Alors que le Beauvau des polices municipales devrait reprendre courant décembre, avec pour objectif d’aboutir à une loi-cadre, annoncée par le ministre délégué chargé de la Sécurité du quotidien, Nicolas Daragon, le Sénat (délégation aux collectivités locales) organisait une table ronde sur leur avenir, le 12 novembre 2024. Le cadre juridique date de la loi Chevènement du 15 avril 1999 et la loi sécurité globale du 25 mai 2021 a conforté les polices municipales dans le dispositif de sécurité intérieure, a rappelé Virginie Malochet, sociologue, chercheuse associée au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (Cesdip). Mais depuis 1999, on constate un « mouvement continu d’augmentation des prérogatives », les transferts de l’État vers les collectivités sont de plus en plus importants, et les enjeux ont fortement évolué. Partout en France, les villes sont appelées à gérer de nombreux problèmes de sécurité. Comme l’a précisé le maire de Cergy (Val-d’Oise, 68 778 habitants), co-président de la commission sécurité et prévention de la délinquance de l’Association des Maires de France (AMF), Jean-Paul Jeandon, « dans de nombreuses villes, la réalité de la sécurité urbaine, ce sont les tirs de mortier, rodéos, trafics en bas des cages d’escalier, rassemblements… » Pour répondre à cette réalité, il faut de la police de proximité, qui est du ressort de l’État. « Mais la police municipale est là pour compléter, pas pour remplacer ». Elle a deux missions principales, a rappelé Henri Leroy, sénateur des Alpes-Maritimes : préserver la tranquillité publique et faire respecter les arrêtés du maire. « La police municipale est une force de grande proximité dans la main des maires ».
Ne pas faire ce que la police nationale ne veut pas faire
À l’occasion des émeutes de l’été 2023, la question d’étendre les pouvoirs des policiers municipaux s’est posée, ce qui a donné lieu à la concertation dans le cadre du Beauvau. Mais faut-il « judiciariser » le rôle des policiers municipaux ? Pour Virginie Malochet, certains agents sont réservés, car une extension de leur pouvoir « aurait des conséquences sur leur positionnement professionnel et sur leurs relations avec la population ». Quant aux élus, explique-t-elle, « certains sont réticents, voire hostiles. Ils mettent en avant la libre administration des collectivités territoriales et la préservation du lien de proximité ». Car, qui dit davantage de prérogatives judiciaires, dit plus de procédures à traiter et donc moins de disponibilité sur le terrain.
Sans compter que chaque police municipale a sa propre personnalité, liée au maire. Il y a une grande disparité (type de commune, de délits…) et seules 4 000 collectivités en ont une — 80 % n’en ont pas. Il faut laisser chaque maire juge de l’évolution de sa police municipale, selon Frédéric Masquelier, maire de Saint-Raphaël (Var, 36 548 habitants), co-président de la commission sécurité et prévention de la délinquance de l’AMF. Le bureau de l’association d’élus s’est exprimé en ce sens récemment. De plus, il ne faut pas que la réforme entraîne un transfert de charges nouvelles, comme le narcotrafic qui n’est une question qui, a priori, ne relève pas du tout de la police municipale. Celle-ci risque de se retrouver avec un rôle supplétif de ce que la police nationale ne veut pas faire. Les communes qui font l’effort de faire évoluer leur service de police municipale ne devront pas, par voie incidente, être pénalisés en étant dotées de moins d’effectifs de gendarmerie ou de police nationale.
« Nous ne sommes pas très favorables à la judiciarisation », a confirmé Jean-Paul Jeandon. Les policiers municipaux qui devront faire des rapports au parquet ne seront plus sur le terrain. Mais pour autant, il faudrait améliorer l’interaction entre la police nationale et la police municipale. Ainsi, l’AMF demande depuis plusieurs années en vain à connaître les effectifs et les moyens que l’État met à disposition des élus. Indispensable, si l’on veut mieux coordonner les polices municipale et nationale. Car sinon, comment savoir quels moyens le maire peut mettre en face ?
Et quid d’intercommunaliser la police ? Cela supposerait une doctrine d’emploi partagée par les différentes communes, selon Virginie Malochet. Sans compter que le territoire n’est pas pris en compte pour l’affectation des effectifs de police nationale, a précisé Jean-Paul Jeandon : à Cergy, pour un territoire équivalent à celui de Paris, une voiture de police nationale seulement fait des rondes la nuit. Pour lui, il faudrait au contraire dépénaliser certaines infractions pour éviter la judiciarisation.
Martine Courgnaud – Del Ry