La volonté d’encadrer l’installation des médecins afin d’enrayer la problématique de la désertification médicale a été maintes fois débattue au sein du Parlement. Dernier texte en date déposé en décembre 2024 sur le bureau de l’Assemblée nationale : la proposition de loi transpartisane du député socialiste Guillaume Garot, contre les déserts médicaux. Elle prévoit justement une régulation de l’installation des médecins avec un fléchage des généralistes et autres spécialistes vers les zones où l’offre de soins est insuffisante. Mais les principaux concernés refusent depuis autant de temps cette régulation. Pour répondre à cette proposition, un quatuor représentatif de la profession composé de la Conférence des doyens de médecine (CDD), du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), de l’InterSyndicale nationale des Internes (ISNI) et de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) a dégainé une contre-proposition : la création du statut d’assistant territorial, qui permettrait de repeupler les territoires sous-dotés en médecins.
Quel modèle pour l’assistant territorial ?
Accessible sur la base du volontariat pour une durée d’un à deux ans, cette fonction serait articulée avec la fin de l’internat, pour permettre un continuum avec la phase de « docteur junior » (phase d’autonomisation progressive des étudiants à la fin de leur internat). Elle s’adresserait donc à des médecins ayant fini leur formation (thèse et diplôme de DES validés), qui ne nécessiteraient pas d’encadrement et qui pourraient faire ce choix en lieu et place du remplacement, prisé par les jeunes praticiens.
Les porteurs du dispositif insistent pour que l’assistanat territorial concerne la grande majorité des disciplines médicales, car toutes sont impactées par des difficultés d’accès aux soins. Il doit également se construire dans le cadre d’un contrat « gagnant – gagnant » entre les jeunes médecins concernés avec des mesures d’accompagnement à négocier avec les collectivités territoriales : facilités de transport, soutien aux jeunes parents (garde des enfants, scolarisation), accompagnement du médecin et de sa famille (accès aux infrastructures de loisirs, culturelles et sportives, facilité de logement, mise à disposition de l’outil de travail, aide à l’installation, guichet unique départemental d’accompagnement à l’installation…).
Quels sont les avantages de cette mesure ?
Ce statut présenterait l’avantage d’ouvrir la porte au recrutement de futurs maîtres de stage universitaires (MSU) pour encadrer la phase de « docteur junior » ambulatoire, en zone sous-dense, les assistants territoriaux ayant vocation à devenir des MSU.
Ce dispositif pourrait aussi encourager l’installation pérenne des médecins sur le territoire puisque, d’après une étude de l’Insee parue en novembre 2024, les médecins généralistes s’installent le plus souvent à proximité de leur lieu de naissance ou d’internat.
Les promotions d’internes étant déjà supérieures à 8 000 par an et estimées à 10 500 par an à partir de 2026, l’impact de cet assistanat sur l’accès aux soins peut être rapide, s’il est attractif.
Deux modèles incitatifs à déployer
Pour le rendre attirant justement, les quatre organisations ont pensé à des mesures incitatives. Pour les médecins souhaitant s’installer en libéral, l’assistanat territorial donnerait accès à des droits comparables à ceux des assistants hospitaliers dès la fin de la première année effectuée. Ces médecins devraient pouvoir bénéficier du contrat de début d’exercice. Pour ceux qui souhaiteraient prolonger sur une deuxième année, cela leur donnerait le droit au titre d’« ancien assistant », à une prime d’exercice territorial et là aussi, à la possibilité de continuer à bénéficier de l’accès au contrat de début d’exercice pendant cette deuxième année.
Pour les médecins préférant un exercice hospitalier, la réalisation de cet assistanat en milieu hospitalier sous-dense leur donnerait la possibilité d’entrer dans la carrière de praticien hospitalier (PH), avec un échelon supérieur à ceux ne l’ayant pas fait (troisième échelon pour la première année et quatrième échelon pour la deuxième année). Le titre d’ancien assistant et la prime d’exercice territorial devraient également leur être accordés et l’ancienneté acquise devrait être prise en compte pour leur retraite.
Un point d’attention : les chefs de clinique-assistants des hôpitaux (CCU-AH) devraient toutefois bénéficier des mêmes avantages que les assistants territoriaux afin de maintenir l’attractivité des carrières hospitalo-universitaires.
Reste à connaître la suite qui va être donnée à cette proposition, en sachant que le ministre chargé de la Santé et de l’accès aux soins, Yannick Neuder, en a été informé par les principaux concernés.
Laure Martin