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Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, du 31 janvier 2006, 02PA00364, inédit au recueil Lebon

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Président : M. MERLOZ

Rapporteur : Mme la Pré Elise COROUGE

Commissaire du gouvernement : M. TROUILLY

Avocat : MOLAS ET ASSOCIÉS


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistrée le 28 janvier 2002, la requête présentée pour la société Etablissements PAUL Z... dont le siège est ..., par Me Y... ; la société Etablissements PAUL Z... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-0216 du 29 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande tendant à la condamnation de l'Agence pour le développement de la culture Kanak et de la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 50 096 533 FHT (7 637 170 euros) en règlement des lots n° 3, 4 et 5 du marché de construction du centre culturel Jean-Marie C... dont elle était titulaire ;

2°) de condamner l'Agence pour le développement de la culture Kanak et la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme susmentionnée en règlement de ce marché ainsi que 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 26 avril 2002, le mémoire présenté pour l'Agence pour le développement de la culture Kanak et la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie, par la SELARL Molas et associés, avocat, qui demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Etablissements PAUL Z...,

2°) de condamner par la voie du recours incident la société Etablissements PAUL MATHIS à leur verser la somme de 9 982 677 FF avec intérêts légaux à compter du 2 avril 1997, et la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 12 septembre 2003, le mémoire présenté pour la société Etablissements PAUL Z... par la SCP Defrenois et Levis et Me Y... ; la société Etablissements PAUL Z... conclut :

1°) au rejet des conclusions incidentes de l'Agence pour le développement de la culture Kanak et de la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie,

2°) à la nomination d'un expert et au versement d'une provision de 3 500 M€ et à la condamnation des défendeurs à lui verser 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 17 janvier 2006 :

- le rapport de Mme Corouge, rapporteur,

- les observations de Me X..., pour la société Etablissements PAUL Z... et celles de Me De B..., pour l'agence pour le développement de la culture Kanak et la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie,

- et les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par acte d'engagement du 28 avril 1995, l'Agence pour le développement de la culture Kanak a conclu un marché en vue de la construction, en Nouvelle-Calédonie, du centre culturel Jean-Marie C..., dessiné par l'architecte Renzo A... ; que cet ensemble est composé de dix ouvrages, de 22 mètres de hauteur, évoquant les cases traditionnelles kanakes, en bois lamellé collé d'iroko et en acier ; que la maîtrise d'ouvrage de l'opération a été assurée par le bureau Renzo A... Building Workshop ; que l'acte d'engagement confie la construction de l'ensemble, divisé en 36 lots, à un groupement d'entreprises conjointes, représenté par la société Glauser International en qualité de mandataire commun ; que les lots n° 3,4 et 5 « charpente métallique » « charpente en lamellé collé » et « habillage », d'un montant de 18 438 MF, 24, 95 MF et 7, 98 MF, ont été confiés à la société Etablissements PAUL Z... et à la société Parisot réunies en groupement conjoint ; que l'administrateur de la société Z..., placée en redressement judiciaire le 30 avril 1996, a notifié, le 11 juillet 1996, son intention de ne pas poursuivre l'exécution du marché ; que, toutefois, la société Z... a été désignée en qualité du sous-traitant de la société Parisot par acte spécial du 9 décembre 1996 et a repris l'exécution du lot n° 4 pour un montant de 10 800 000 F ; que les ouvrages ont été réceptionnés le 30 avril 1998 ; que, le 4 octobre 1999, la société Etablissements PAUL Z... a adressé à la personne responsable du marché, son projet de décompte final pour la période du 28 avril 1995 au 11 juillet 1996 au cours de laquelle elle était titulaire des lots n° 3,4 et 5 et a, le 22 décembre 1999, mis en demeure le maître d'ouvrage de dresser le décompte du marché ; que ce dernier n'ayant pas répondu à sa demande, la société Etablissements PAUL Z... a saisi le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'une demande tendant à l'établissement dudit décompte ; que, par le jugement attaqué, dont la société Z... fait régulièrement appel, le tribunal administratif a déclaré sa demande irrecevable ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2.31 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en cause : « …Les entrepreneurs groupés sont conjoints lorsque, les travaux étant divisés en lot dont chacun est assigné à l'un des entrepreneurs, chacun d'eux est engagé pour le ou les lots qui lui sont assignés ; l'un d'entre eux, désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, est solidaire de chacun des autres dans les obligations contractuelles de celui-ci à l'égard du maître de l'ouvrage jusqu'à la date définie au 1er de l'article 44, à laquelle ces obligations prennent fin » ; qu'aux termes de l'article 47.3 : « En cas de redressement judiciaire… le marché peut être résilié dans les conditions prévues par la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 modifiée » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, conformément aux dispositions de l'article 47.3 précité, le marché concernant les lots 3,4 et 5 dont l'exécution était assurée par la société Etablissements PAUL Z..., a été résilié le 11 juillet 1996 à la demande de l'administrateur de la société qui avait été mise en redressement judiciaire le 30 avril 1996 ; que cette résiliation a mis fin aux relations contractuelles entre l'entreprise et le maître d'ouvrage ; que, d'autre part, en décembre 1996, l'entreprise Parisot a été désignée comme titulaire des lots 3,4 et 5, auparavant confiés aux sociétés Z... et Parisot, et est devenue seule membre du groupement conjoint d'entreprises, représenté par la société Glauser International en qualité de mandataire ; que, par suite, à compter du 11 juillet 1996, date de résiliation de son marché, la société Etablissements PAUL Z... a cessé de plein droit d'être engagée sur les lots qui lui avaient assignés par l'acte d'engagement et de faire partie du groupement d'entreprises conjointes ; qu'ainsi, en jugeant qu'à la date du 8 juillet 1999 à laquelle la société Glauser International a signé une transaction au nom du groupement, la société Z... faisait partie dudit groupement et en rejetant la demande de la société Z... comme irrecevable au motif que la transaction du 8 juillet 1999 lui était opposable, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Etablissements PAUL Z... devant le tribunal administratif ;

