La loi n° 2024-1039 propose une réforme articulée autour de trois axes principaux : le renforcement de la régulation de la location des meublés de tourisme ; la modification de la législation sur le changement d’usage des locaux d’habitation ; la possibilité de créer, dans le PLU, une servitude de résidence principale.
1. Le renforcement de la régulation de la location de meublés de tourisme
La loi du 19 novembre 2024 adopte plusieurs dispositions visant à encadrer la pratique de location de meublés de tourisme.
- La généralisation de la déclaration préalable avec enregistrement pour la location d’un meublé de tourisme
Jusqu’à présent, toute location d’un meublé de tourisme faisait l’objet d’une déclaration préalable auprès du maire de la commune, sauf s’il s’agissait de la résidence principale du loueur1.
Les communes mettant en œuvre le régime d’autorisation préalable au changement d’usage des locaux d’habitation prévu par les articles L. 631-7 à L. 631-9 du Code de la construction et de l’habitation2 pouvaient en outre décider, par délibération du conseil municipal, de soumettre à enregistrement la déclaration préalable de toute location de meublés de tourisme, qu’il s’agisse d’une résidence secondaire ou principale.
Cette procédure d’enregistrement a le mérite d’associer à chaque local mis en location un numéro de déclaration délivré immédiatement après l’enregistrement par la commune, de renforcer l’information de la commune et de faciliter les contrôles administratifs.
La loi du 19 novembre 2024 vient généraliser à toutes les communes cette procédure de déclaration préalable avec enregistrement3.
La déclaration avec enregistrement devient donc la règle et n’est plus conditionnée à la mise en œuvre, par la commune, du régime d’autorisation préalable au changement d’usage.
Toute location d’un meublé touristique, constituant ou non la résidence principale du loueur, sera subordonnée à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès d’un téléservice national et non plus auprès de la commune. La mise en place de ce téléservice national, au plus tard le 1er janvier 2026, permettra une meilleure information des pouvoirs publics concernant la location de meublés touristiques et constituera un point d’entrée numérique unique pour la réception et la transmission des données relatives aux meublés de tourisme.
Les informations et pièces justificatives exigées pour l’enregistrement de cette déclaration seront précisées par un décret.
La loi institue un mécanisme de suspension de la validité des numéros d’enregistrement par les communes, en cas de pièces justificatives manquantes, d’informations erronées ou de doute sérieux sur leur authenticité, d’arrêté de péril frappant le bâtiment accueillant le meublé touristique ou en présence d’un logement social4.
- Le renforcement des pouvoirs des communes
La loi du 19 novembre 2024 prévoit qu’à compter du 1er janvier 2025, les communes pourront, sur délibération motivée, abaisser le nombre maximum de 120 jours de mise location d’une résidence principale en tant que meublé de tourisme, dans la limite de 90 jours par année civile5.
Les locaux à usage professionnel, que les propriétaires entendent louer comme meublés de tourisme, pourront être soumis, sur délibération du conseil municipal, au régime de l’autorisation préalable à la location jusque-là réservé aux locaux à usage commercial.
La loi crée également des amendes administratives prises par les communes en cas de manquements aux obligations d’enregistrement. À terme :
- le défaut de déclaration préalable avec enregistrement sera passible d’une amende administrative d’un montant maximal de 10 000 euros ;
- la fausse déclaration ou l’utilisation d’un faux numéro de déclaration sera sanctionnée par une amende administrative d’un montant maximal de 20 000 euros.
Le montant de l’amende civile prononcée par le juge judiciaire, à la demande des communes, contre le propriétaire qui dépasse la limitation du nombre de jours de location de sa résidence principale comme meublé de tourisme, est élevé à 15 000 euros au lieu de 10 000 euros.
- L’application des obligations de décence énergétique aux locations meublées touristiques
A l’instar des logements en location nue de longue durée et les hôtels6, tout meublé de tourisme existant, qui ne constitue pas la résidence principale du loueur, devra, à compter du 1er janvier 2034, respecter les niveaux de performance énergétique d’un logement décent, c’est-à-dire disposer d’un diagnostic de performance énergétique de classe D7.
