Urbanisme : créer les conditions d’un dialogue renouvelé entre élus et ABF

Publié le 9 octobre 2024 à 10h15 - par

Une mission d’information du Sénat formule 24 propositions sur le rôle des architectes des bâtiments de France. Censés accompagner la préparation des projets, ils rendent des avis sur les demandes d’urbanisme dans les espaces protégés, mais manquent de temps pour exercer leur mission de conseil et de dialogue auprès des élus.

Urbanisme : créer les conditions d'un dialogue renouvelé entre élus et ABF
© Par Rido - stock.adobe.com

Avis variables et imprévisibles, refus insuffisamment motivés, prescriptions coûteuses et faible prise en compte de la transition écologique. Ce sont les quatre critiques les plus fréquentes des élus locaux à l’encontre des avis des architectes des bâtiments de France (ABF), selon l’enquête menée au printemps dernier par la mission d’information sénatoriale « Architectes des bâtiments de France, périmètre et compétences ». Une consultation en ligne qui a reçu pas moins de 1 500 réponses et 600 témoignages directs, et qui illustre les rapports difficiles entre les élus et ces fonctionnaires de l’État, chargés de promouvoir une architecture et une urbanisation de qualité dans les zones d’intérêt patrimonial. Surchargés de travail, les 189 ABF prennent en moyenne treize décisions chaque jour. Ils sont « placés en position de juges sur des dossiers qui touchent au plus près des conditions de vie » et suscitent « controverses et incompréhensions » chez les élus et parmi les porteurs de projets, précisent les sénateurs Marie-Pierre Monier Drôme) et Pierre-Jean Verzelen Aisne) dans leur rapport du 25 septembre 2024. Même si les refus sont rares (14 %) et les accords fréquents (36 %), il n’en reste pas moins que 50 % des accords sont assortis de prescriptions qui peuvent entraîner des travaux bien plus coûteux que le budget initial.

Exerçant une triple compétence de contrôle, conseil et conservation, les ABF accompagnent les particuliers et les collectivités dans la préparation de leurs projets d’aménagement. Ils interviennent à la frontière de plusieurs grandes politiques publiques : protection du patrimoine, aménagement du territoire, mise en valeur touristique, production d’énergies renouvelables et rénovation énergétique du bâti. Dans 40 % des départements (souvent ruraux), intervient un seul ABF qui peut avoir du mal à se déplacer et à prendre le temps du dialogue. Or, il rend des avis sur les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir dans les espaces protégés. Ses décisions sont fréquemment contestées à l’échelle locale, notamment lorsqu’elles entraînent l’annulation de projets structurants.

Les recommandations de la mission visent à créer les conditions d’un dialogue renouvelé entre les ABF et les acteurs locaux, et à concilier la  protection du patrimoine paysager avec la transition économique et écologique, à l’échelle de chaque territoire. Six axes principaux sous-tendent ses préconisations. Tout d’abord, assouplir le régime législatif des périmètres délimités des abords (PDA), pour encourager leur généralisation. Depuis 2016, les élus peuvent en effet adapter le périmètre de protection du bâti à l’intensité patrimoniale de leur collectivité. Deuxième axe : améliorer la lisibilité et la prévisibilité des décisions, par la diffusion de guides de bonnes pratiques et la tenue de permanences accessibles à tous. L’idée : renforcer la transparence et les temps de dialogue avec les élus. Les rapporteurs proposent aussi d’améliorer l’information des citoyens et des élus sur le patrimoine. Et, par exemple, de mieux informer élus et agents sur le rôle des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) et d’en doter les départements qui en sont dépourvus.

Bâti ancien et DPE

Le quatrième axe consisterait à mieux hiérarchiser les missions des ABF, afin qu’ils puissent mieux conseiller et accompagner. Il conviendrait notamment de leur retirer la mission de sécurisation des cathédrales. Le cinquième axe viserait à renforcer l’attractivité de la fonction d’ABF. Quant au sixième axe, il a pour ambition de prendre en considération la spécificité du bâti ancien dans les politiques environnementales, avec notamment une meilleure prise en compte des caractéristiques des édifices patrimoniaux dans les diagnostics de performance énergétique (DPE). L’adaptation du bâti patrimonial ancien aux contraintes résultant du réchauffement climatique constitue en effet également une opportunité pour étoffer le rôle de conseil et d’accompagnement des ABF. La mission souhaite que cet enjeu soit identifié comme une priorité d’action, aussi bien par les politiques culturelles que par les politiques environnementales.

Marie Gasnier


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