solidaire du BUREAU VERITAS avec les autres constructeurs, les premiers juges n'ont commis ni erreur de droit, ni erreur de fait ; qu'ils ont toutefois, dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux fautes respectives de chaque intervenant, commis une erreur d'appréciation en fixant à 25 % la part de la condamnation définitivement mise à la charge du BUREAU VERITAS ; qu'il y a lieu, compte tenu de la faute commise par le BUREAU VERITAS dans l'exercice de sa mission de contrôle technique, ainsi qu'il vient d'être rappelé, et compte tenu de la faute commise par la société De Dietrich, qui, en sa qualité de titulaire du lot rideaux coupe-feu dont s'agit, ne pouvait se désintéresser des conditions dans lesquelles lesdits rideaux ont dû être entreposés antérieurement à leur installation, d'une part, de réduire la part de cette condamnation à 15 %, d'autre part, de porter à 35 % la part de la condamnation définitive mise à la charge de la société Alstom DDF venue aux droits de la société De Dietrich ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le BUREAU VERITAS est seulement fondé à demander la réformation du jugement attaqué en tant que la part de responsabilité définitivement mise à sa charge excède 15 % de la somme de 236 296 euros H.T. correspondant à la condamnation prononcée conjointement et solidairement à son encontre et à l'encontre de la société Alstom DDF, venue aux droits de la société De Dietrich, de la société Socotec, de la société SGTE Construction venue aux droits de la société EMH Ingénierie et de la société Gemo et de la société Biste et Gerling ;

Sur les conclusions des sociétés Biste et Gerling, Gemo, SGTE Construction et Alstom DDF :

Considérant, que les sociétés Gemo, SGTE Construction, venue aux droits de la société EHM Ingénierie, Biste et Gerling et Alstom DDF venue aux droits de la société De Dietrich ont présenté, postérieurement à l'expiration du délai d'appel, des conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il les a condamnés conjointement et solidairement avec les autres constructeurs à réparer les désordres en cause et à la condamnation des autres constructeurs intimés et de l'appelant principal à les garantir des condamnations éventuellement prononcées ; que ces conclusions, en tant qu'elles ont le caractère d'appels principaux, sont tardives et, par suite, irrecevables ; qu'elles ne sont recevables, en tant qu'elles ont le caractère d'appels provoqués, que si la situation de leurs auteurs est aggravée par l'admission de l'appel principal du BUREAU VERITAS ;

Considérant, que l'admission de l'appel principal du bureau VERITAS n'aggrave ni la situation de la société Gemo, ni celle de la société SGTE Construction venue aux droits de EMH Ingénierie, ni celle du cabinet Biste et Gerling ; que, par suite, leurs conclusions respectives tendant à la condamnation, de MM. C..., Julien et D..., maîtres d'oeuvre bâtiment, de la société SGTE Construction, venue aux droits de la société EMH Ingénierie, du cabinet Biste et Gerling, de la société Socotec, de la société Gemo et de la société Alstom DDF venue aux droits de la société De Dietrich sont irrecevables ; que sont également irrecevables les conclusions de MM. C..., Jullien, des consorts D..., de la société SETEC Foulquier et de la société Sodeteg, lesquels n'ont pas été condamnés en première instance et dont la situation n'a pas été aggravée par l'admission de l'appel principal ;