Le non-respect des niveaux de performance énergétique d’un logement décent, pour un meublé de tourisme, exposera le propriétaire à une amende administrative d’un montant maximal de 5 000 euros.
2. La modification de la législation sur le changement d’usage des locaux d’habitation
La loi du 19 novembre 2024 apporte des modifications importantes sur le changement d’usage des locaux d’habitation.
- L’extension du périmètre des communes susceptibles de mettre en œuvre un régime d’autorisation préalable au changement d’usage des locaux d’habitation
Dans la rédaction antérieure de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation, l’autorisation du changement d’usage des locaux destinés à l’habitation s’appliquait automatiquement dans les communes de plus de 200 000 habitants et des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
Pour les autres communes, ce régime juridique était facultatif8.
Le périmètre territorial de cette autorisation concerne désormais :
- les communes dans lesquelles la taxe annuelle sur les logements vacants est instituée et dont la liste est fixée par le décret n° 2023-822 du 25 août 2023, qui pourront, sur décision de l’organe délibérant, soumettre le changement d’usage des locaux à usage d’habitation à l’autorisation préalable ;
- et les autres communes sur le territoire desquelles l’autorisation préalable de changement d’usage pourra être instituée par délibération de l’organe délibérant de l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal9.
- La modification de la charge de la preuve de l’usage d’habitation d’un local
Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi « Le Meur », l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation prévoyait qu’un local était réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 ; cette date ayant été choisie en raison de la révision foncière intervenue en 1970. Face aux difficultés rencontrées par les communes pour établir l’usage d’habitation d’un local en cas de contentieux sur le changement d’usage, le législateur a décidé de modifier cet article pour que les communes n’aient plus à remonter jusqu’à la date du 1er janvier 1970 et puissent apporter la preuve de l’usage d’habitation à une date ultérieure.
Désormais, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage :
- soit à une date comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976 inclus,
- soit à n’importe quel moment au cours des trente dernières années précédant la demande d’autorisation préalable au changement d’usage ou la contestation de l’usage dans une procédure contentieuse, sauf autorisation ultérieure de changement d’usage.
Les locaux construits ou ayant fait l’objet de travaux après le 1er janvier 1970 sont toujours réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux ont été autorisés, sauf autorisation ultérieure de changement d’usage. Mais est inséré un alinéa qui précise qu’« une autorisation d’urbanisme ayant pour conséquence de changer la destination de locaux à usage d’habitation ne constitue un mode de preuve valable que si elle est accompagnée d’une autorisation de changement d’usage ». Autrement dit, le local d’habitation bénéficiant d’une autorisation d’urbanisme valant changement de destination, ne perd son usage d’habitation que si une autorisation de changement d’usage a également été délivrée.
- La modification du régime d’autorisation temporaire de changement d’usage
Dans sa rédaction antérieure, l’article L. 631-7-1-A du Code de la construction définissait un régime d’autorisation temporaire de changement d’usage destinées aux seules personnes physiques ; les personnes morales devant recourir à une demande d’autorisation de changement d’usage prévue à l’article L. 631-7 et parfois assortie d’une obligation de compensation.
Ce régime de l’autorisation temporaire, qui peut être institué par délibération du conseil municipal, offre un cadre juridique plus souple, dédié à la transformation de logements en meublés de tourisme, pour une durée déterminée et sans être subordonnée à la compensation.
La loi du 19 novembre 2024 l’élargit aux personnes morales11.
Elle permet aussi aux communes de délimiter, dans leur délibération instituant l’autorisation temporaire de changement d’usage, des zones géographiques dans lesquelles sera défini un quota, c’est-à-dire un nombre maximal d’autorisations temporaires dont la durée ne pourra pas excéder cinq ans.
Dans ces zones de quota, aucune autorisation permanente de changement d’usage de locaux à usage d’habitation ne pourra être délivrée sur le fondement de l’article L. 631-7 dans le but de louer un local à usage d’habitation comme meublé de tourisme, sauf si elle est accordée contre une compensation.
