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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 14 février 2006, 05-82.723, Inédit

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Cassation

Président : M. COTTE


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze février deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de Me BROUCHOT, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jacques, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NIMES, en date du 5 avril 2005, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs d'escroquerie, faux et usage de faux, a constaté l'extinction de l'action publique par la prescription des chefs de faux et usage et déclaré irrecevable la constitution de partie civile du chef d'escroquerie ;

Vu l'article 575 alinéa 2, 2 et 3 du Code de procédure pénale ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que Jean-Pierre Y..., titulaire d'un bail agricole, a signé, en 1996, avec la fédération des chasseurs de la Lozère et le GIC "du lièvre de la Margeride", une convention pour cultures "faunistiques" moyennant le versement annuel d'une redevance ;

Attendu que le demandeur, propriétaire des terrains, a porté plainte contre son locataire le 9 octobre 2002, des chefs ci-dessus, en faisant valoir que ce dernier, pour signer ladite convention et recevoir la redevance, s'était faussement présenté comme propriétaire exploitant, qu'il avait commis une escroquerie par usage de fausse qualité et fait usage de faux devant le tribunal paritaire des baux ruraux et devant la cour d'appel, qui, par arrêt en date du 9 février 1999, a annulé le congé qu'il lui avait donné pour sous location interdite, la convention signée avec la fédération de chasse emportant pour celle-ci la maîtrise foncière ;

En cet état,

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par Jacques X... ;

"aux motifs que selon l'article 8 du Code de procédure pénale en matière de délit de prescription de l'action publique est de trois années révolues à compter du jour où le délit a été commis si dans cet intervalle n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite ; qu'en l'espèce Jacques X... ayant déposé plainte avec constitution de partie civile le 9 octobre 2002 sont prescrits tous les faits dénoncés qui, visant des infractions instantanées, sont tous antérieurs au 9 octobre 1999 ; qu'en effet :
- le document argué de faux est de 1996 ; - le dernier fait d'usage concernant ce document est nécessairement antérieur au 9 février 1999 date de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Nîmes ; qu'en outre la partie civile elle même dans ses écritures devant la Cour n'évoque pas des faits d'usage de faux commis après le 9 octobre 1999 ;

"alors que dans ses conclusions, Jacques X... soulignait que sa plainte avec constitution de partie civile était notamment fondée sur des faits d'usage de faux par la production en justice d'un document contrefait, de nature à avoir une valeur probatoire et à entraîner des effets juridiques ; qu'en retenant que les faits étaient prescrits tout en s'abstenant de répondre à ce chef des conclusions par lesquelles Jacques X... démontrait que ce n'est que le 27 avril 2000 qu'il avait, enfin, pu obtenir communication des documents réglementant les cultures faunistiques, et que ce n'est qu'à cette date qu'il avait découvert que Jean-Pierre Y... avait dissimulé sa qualité de locataire en faisant état de celle de propriétaire-exploitant et qu'il avait menti sur la nature de la parcelle qui était exploitée, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour constater la prescription de l'action publique des chefs de faux et usage, l'arrêt retient que la plainte du demandeur a été portée le 9 octobre 2002, plus de trois ans après la confection, en 1996, du document argué de faux, et son dernier usage, antérieur au 9 février 1999 ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard des articles 6 et 8 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non lieu rendue sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par Jacques X... ;

"aux motifs que les faits qualifiés d'escroqueries et qui visent les sommes d'argent qui auraient été versées par la Fédération en exécution du contrat argué de faux ne peuvent avoir causé un préjudice direct, au sens du Code de procédure pénale aux consorts X... et à Jacques X... ; que, dès lors, la partie civile n'a pas qualité pour agir ;

"alors que l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que les agissements frauduleux de Jean-Pierre Y... résultant d'une part du défaut d'information du propriétaire de la parcelle de l'opération envisagée, d'autre part de l'usage de la prétendue qualité de propriétaire de la parcelle concernée et enfin du non-respect de l'obligation que la parcelle mise à disposition soit en friche, étaient destinées à gérer à son profit exclusif une opération de sous-location et à priver le propriétaire de la parcelle de la rétrocession d'une partie du loyer devant lui revenir ; que, dès lors, en retenant que Jacques X... n'avait pas qualité pour agir, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu les articles 2, 3 et 85 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile du demandeur du chef d'escroquerie, l'arrêt énonce que les sommes qui auraient été versées par la fédération des chasseurs en exécution de la convention, ne peuvent avoir causé un préjudice direct à Jacques X... ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'à le supposer établi, le délit poursuivi était de nature à causer au propriétaire des terrains, qui revendique partie des sommes versées par la fédération, un préjudice direct et personnel, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;

Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NIMES, en date du 5 avril 2005, mais en ses seules dispositions relatives à l'escroquerie, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Source : DILA, 11/02/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction judiciaire

JURIDICTION : Cour de cassation, Chambre criminelle