Sur les droits de la société Etablissements PAUL Z... :

Considérant que le litige qui oppose la société Etablissements PAUL Z... au maître d'ouvrage a pour origine une erreur de conception commise par le bureau Renzo A... Building Workshop qui a contraint la société Z... à effectuer des études et des travaux supplémentaires dont elle demande le paiement ; que le caractère forfaitaire du marché dont était titulaire la société Z... ne fait pas obstacle à l'indemnisation des travaux supplémentaires, non imputables à l'entreprise et indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, qu'elle a réalisés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la mission du bureau Renzo A... Building Workshop, chargé de la maîtrise d'oeuvre de l'opération, comprenait 70 % des plans d'exécution des ouvrages (PEO) et des spécifications techniques détaillées (STD) ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que ce bureau d'études a surestimé, à hauteur de 40 %, le degré de contrainte admissible du bois d'iroko et que le caractère erroné des études menées sur cette valeur de contrainte par la maîtrise d'oeuvre a conduit société Etablissements PAUL Z... à reprendre intégralement les PEO et STD des lots dont elle était titulaire et à engager des travaux supplémentaires de renforcement de la structure en bois et acier ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la charge financière des études PEO et STD incombait à 70 pour cent à la maîtrise d'oeuvre en vertu de son contrat ; qu'il suit de là que l'entreprise est fondée à demander le remboursement des études qui ne lui incombaient pas ainsi que des travaux supplémentaires induits par cette erreur de conception ; qu'enfin et contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, elle a droit au paiement des travaux en cours ou achevés à la date de résiliation de son marché et qui sont devenus, le 30 avril 1998, date de leur réception, propriété du maître d'ouvrage, à la condition toutefois que lesdits travaux ne lui aient pas été déjà payés en qualité de sous-traitant ;

Sur le solde du marché :

Considérant qu'il ressort de l'instruction qu'au 11 juillet 1996, date de résiliation de son marché, la société Z... avait exposé pour la conduite et le suivi de l'opération, des frais de personnel pour 1 307 200 F, des achats de bois pour 3 884 221 F, de fonderie pour 2 320 987 F, de quincaillerie pour 349 335 F, des frais de séchage et tri pour 543 651 F, d'aboutage et de collage pour 421 108 F, de taille du bois pour 260 462 F, de finition et colisage pour 215 139 F ; qu'il résulte des factures produites que l'entreprise avait exposé des frais de sous-traitance d'un montant total de 3 033 942 F ; que les frais de bureau d'études, tant internes qu'externes, et les frais de laboratoires, qui doivent être pris en considération à hauteur de 70 %, s'élèvent à 1 332 287 F ; qu'enfin, il y a lieu d'évaluer à 10 % le coefficient d'entreprise appliqué au montant des dépenses internes de l'entreprise directement affectées au chantier de Nouméa qui s'élèvent à 9 675 795 F, soit 967 579,5 F ;