Pour lutter contre les changements d’usage de locaux d’habitation en violation des règlements de copropriété prohibant l’activité de location de meublés touristiques, il est prévu que l’autorisation temporaire ne pourra être demandée que si le changement d’usage est conforme aux stipulations contractuelles prévues dans le règlement de copropriété ; le demandeur devant en attester par la production d’une déclaration sur l’honneur.
Cette disposition s’ajoute à celle qui impose au copropriétaire ou locataire ayant fait une déclaration en mairie pour louer son logement comme meublé de tourisme, d’en informer le syndic, qui devra inscrire, à l’ordre du jour de l’assemblée générale, un point d’information relatif à l’activité de location de meublés de tourisme au sein de la copropriété12.
Enfin, la loi du 19 novembre 2024 double le montant maximal de l’amende civile à laquelle toute personne méconnaissant le régime juridique de l’autorisation de changement d’usage peut être condamnée, en la fixant à 100 000 euros13, et élargit l’application de cette amende civile aux intermédiaires de location, c’est-à-dire à « toute personne qui se livre ou prête son concours à la commission » de ce manquement14.
3. La possibilité d’instituer une « servitude de résidence principale » dans le règlement du PLU
La loi du 19 novembre 2024 vient combler un vide juridique en permettant aux communes d’instituer une « servitude de résidence principale » dans le règlement de leur PLU15.
Le règlement du PLU pourra délimiter, dans des zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels toutes les constructions nouvelles de logement seront à usage exclusif de résidence principale.
Cette délimitation sera possible :
- lorsque, dans le périmètre du règlement, la taxe annuelle sur les logements vacants mentionnée à l’article 232 du Code général des impôts est applicable ;
- ou lorsque les résidences secondaires représentent plus de 20 % du nombre total d’immeubles à usage d’habitation.
Cette servitude devra faire l’objet d’une mention expresse dans toute promesse de vente, tout contrat de vente, de location ou constitutif de droits réels, à peine de nullité.
La loi prévoit un mécanisme de sanction en cas de méconnaissance de cette servitude d’urbanisme par le propriétaire ou le locataire du logement, en autorisant le maire à mettre celui-ci en demeure de régulariser la situation, sous astreinte journalière d’un montant maximal de 1 000 euros, dans une limite de 100 000 euros.
Et le bail pourra prévoir une clause de résiliation de plein droit en cas de non-respect de cette servitude de résidence principale16.
Donatien de Bailliencourt, Avocat Associé, HMS Avocats
1. II de l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2024-1039.
2. Ce régime d’autorisation préalable était obligatoire dans les communes de plus de 200 000 habitants et des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, et facultatif dans les autres communes avec un distinguo entre les communes situées en zones dites « tendues » et les autres.
3. I de l’article 1er de la loi du 19 novembre 2024, modifiant l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme.
4. III bis de l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme.
6. Loi n° 2019-1147 relative à l’énergie et au climat du 9 novembre 2019 et loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience par rapport à ses effets.
7. I de l’article 3 de la loi du 19 novembre 2024, insérant un article L. 324-1-2 dans le Code du tourisme.
8. Article L. 631-9 du Code de la construction et de l’habitation.
9. a) du 1° et a) du 3° du I de l’article 5 de la loi du 19 novembre 2024.
10. Introduit par l’article 16 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR ».
11. 2° du I de l’article 5 de la loi du 19 novembre 2024.
12. Article 8 de la loi du 19 novembre 2024 insérant un article 9-2 dans la loi du 10 juillet 1965.
13. a) du 4° du I de l’article 5 de la loi du 19 novembre 2024, modifiant l’article L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation.
14. 5° du I de l’article 5 de la loi du 19 novembre 2024, insérant un article L. 651-2-1 dans le Code de la construction et de l’habitation.
15. II de l’article 5 de la loi du 19 novembre 2024, insérant, dans le Code de l’urbanisme, un article L. 151-14-1 et un article L. 481-4 et modifiant l’article L. 153-31.