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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 6 septembre 2005, 04-86.347, Inédit

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Président : M. COTTE


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHE, et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Yannick, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-en-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 20 septembre 2004, qui, pour escroquerie et mise en danger d'autrui, l'a condamnée à 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve, 2 ans d'interdiction d'exercer la profession d'infirmière, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1, 313-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défauts de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yannick Y... coupable du délit d'escroquerie et l'a en conséquence condamnée à une peine de 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis mise à l'épreuve ;

"aux motifs que, la remise, par une infirmière libérale, à une caisse de sécurité sociale, de feuilles de remboursement de frais afférents à ses soins fictifs constitue une manoeuvre frauduleuse qui ne peut avoir pour but que de tromper cet organisme et le déterminer ainsi, à son préjudice, à lui remettre le montant de prestations indues ; qu'il n'est ni contesté ni contestable, ces faits étant établis par les pièces de la procédure, que la prévenue, infirmière libérale, a, entre septembre 1997 et juin 1999 volontairement sollicité et obtenu de la caisse de sécurité sociale de Brignoles le remboursement des soins qu'elle aurait prodigués à Yasmina Z... pour un montant total de 79.433,75 francs en produisant des feuilles de remboursement qui faisaient état de trois soins quotidiens dont deux sur trois étaient fictifs ; que par cette manoeuvre frauduleuse, elle a trompé la Caisse de sécurité sociale et l'a ainsi déterminée à son préjudice à lui remettre la somme de 52.955,83 francs correspondant aux prestations indues ;

"alors que le juge correctionnel ne peut prononcer une peine en raison de faits qu'il qualifie de délits, qu'autant qu'il constate l'existence des circonstances exigées par la loi pour que ces faits soient punissables ; que le simple mensonge écrit, qui n'est accompagné d'aucun acte externe lui conférant force et crédit n'est pas constitutif d'une manoeuvre frauduleuse ; qu'en estimant, pour condamner Yannick Y... du chef d'escroquerie, que le fait pour cette dernière d'avoir apposé des indications erronées sur les feuilles de soins caractérisait des manoeuvres frauduleuses au sens de l'article 313-1 du Code pénal, quand ce fait ne constituait qu'un simple mensonge écrit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 223-1, 223-18 et 223-20 du Code pénal, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré Yannick Y... coupable du délit de mise en danger d'autrui et l'a en conséquence condamnée à une peine de 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis mise à l'épreuve ;

"aux motifs qu'il résulte des dispositions des articles L. 482 ancien et L. 4312-1 nouveau du Code de la santé publique que les infirmiers ou infirmières inscrites sur une liste départementale ou exécutant en France un acte professionnel sont tenus de respecter les règles professionnelles fixées par décret en Conseil d'Etat ; que les règles professionnelles applicables sont fixées, non comme indiqué par erreur à la prévention par un décret du 15 mars 1993 mais par l'article R. 4312-29 du Code de la santé publique recodifié issu de l'article 29 du décret en date du 16 février 1993 en vigueur au moment des faits qui édicte : " l'infirmier ou l'infirmière applique et respecte la prescription médicale écrite, datée et signée par le médecin prescripteur ainsi que les protocoles thérapeutiques et des soins d'urgence que celui-ci a déterminés ; il doit demander au médecin prescripteur un complément d'information chaque fois qu'il le juge utile, notamment s'il estime être insuffisamment éclairé ;