Considérant qu'il en résulte que les dépenses engagées par la société Etablissements PAUL Z... s'élevaient à 14 635 912 F à la date de résiliation de son marché ; qu'il convient de soustraire de ce montant la somme de 4 394 856 F versée par la société Parisot en reprise des ouvrages ou parties d'ouvrages fabriqués par la société Z... à la date de résiliation de son marché ainsi que les avances d'un montant de 3 345 000 F versées par le maître d'ouvrage à la société Z... avant résiliation ; qu'il suit de là que le solde du marché de la société Etablissements PAUL Z... s'établit à la somme de 6 896 056 F arrondie à 6 900 000 F (1 051 898 euros) ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Agence pour le développement de la culture Kanak et la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie doivent condamnées à verser à la société Z... une somme de 1 051 898 euros représentant le seul montant des travaux réalisés par cette société pour la période du 28 avril 1995 au 11 juillet 1996 en qualité de titulaire des lots 3,4 et 5, dont le maître d'ouvrage a finalement bénéficié et pour lesquels la société Z... n'avait pas été payée ;




Sur les intérêts moratoires :

Considérant que la demande présentée par la société Z..., enregistrée le 30 octobre 1996 devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, tendant à ce que l'Agence pour le développement de la culture Kanak et la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie soient condamnées à lui verser le solde de son marché, a constitué une demande de paiement au sens de l'article 178 du code des marchés publics alors applicable ; qu'en application dudit article, la société Z... a droit au paiement des intérêts moratoires sur la somme de 1 051 898 euros à compter de cette date ;

Sur les autres chefs de préjudice :

Considérant que la société requérante, qui a poursuivi l'exécution de lot n° 4 en qualité de sous-traitant en décembre 1996, n'établit pas que sa mise en redressement judiciaire à compter du 30 avril 1996 serait directement liée aux difficultés rencontrées en qualité du titulaire des lots n° 3,4 et 5 du marché de construction du centre culturel Jean-Marie C... ; que sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de sa mise en redressement judiciaire doit par suite être rejetée ;

Considérant que la société n'établit pas davantage avoir subi, du fait de ce marché, une préjudice d'image et notoriété ouvrant droit à indemnisation ;

Sur les conclusions reconventionnelles de l'Agence pour le développement de la culture Kanak et de la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie :

Considérant d'une part qu'il résulte de l'instruction que le retard de six mois dans l'exécution du marché confié à la société Etablissements PAUL Z... trouve sa cause dans l'erreur commise par la maîtrise d'ouvrage qui a contraint l'entreprise à engager des études supplémentaires d'une durée de cinq mois ; que, dans ces conditions, l'entreprise ne saurait être déclarée redevable des pénalités prévues au marché au titre du retard pris dans l'exécution de son marché dont elle n'est pas responsable ;

Considérant d'autre part qu'il résulte de l'instruction que les études et travaux supplémentaires imposés à l'entreprise Z... par le maître d'ouvrage ont entraîné un retard de chantier et une augmentation des coûts initialement prévus pour l'exécution des lots n° 4 et 5 « charpente métallique » et « charpente en lamellé collé » ; qu'après avoir demandé au maître d'ouvrage de s'engager à supporter le coût de ces prestations et travaux supplémentaires, la société Etablissements PAUL Z..., compte tenu du caractère insuffisant des avances reçues par rapport aux dépenses engagées, a été contrainte de cesser ses travaux après mise en redressement judiciaire ; que si, pour terminer les travaux, l'Agence pour le développement de la culture Kanak et la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie ont été contraintes à faire appel à la société Parisot, elles ne sont pas fondées à demander la condamnation de la société Z..., qui n'a pas commis de faute en décidant de ne pas poursuivre le chantier, à leur verser le montant du marché de substitution ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Agence pour le développement de la culture Kanak et de la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie une somme de 10 000 euros au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Z..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent les parties défenderesses au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 29 novembre 2001 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 2 : L'Agence pour le développement de la culture Kanak et la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie sont condamnées à verser à la société Etablissements PAUL Z..., en sa qualité de titulaire des lots n° 3,4 et 5 du marché de construction du centre culturel Jean-Marie C..., une somme de 1 051 898 euros, avec intérêts moratoires à compter du 30 octobre 1996.

Article 3 : L'Agence pour le développement de la culture Kanak et la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie verseront à la société Etablissements PAUL Z... la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la demande de la société Etablissements PAUL Z... et les conclusions reconventionnelles présentées par l'Agence pour le développement de la culture Kanak et la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie sont rejetés.


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02PA00364




Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Paris

Date : 31/01/2006