Malgré les avancées apportées par la loi ZAN 2 du 20 juillet 2023 (elle aussi d’initiative sénatoriale) sur la réduction de l’artificialisation des sols, la complexité des textes confronte toujours les communes à de grandes difficultés. Après engagement de la procédure accélérée par le Gouvernement le 6 mars, les sénateurs ont adopté le 18 mars 2025 une proposition de loi* qui améliore les modalités d’application de la stratégie de sobriété foncière, fixée par la loi Climat-résilience.
Le texte instaure une « trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux » (Trace). Un nouvel acronyme qui en dit long sur l’exaspération de ces élus, pour qui le « ZAN » équivaut à un « repoussoir ». Et un changement de trajectoire qui donne la main aux régions : elles fixeront leur propre trajectoire et leurs propres objectifs intermédiaires chiffrés de réduction de la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers (Enaf), en vue d’atteindre l’objectif national d’absence nette de consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers en 2050. À elles de définir le rythme à suivre, à condition d’être compatibles avec l’objectif 2050. La loi Trace supprime donc l’objectif national de moins 50 % en 2031. Un premier jalon intermédiaire est fixé à 2034.
Les sénateurs ont également renforcé le poids des élus locaux dans les conférences régionales de gouvernance de la sobriété foncière (anciennes conférences régionales de gouvernance créées par la loi ZAN 2). Ils pourront notamment contraindre la région à reconsidérer ses objectifs de réduction de l’artificialisation.
Le décompte de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, l’un des points d’achoppement des textes en vigueur sur l’artificialisation, est assoupli pour permettre aux collectivités de réaliser leurs projets de développement. Le texte prévoit donc plusieurs exemptions jusqu’en 2036 :
- les implantations industrielles et leurs raccordements au réseau électrique,
- les infrastructures de production d’énergie renouvelable et les constructions de logement social, dans les communes carencées au titre de la loi SRU,
- ainsi que les infrastructures liées aux réseaux publics d’eau et d’assainissement.
Il confirme que les projets d’envergure nationale et européenne (Pene) ne seront pas décomptés dans les surfaces artificialisées, et permet que certains aménagements connexes à ces projets (logements, infrastructures de raccordement…) puissent également bénéficier de la qualification de Pene. Les opérations de construction ou d’aménagement d’aires d’accueil des gens du voyage ou les plateformes de recyclage et de valorisation des déchets inertes pourront être considérées comme des projets d’envergure régionale.
La petite loi précise aussi que les dispositions relatives à l’artificialisation des sols figurant dans les documents régionaux ne s’appliqueront plus aux documents d’urbanisme que dans un rapport de prise en compte.
Les apports du Sénat prévoient un dépassement de droit de 20 % des enveloppes foncières locales et une bonification de ces dernières en cas de requalification de friches, y compris pour des bâtiments agricoles amiantés.
Les sénateurs facilitent également la mise en œuvre de la mutualisation de la garantie de développement communal de 1 hectare au sein de l’EPCI, pour éviter le gel de foncier dans les communes rurales. Les rigidités de la mise en œuvre de cette garantie, appliquée qui plus est de façon homogène sur tout le territoire, ont en effet parfois pu aboutir à grever les enveloppes foncières disponibles pour les autres collectivités.
En bref, le texte sénatorial a pour ambition de mieux accompagner les élus locaux, en proposant une démarche qui part des territoires, et d’introduire une notion de différenciation pour prendre en compte les spécificités locales.
Martine Courgnaud – Del Ry
*Déposée par Guislain Cambier (Nord) et Jean-Baptiste Blanc (Vaucluse)