l'infirmier ou l'infirmière communique au médecin prescripteur toute information en sa possession susceptible de concourir à l'établissement du diagnostic ou de permettre une meilleure adaptation du traitement en fonction de l'état de santé du patient et de son évolution " ; qu'il résulte des déclarations précises et concordantes faites au cours de l'enquête par le médecin prescripteur, le docteur A..., et les deux infirmiers qui ont succédé à la prévenue, MM. B... et C..., que la prescription médicale du docteur A... et le protocole thérapeutique déterminé par celui-ci exigeaient que l'infirmier ou l'infirmière chargé des soins de Yasmina Z... procède à trois injections quotidiennes d'insuline après avoir contrôlé le taux de glycémie de la patiente, la dose d'insuline à administrer étant proportionnelle à ce taux de glycémie ; que lors de sa première comparution, la prévenue a d'ailleurs déclaré "mon travail consistait à réaliser trois injections et à pratiquer le contrôle de glycémie trois fois par jour en utilisant un petit prélèvement de sang sur le doigt avec une bandelette que l'on introduit dans un appareil appelé glucotend " ; qu'elle a avoué n'avoir procédé à compter de septembre 1997 qu'à une seule injection quotidienne d'insuline ; qu'elle a reconnu lors d'un interrogatoire, en date du 19 septembre 2001, que les doses d'insuline à administrer à sa patiente dépendait du résultat du contrôle de glycémie et qu'elle se contentait deux fois sur trois de reporter sur le cahier de suivi les résultats des contrôles effectués par sa patiente ou par la fille de celle-ci ; que le docteur A... qui avait estimé nécessaire le recours à un professionnel pour pratiquer ce contrôle et ces soins et qui n'a pu que constater entre septembre 1997 et juin 1999, l'échec étonnant du traitement entrepris à des mesures prises matin midi et soir mentionnées sur le cahier de suivi a indiqué : " le danger concernant le diabète, c'est une maladie continue qui se gère au jour le jour, si le traitement est insuffisant, il y a un danger chronique, s'il est exagéré, il y a des dangers ponctuels d'hypoglycémie ; un mauvais traitement du diabète est dommageables pour divers organes " ; que le juge d'instruction a saisi un médecin expert qui a relevé que les documents qui lui avaient été présenté concernant des glycémies effectuées entre décembre 1998 et juin 1999 période de soins dispensés par la prévenue correspondaient à un diabète déséquilibré avec un risque majeur de cétose, ce qui n'était plus le cas des glycémies effectuées pendant la période de soins dispensés par MM. B... et C... lesquelles correspondaient à des valeurs presque normales ; que le carnet du suivi diabétologique dans la période antérieure au 31 juillet 1999 apparaissait mal rempli ; que Yasmina Z... avait présenté le 9 septembre 1998 une rétinopathie de l'oeil droit qui constituait une séquelle imputable en partie à l'absence d'injection d'insuline ;


qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la prévenue, infirmière libérale, en ne respectant pas la prescription médicale du docteur A... et le protocole thérapeutique déterminé par celui-ci qui lui faisaient obligation de procéder trois fois par jour sur sa patiente à une injection d'insuline après avoir contrôlé son taux de glycémie, ce en violation de l'obligation de sécurité et de prudence imposée par les articles L. 4312-1 du Code de la santé publique et 29 du décret relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières a directement exposé Yasmina Z... à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, risque connu, lié à un traitement inadapté du diabète et notamment celui de rétinopathie, cause possible de cécité.

"alors que le délit de mise en danger d'autrui n'est constitué que lorsque le prévenu a, par son comportement, exposé la victime à un risque immédiat de mort ou de blessures et n'a rien fait pour éviter la réalisation de ce risque ; qu'au cas d'espèce, la Cour ne pouvait déclarer Yannick Y... coupable du délit de mise en danger de la vie d'autrui sans rechercher si cette dernière, qui avait expliqué à Yasmina Z... comment doser et injecter elle- même son insuline - ce que cette patiente a d'ailleurs fait -, n'avait pas ainsi pris toutes précautions pour que soit assurée l'effectivité du traitement prescrit et que soit prévenue l'apparition de troubles de santé, de sorte que son comportement ne devait faire courir aucun risque à Yasmina Z..." ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 3 000 euros la somme que Yannick Y... devra payer à Yasmina Z... au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Gailly conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Source : DILA, 11/02/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction judiciaire

JURIDICTION : Cour de cassation, Chambre criminelle