Considérant que l'admission de l'appel principal du BUREAU VERITAS aggrave, par contre, la situation de la société Alstom DDF, venue aux droits de la société De Dietrich, dont la part de condamnation définitivement mise à sa charge a été portée de 25% à 35% ; que, toutefois, eu égard aux fautes respectives commises par les différents constructeurs et notamment par la société De Dietrich qui, en sa qualité de titulaire du lot rideaux coupe feu ne pouvait, ainsi qu'il vient d'être dit, se désintéresser des conditions de stockage des rideaux, il n'y a pas lieu de modifier le partage définitif de responsabilité opéré par les premiers juges en tant qu'il concerne, d'une part, la société SGTE Construction, venue aux droits de la société EHM Ingénierie et le cabinet Biste et Gerling, d'autre part, la société Gemo, condamnés respectivement à prendre en charge 25% de la condamnation prononcée et, enfin, la société Socotec, déchargée de toute part de responsabilité, dans la mesure où elle n'était pas, à la différence du BUREAU VERITAS, chargée de la société des personnes au titre du contrôle technique ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter l'appel en garantie présenté par la société Alstom DDF venue aux droits de la société De Dietrich, en tant que dirigé contre lesdites sociétés ;

Considérant, enfin, que les sociétés Gemo et SGTE Construction venue aux droits de la société EMH Ingénierie et la société Alstom DDF, venue aux droits de la société De Dietrich demandent également, par la voie de l'appel incident, à être intégralement garanties par le BUREAU VERITAS ; qu' il résulte toutefois de l'instruction et notamment des conclusions du rapport de l'expert commis par le Tribunal administratif de Paris, d'une part, que la société Gemo, en tant que chargée d'une mission de pilotage et de coordination du chantier, se devait de prendre les mesures nécessaires pour éviter que les rideaux ne soient entreposés antérieurement à leur installation dans l'équipement en construction dans des conditions dommageables, d'autre part, que la société De Dietrich, en sa qualité de titulaire du lot rideaux coupe-feu dont s'agit, ne pouvait, ainsi qu'il vient d'être dit, se désintéresser des conditions dans lesquelles lesdits rideaux ont dû être entreposés, et enfin, que le bureau d'études EMH Ingénierie, chargé de la maîtrise d'oeuvre scénique au sein du groupement constitué avec le cabinet d'architectes Biste et Gerling, n'a pas fait part de l'autorité nécessaire pour vérifier les conditions de stockage et imposer les mesures de protection ; que les fautes ainsi commises justifient les parts de 25%, de 35 % et 25% avec le cabinet Biste et Gerling laissées à leurs charges respectives dans la répartition des condamnations définitives ; qu'il s'ensuit que leurs demandes tendant à être garanties intégralement par le BUREAU VERITAS des condamnations mises à leur charge ne peuvent qu'être rejetées comme non fondées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Opéra de Paris le paiement au BUREAU VERITAS d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a, en revanche, pas lieu de faire droit aux conclusions de l'Opéra de Paris, du cabinet Biste et Gerling, de la société Gemo, de la société SGTE Construction venue aux droits de la société EMH Ingénierie, de la société Alstom DDF, venue aux droits de la société De Dietrich, de MM. C... et Jullien, des consorts D..., de la société SETEC Foulquier et de la société Sodeteg ;

DÉCIDE :

Article 1er : La part de la condamnation d'un montant de 236 296 euros H.T., prononcée, par le jugement du 14 octobre 2003 du Tribunal administratif de Paris, conjointement et solidairement à l'encontre du BUREAU VERITAS, avec la société Alstom DDF, venue aux droits de la société De Dietrich, la société Socotec, la société SGTE Construction venue aux droits de EMH Ingénierie, la société Gemo et la société Biste et Gerling, définitivement mise à la charge du BUREAU VERITAS est ramenée à 15 %. La part de la condamnation définitivement mise à la charge de la société Alstom DDF venant aux droits de la société De Dietrich est portée à 35%.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 14 octobre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Opéra national de Paris versera au BUREAU VERITAS une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la requête du BUREAU VERITAS et les conclusions de la société Gemo, de la société SGTE Construction venue aux droits de la société EMH Ingénierie, de la société Biste et Gerling, de la société Alstom DDF venant aux droits de la société De Dietrich, de MM. C..., Jullien, des consorts D..., de la société SETEC Foulquier et de la société Sodeteg sont rejetées.
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N° 03PA04842




Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Paris

Date : 04/07/2006