Les organisations privĂ©es et publiques sont en perpĂ©tuel mouvement. Nouvelles attentes, nouveaux besoins, environnement Ă©conomique inflationniste, Ă©volutions technologiques, innovations, transition Ă©cologique constituent autant de facteurs qui, parmi d’autres, vont influer sur les impulsions donnĂ©es par les dĂ©cideurs publics pour adapter le service public. Demeure une prĂ©occupation constante : apporter une qualitĂ© de service qui permette de satisfaire les besoins Ă des coĂ»ts acceptables tant du point de vue des usagers, que des contribuables. La responsabilitĂ© sociĂ©tale des organisations (RSO) constitue un nouveau point d’entrĂ©e pour ces objectifs.
Au fil du temps, les organisations tendent vers toujours plus de performance dans un cadre contraint. Les opĂ©rations tertiaires en volume se sont automatisĂ©es, informatisĂ©es. Les process, composĂ©s d’une succession de tâches Ă rĂ©aliser, sont scrutĂ©s afin d’Ă©liminer les tâches inutiles, de simplifier celles qui sont chronophages tant pour l’administration que pour les citoyens. Les opĂ©rations sont traitĂ©es virtuellement. Les rationalisations et optimisations deviennent le centre d’attention des managers publics chargĂ©s de limiter le recours aux ressources humaines pour des travaux oĂą l’intervention humaine n’apporte aucune rĂ©elle plus-value par rapport Ă la technologie.
Comment prĂ©parer l’avenir quand survient l’IA ?
L’intelligence artificielle gĂ©nĂ©rative va bouleverser le rapport Ă la valeur ajoutĂ©e humaine appelĂ©e Ă se rĂ©inventer. Dans ces conditions, comment les dirigeants territoriaux doivent-ils imaginer l’avenir de leur structure ?
De nombreux traitements seront bientĂ´t exĂ©cutĂ©s sous une simple supervision humaine. Les dĂ©lais de production vont s’en trouver considĂ©rablement modifiĂ©s et c’est bien toute l’organisation avec son cadencement qui sera affectĂ©e par ces changements, le rapport au citoyen qui sera reconfigurĂ©.
Mais l’intelligence artificielle gĂ©nĂ©rative ne touchera pas que les tâches rĂ©pĂ©titives ou simples. Chaque mĂ©tier disposera de « son » intelligence artificielle et les solutions seront adaptĂ©es Ă chacune des spĂ©cificitĂ©s liĂ©es Ă la production.
Dans ces conditions, le recours rĂ©flĂ©chi Ă l’intelligence artificielle pour tous les mĂ©tiers constitue une des conditions de la performance publique. Pour autant, cela ne sera pas suffisant. Il sera nĂ©cessaire d’obtenir l’adhĂ©sion des collaborateurs Ă ces transformations en les y impliquant. Il s’agit d’un challenge nouveau pour les managers publics qui ont eu Ă cĹ“ur de bâtir des organisations avec la contribution de leurs collaborateurs afin que chacun se sente concernĂ© par les Ă©volutions nĂ©cessaires.
Une co-construction avec les collaborateurs
Ce processus de transformation des organisations publiques liĂ© Ă l’IA fera l’objet d’une co-construction avec les collaborateurs eux-mĂŞmes pour produire le futur cadre dans lequel ils seront fiers d’apporter leur savoir-faire. Ils se sentiront naturellement valorisĂ©s par une organisation agile, moderne, performante, porteuse de sens, davantage tournĂ©e vers les besoins des citoyens, davantage productrice de projets pour y rĂ©pondre.
Lorsque ces projections, ces cadres seront Ă©tablis, on donnera de la visibilitĂ© aux collectifs de travail et c’est essentiel tant on sait que la navigation Ă vue est anxiogène dans les organisations. Au-delĂ de la configuration de ces structures, l’impact individuel sera tel qu’il conviendra de s’assurer que chacun y trouve sa place. InsĂ©rer les collaborateurs au chausse-pied dans ces futures organisations prĂ©sente un vrai risque si l’on ne prend pas davantage en compte une approche individualisĂ©e.
Modeler son organisation pour l’Ă©panouissement de ses talents
Il s’agit de penser l’Ă©panouissement des collaborateurs rĂ©orientĂ©s vers de nouvelles fonctions afin que ceux-ci puissent dĂ©livrer leur potentiel au bĂ©nĂ©fice de la performance espĂ©rĂ©e.
Or cet Ă©panouissement ne va pas de soi tant les transformations seront impactantes. Aussi, sera-t-il utile d’apprĂ©hender des solutions davantage individualisĂ©es pour les collaborateurs.
En premier lieu, et c’est dĂ©jĂ le cas aujourd’hui, les organisations publiques recèlent des talents discrets qui ne sont pas tous identifiĂ©s. On ne saurait parler de performance sans mener une politique de dĂ©tection de ces talents dormants qui participeront Ă la transformation des organisations publiques.
Secondement, les collectivitĂ©s publiques bien inspirĂ©es s’affranchiront davantage du caractère enfermant des processus de sĂ©lection traditionnels. Il s’agit d’oser l’expression des talents sur des fonctions Ă valeur ajoutĂ©e alors mĂŞme que ces collaborateurs n’auraient pas fait leurs preuves au moyen du concours.
Cela s’accompagne d’un management qui saura guider ces Ă©volutions. Ce management doit ĂŞtre incarnĂ© et correspondre Ă la personnalitĂ© des talents en place. Peu importe le style managĂ©rial, pour peu qu’il corresponde aux attentes et Ă la personnalitĂ© des personnes qui vont voir leurs fonctions Ă©voluer.
Une approche mieux individualisée
Pour performer, ces talents doivent se sentir Ă©panouis et donc cela passe par l’identification de leurs centres d’intĂ©rĂŞts inexplorĂ©s. Intuitivement, qu’aiment-ils faire et comment ? Dans quel cadre apprĂ©cient-ils d’Ă©voluer ? Et pourquoi ? On ne peut nier ce qui anime les collaborateurs pour imaginer leur futur dans une organisation.
Penser les organisations publiques Ă l’aune de ces considĂ©rations humaines constitue un dĂ©fi tant les paramètres sont nombreux et tant le système a besoin que toutes ses fonctions soient assurĂ©es. Les organisations publiques ne peuvent se permettre de sureffectifs dans certains pĂ´les ou encore des besoins non satisfaits. Pour autant, la prise en compte des besoins personnels des collaborateurs est aussi en mesure de contribuer Ă ces Ă©quilibres.
Ceci rĂ©interroge naturellement la question des organigrammes qui, s’ils sont au service d’un fonctionnement optimal, doivent prendre Ă©galement les qualitĂ©s et centres d’intĂ©rĂŞt de ceux qui font le service public. Et puisque les organisations seront bouleversĂ©es par l’intelligence artificielle, pourquoi ne pas y faire davantage appel pour une approche mieux individualisĂ©e au bĂ©nĂ©fice des collaborateurs ?
Par Jean-Luc Caiveau(1), associé fondateur de TALENTS HUMAINS Associés – Nantes
(1) Après une carrière de directeur gĂ©nĂ©ral d’intercommunalitĂ© et de ville, Jean-Luc Caiveau, administrateur gĂ©nĂ©ral, conseille dĂ©sormais les collectivitĂ©s dans leur approche RH, mobilitĂ©, recrutement et managĂ©riale.