« Le gouvernement doit mettre un terme à la fermeture de lits d’hospitalisation à temps complet dans le secteur public, et engager une politique volontariste de réouverture dans certains territoires », écrivent les deux députées dans ce rapport publié mercredi 11 décembre 2024, après avoir été voté à l’unanimité par la commission des Affaires sociales.
Les deux députées ambitionnent de soumettre une proposition de loi au cours du premier semestre 2025 pour mettre en application certaines des mesures qu’elles recommandent, ont-elles indiqué lors d’une conférence de presse à l’Assemblée.
Parmi les signes de dégradation de la santé mentale des Français, le rapport cite par exemple la prévalence des épisodes dépressifs chez les 18-24 ans : 20,8 % contre 11,7 % il y a 4 ans. Il rappelle également que les hospitalisations liées aux gestes auto-infligés (tentatives de suicide et auto-agressions) chez les femmes de 10 à 19 ans ont plus que doublé depuis 2020. « Il y a eu une aggravation très nette depuis le Covid, qui a été une amplification » de phénomènes déjà existants, a indiqué Sandrine Rousseau.
Mais le système de santé n’arrive pas à suivre : « la part des nouveaux patients pris en charge par le système de soins psychiatrique s’érode tendanciellement, avec une baisse de 8 % entre 2019 et 2023 », alors même que « le recours aux urgences pour motif psychiatrique augmente », explique le rapport.
« Sous contention pendant 10 ou 15 jours »
Il y a des services d’urgences « où nous avons vu des personnes sous contention (immobilisation physique ou chimique) pendant 10 ou 15 jours, faute de pouvoir trouver un lit d’aval », a souligné Mme Dubré-Chirat. « On ne peut pas accepter d’avoir ce délai-là, ni pour les patients, ni pour les soignants », a-t-elle ajouté.
Au total, selon les deux députées, « le système de soins psychiatriques français a connu une perte nette de 7 000 places de temps complet » entre 2008 et 2022 (58 568 places restantes à cette date). Et cette baisse a porté exclusivement sur le service public (qui, avec le privé non lucratif, a perdu 10 383 places), alors que le secteur privé lucratif à l’inverse a connu une croissance de 3 664 places sur la période.
Le privé a été attiré notamment par « une rentabilité proche de 9 % » sur ces activités, mais il se concentre surtout sur les « troubles dépressifs sévères », et laisse aux hôpitaux publics « toute la psychiatrie d’urgence, la psychiatrie lourde », a souligné Mme Dubré-Chirat.
Dans leur rapport, les deux députées demandent notamment que le secteur privé soit astreint à des obligations en termes de permanence des soins (gardes en nuit, week-end et jours fériés). Elles réclament également l’instauration d’un « quota de lits de service public » dans les établissements privés, « destinés à l’accueil des patients requérant une hospitalisation à l’issue de leur passage aux urgences ».
D’une manière générale, les carences du système de santé entraînent des « phénomènes d’éviction » des soins, pointent les deux députées, qui relèvent en particulier la situation « sinistrée » de la pédopsychiatrie.
« En 2023, 123 enfants de moins de 15 ans s’étant présentés aux urgences du CHU de Nantes pour des idées suicidaires ou une tentative de suicide n’ont pu être hospitalisés et ont dû retourner sans soins à leur domicile, alors même que la pédopsychiatre qui les avait évalués énonçait une indication formelle d’hospitalisation », indiquent les deux députées.
Parmi ses recommandations, le rapport demande également le renforcement des centres médico-psychologiques (le premier niveau de soin avec les psychiatres libéraux), une meilleure formation des médecins généralistes, ou la création de lits d’hospitalisation de courte durée dans les services d’urgences adaptés à la psychiatrie.
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