Législatives : dimanche 7 juillet, un choix de société pour le service public !

Publiée le 2 juillet 2024 à 10h30 - par

La longue histoire du service public français s'inscrit dans un cadre républicain qu'aucune majorité politique, depuis le maréchal Pétain, n'a remis en cause. Les résultats des élections législatives du 7 juillet prochain pourront changer le caractère universel et égalitaire de l'action publique. Ce bouleversement n'est pas sans conséquence sur le travail des 5,6 millions d'agents publics qui sont soumis au devoir de loyauté et d'obéissance hiérarchique. Tribune de Florian Glay, Fonctionnaire en disponibilité, Créateur de « Florian GLAY conseil ».
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La lente dégradation de la qualité du service public (1) et de l’emploi public (2) a conduit incontestablement aux creusements des inégalités et aux fractures territoriales qui aboutissent au paysage politique que nous connaissons. Pourtant, le service public est un rempart contre la précarité, la reproduction sociale, les inégalités et la dégradation des conditions de vie.

La remise en cause du socle de valeurs communes qui structurent son action n’est pas de nature à améliorer la situation dégradée que nous connaissons.

1. L’affaiblissement des services publics dans les territoires creusent les inégalités

Le maillage territorial qui a longtemps été la force du service public français a disparu. L’aménagement du territoire par les administrations permettait de garantir à l’ensemble du pays des services publics de qualité, socle de l’égalité républicaine entre les territoires et les citoyens.

La France a fermé 17 000 écoles en 40 ans1, les territoires ruraux sont les principales victimes de cette politique aveugle qui crée, dès le plus jeune âge, de l’injustice et des inégalités.

À l’heure où certains souhaitent plus d’ordre, de justice et de sécurité pour justifier des politiques discriminantes et parfois racistes, revenons aux leçons de Victor Hugo, dans son roman « Les misérables » qui estimait que « L’homme a un tyran, l’ignorance. (…) Ouvrez une école et vous fermerez une prison ».

L’école n’est pas la seule victime des « réformes » de l’État entreprises dans le mouvement du « new public management ». L’ensemble des services publics ont disparu des territoires. La fermeture des bureaux de poste, des gares ou des centres des finances publics a entraîné des conséquences importantes en matière de justice sociale et d’égalité républicaine.

Le service public restera toujours le patrimoine de ceux qui n’ont pas la chance d’en disposer un. Garantir l’accès à tous et permettre à chacun de s’instruire et de se cultiver est essentiel.

Surtout, l’accès aux soins et à la santé est une nécessité dans un monde qui, du fait du réchauffement climatique, va devoir faire face à de nouvelles épidémies et virus et où les enjeux en matière de santé publique sont d’une importance primordiale2.

Alimenter l’idée d’une « préférence nationale » dans l’attribution des droits, particulièrement du droit à la santé, n’améliorera en rien l’accès aux soins de milliers de français éloignés des pôles d’attractivité. Surtout, éloigner une partie de la population de la santé aura pour conséquence de faire courir sur toute la population des risques sanitaires importants.

L’échec de la « start up nation » a renforcé le creusement des inégalités entre les territoires et a des conséquences politiques majeurs. L’illectronisme et la fracture numérique creusent les inégalités entre les générations, les territoires, mais surtout les inégalités sociales. Le non-recours aux droits et les difficultés à bénéficier des prestations sociales ou simplement de pouvoir rechercher un emploi conduit à une fracture qui n’a cessé de se creuser.

Cette dégradation du service public, c’est aussi une dégradation de la qualité de l’emploi public.

2. La dégradation de l’emploi public précarise le service public

La lente dégradation des conditions de vie des fonctionnaires depuis la loi fondatrice du 3e statut de la fonction publique (loi du 13 juillet 1983) est réelle et sérieuse.

Alors que disposer d’un emploi public était source d’élévation sociale et de sécurité dans une France marquée par le chômage de masse, être fonctionnaire aujourd’hui est source de précarité et des fins de mois difficile.

Les agents de catégorie C, dans une grande majorité, sont à peine au-dessus du SMIC pendant plus de 8 ans. En 20 ans, les fonctionnaires ont perdu 20 % de pouvoir d’achat. La faible revalorisation de la valeur du point en 2022 et 2023 ne correspond même pas à l’inflation constatée sur la même période. La revalorisation majeure de la valeur du point constitue une nécessité financière autant qu’un impératif en matière de recrutement.

Si les concours de la fonction publique n’attirent plus les candidats et que les offres restent sans réponse, ce n’est pas parce que travailler pour le service public ne revêt pas un sens particulier, c’est avant tout car il ne permet plus aux agents de vivre dignement de leur travail.

Revaloriser la valeur du point du point d’indice comme proposé par le Nouveau Front populaire, revoir l’indemnité de résidence pour en faire un levier d’attractivité de certains territoires, réformer le SFT afin qu’il s’adapte à la structuration des familles d’aujourd’hui et qu’il soit plus juste dans l’attribution sont des nécessités pour les agents et pour l’avenir de l’emploi public.

Celui-ci est structuré en partie par des agents binationaux. Ces agents occupent des emplois de médecins, d’infirmières, mais également les emplois difficiles dans l’entretien de nos locaux et de nos rues. Vouloir exclure ces agents des emplois publics aura pour conséquence la dégradation de la qualité du service public et l’inégalité d’accès pourtant inscrit dans l’article 6 de la DDHC : « Tous les Citoyens étant égaux [aux yeux de la loi] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

Dans le même temps, la volonté de contractualiser l’emploi public précarise les agents autant qu’il affaiblit le service public. Le statut inventé par Anicet Le Pors, construit, en partie, en réaction à la construction de la fonction publique dans une heure sombre de l’histoire française, est une garantie contre l’arbitraire et les discriminations.

Dans un moment politique aussi tourmenté, il est un rempart contre le détricotage du pacte républicain. Il protège l’héritage du Front Populaire de mai 1936, de la Constitution de la IIIe République, du Conseil National de la Résistance et particulièrement de la Sécurité sociale pour tous, de l’abolition de la peine de mort ou encore de la loi sur le mariage pour les couples de même sexe.

Il permettra, demain, de sauvegarder l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution et protégera les femmes d’un retour en arrière dans la protection de leurs droits.

Si le service public n’a pas été au cœur du débat politique qui a structuré la campagne des élections législatives, les conséquences du choix du 7 juillet sur son fonctionnement et son action seront fondamentales. C’est un véritable choix de société qui s’offre aux français.

Florian Glay, Fonctionnaire en disponibilité
Créateur de « Florian GLAY conseil »


1. Avec 17 000 fermetures d’écoles en France en quarante ans, pourquoi plus d’un quart des établissements ont été touchés ?, Le Monde, 17 mai 2022

2. Le réchauffement climatique va multiplier les pandémies, Les Échos, 2 mai 2022