20 ans de la loi « Handicap » : changeons de paradigme

Publiée le 27 mars 2025 à 9h30 - par

20 % d'entre nous vivons en situation de handicap. 80 % des handicaps surviennent au cours de la vie. Et que faisons-nous de ce constat ? À vrai dire, pas grand-chose. « L'inclusion n'est pas un surcoût mais un projet de société », estime Isabelle Assih, Maire de Quimper et Présidente de Quimper Bretagne Occidentale, mais aussi Référente Handicap et Accessibilité de l'AMF (Association des Maires de France).
20 ans de la loi « Handicap » : changeons de paradigme
© Quimper Bretagne Occidentale - Pascal Perennec

Le 11 février 2005, la France posait un jalon essentiel avec la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Vingt ans plus tard, le constat est à la fois encourageant et alarmant. Oui, des progrès ont été faits : l’école inclusive a avancé, l’accessibilité de nos villes et des services publics s’est améliorée, et la prise de conscience collective a progressé. Mais à quel rythme ? Et surtout, avec quelle vision ?

Tous concernés

Encore aujourd’hui, le handicap est trop souvent perçu comme un problème à résoudre, une exception à gérer, une contrainte à supporter. Nous devons changer de paradigme. Le handicap n’est pas une singularité marginale : il nous concerne tous. Après 60 ans, un quart d’entre nous aura une limitation fonctionnelle sévère ou une forte restriction d’activité. Nous ne parlons donc pas d’une minorité à aider, mais d’une condition humaine à intégrer pleinement à nos politiques publiques. Qu’attendons-nous, collectivement, pour réfléchir autrement ?

Accessibilité : une ambition à accomplir

L’accessibilité n’est pas une option, c’est un droit. Pourtant, la mise en accessibilité des infrastructures, des transports, des voiries, promise par la loi, reste freinée par des obstacles financiers (notamment pour les petites communes) et techniques (particulièrement en ce qui concerne la mise aux normes de bâtiments anciens ou patrimoniaux). Les collectivités ont fait de leur mieux pour respecter les Ad’AP (Agendas d’accessibilité programmée), permettant d’étaler cette mise en accessibilité sur plusieurs années. Ici encore, il est important de rappeler qu’il ne s’agit pas seulement de rendre la ville accessible à quelques-uns, mais de penser une urbanité inclusive qui bénéficie à tous : parents avec poussettes, personnes âgées, citoyens en convalescence et bien sûr, personnes en fauteuil.
De nombreux dispositifs existent également pour faciliter l’autonomie des personnes malvoyantes ou malentendantes, mais également celle des personnes atteintes d’un handicap mental ou psychique.
Faire le choix politique de faciliter la vie des personnes en situation de handicap, ce n’est pas compliquer celle des valides, bien au contraire. Chaque aménagement accessible est un investissement dans la qualité de vie de chacun. Choisir de se couper de 20 % de la population, sous prétexte que c’est compliqué ou que ça coûte cher, c’est choisir de renoncer à faire société, et par là même renoncer à ce qui définit notre humanité.

École inclusive : une responsabilité partagée

Les maires, en première ligne de l’accueil des enfants en situation de handicap, voient chaque jour les difficultés rencontrées par les familles. Les communes doivent composer avec un manque d’information préalable sur les besoins d’accompagnement, une concertation parfois difficile avec les services de l’Éducation nationale, et des moyens financiers insuffisants. Si l’AMF a obtenu des avancées importantes, notamment la mise à disposition d’AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) sur le temps périscolaire et un bonus handicap pour l’accueil des enfants en situation de handicap dans les accueils de loisirs, nous devons pourtant aller plus loin.
L’accueil des enfants en situation de handicap ne peut pas être une variable d’ajustement. Il faut une réelle co-construction entre l’État, les collectivités et les familles, avec des financements pérennes et une meilleure anticipation des besoins. Et si l’accompagnement en milieu ordinaire grâce aux AESH est une première réponse, essentielle pour les familles, l’augmentation constante des demandes témoigne non seulement d’un besoin auquel nous devons trouver des réponses plus justes. Quid d’une formation à la pédagogie inclusive des enseignants ? Quid de partenariats plus étroits entre l’école, la santé et le médico-social ?

Citoyenneté, engagement, emploi, mobilités, loisirs : une question transversale

L’inclusion ne se résume pas à garantir aux personnes en situation de handicap d’être nourries, logées, soignées. Une société inclusive, c’est une société qui permet à chacun et chacune d’être pleinement citoyen, de travailler, de se déplacer librement, de faire du sport et de sortir, d’avoir une vie sociale, affective et sexuelle…
Le handicap ne peut plus être un sujet périphérique, traité à part dans les politiques publiques. Il doit être intégré dans toutes les décisions, à tous les niveaux. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de dispositifs sectoriels, souvent pensés après coup, qui ne font que pallier les manquements de choix qui continuent à exclure. Une ville et des loisirs accessibles, un système éducatif inclusif, un marché du travail ouvert à tous, une vie sociale épanouissante : voilà ce que nous devons viser. Changer de regard, c’est cesser d’adapter à la marge ce qui devrait être pensé dès le départ pour tous. C’est en cela que les élus locaux constituent le premier maillon de la société inclusive au quotidien.

Ensemble pour une transformation durable

Nous, élus, devons être les porteurs de cette nouvelle vision : ne plus voir le handicap comme une exception à intégrer mais comme une partie intrinsèque de notre société. Nos politiques publiques doivent cesser de fonctionner sur le mode de l’adaptation a posteriori, et intégrer dès leur conception la diversité des parcours de vie.
Vingt ans après la loi de 2005, nous devons franchir un cap :

  • Instaurer une gouvernance mieux partagée entre l’État et les collectivités pour assurer une mise en œuvre efficace des politiques d’inclusion.
  • Garantir des moyens financiers à la hauteur des enjeux pour ne pas laisser les communes seules face à des obligations qu’elles ne peuvent assumer sans soutien.
  • Former et sensibiliser tous les acteurs, des élus aux agents de terrain, pour développer une culture de l’accessibilité et de l’inclusion.

Ne laissons pas passer cette opportunité. L’inclusion n’est pas un surcoût, c’est un projet de société. Les maires, au plus près des réalités du terrain, sont prêts à prendre toute leur part. Mais ils ne peuvent pas le faire seuls. C’est ensemble que nous construirons une France pleinement accessible et inclusive.

Isabelle Assih, Maire de Quimper, Présidente de Quimper Bretagne Occidentale, Référente Handicap et Accessibilité de l’AMF (Association des Maires de France)

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