CNRACL : augmentation massive des cotisations employeurs des collectivités pour 2025

Publié le 3 février 2025 à 9h00 - par

Le gouvernement a publié, vendredi 31 janvier 2025 au JO, le décret n° 2025-86 du 30 janvier 2025, instaurant une augmentation progressive et significative du taux de cotisation vieillesse des employeurs affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Le décret fixe le taux de la cotisation d’assurance vieillesse applicable aux rémunérations versées aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers à 34,36 % en 2025, contre 31,65 % en 2024. Il doit augmenter progressivement les années suivantes pour atteindre 43,65 % en 2028.

CNRACL : augmentation massive des cotisations employeurs des collectivités pour 2025
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Cette réforme, appliquée par voie réglementaire sans attendre le projet de loi de finances pour 2025, a été justifiée par le gouvernement comme une nécessité pour éviter un retard dans la mise en œuvre des ajustements financiers indispensables à la pérennité du régime. En contournant le débat parlementaire, l’exécutif entend accélérer le redressement des comptes de la CNRACL, bien que cette approche soulève des critiques sur le manque de concertation avec les collectivités locales.

Un contexte budgétaire tendu qui justifie pour l’État l’augmentation progressive du taux employeur

La situation financière de la CNRACL s’est fortement détériorée ces dernières années, en raison du déséquilibre démographique et de la baisse du nombre de cotisants actifs par rapport aux retraités. La CNRACL assure la couverture de base et complémentaire des agents de la fonction publique territoriale et hospitalière (1,3 million de retraités), pour un total de 26 milliards d’euros de prestations versées en 2023. Mais ses 2,2 millions de cotisants n’ont permis la même année que 24,4 milliards d’euros de recettes. La caisse reverse aussi de l’argent à d’autres régimes en difficulté, en vertu d’un mécanisme de « compensation » des « déséquilibres démographiques ». Son déficit a atteint 2,5 milliards d’euros en 2023. Et le ratio entre le nombre de retraités et de cotisants sera de plus en plus défavorable dans les années à venir. En réponse, l’État a choisi d’augmenter la contribution des employeurs publics plutôt que de compenser le déficit par une prise en charge budgétaire directe. Cette mesure vise à générer des économies significatives pour l’État, qui ne sera pas contraint d’injecter des fonds supplémentaires pour renflouer le régime. Selon les premières estimations, l’impact budgétaire total de cette mesure pour les collectivités atteindra 1,2 milliard d’euros cumulés, ce qui équivaut, par exemple, pour une ville de 50 000 habitants, à une charge supplémentaire de plusieurs centaines de milliers d’euros par an, selon la masse salariale des agents concernés. Une somme qui ne sera donc pas à la charge de l’État.

Ainsi, le décret n° 2025-86 du 30 janvier 2025 prévoit une hausse progressive du taux de contribution employeur de la manière suivante : au 1er janvier 2025, passage de 31,65 % à 34,65 % ; au 1er janvier 2026, passage de 34,65 % à 37,65 % ; au 1er janvier 2027, passage de 37,65 % à 40,65 % ; au 1er janvier 2028 passage de 40,65 % à 43,65 %. Cette augmentation de trois points par an sur une période de quatre ans représente un choc budgétaire considérable pour les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers, comparable à d’autres réformes récentes du financement des retraites dans la fonction publique, comme l’augmentation progressive des taux de cotisation appliquée aux régimes complémentaires ou la réforme des retraites de 2023 qui avait déjà contraint les budgets locaux.

Un impact massif sur les budgets des collectivités locales, doublé d’interrogations sur l’avenir de la CNRACL

Pour les collectivités locales, cette hausse représente une charge financière nouvelle qui pèsera lourdement sur leurs budgets déjà contraints. Avec des dépenses croissantes dans le domaine médico-social et l’attribution des allocations individuelles de solidarité (AIS), les départements sont particulièrement touchés par cette réforme. L’Association des Départements de France (ADF) dénonce une « injustice historique », rappelant que la CNRACL a contribué à hauteur de 80 milliards d’euros au financement d’autres régimes déficitaires pendant quarante ans. Aujourd’hui, alors que son propre équilibre financier est menacé, aucune compensation n’est prévue par l’État.

Des associations d’élus dénoncent la hausse des cotisations CNRACL pour les collectivités

Pour sa part, Intercommunalités de France a dénoncé « une nouvelle déstabilisation budgétaire pour nos collectivités ». L’association d’élus « rappelle son opposition ferme à cette augmentation qui pèsera 200 millions d’euros pour les seules intercommunalités » et demande « une remise à plat du système ».

L’Association des Maires de France (AMF) partage cette inquiétude et critique une « fuite en avant ». Selon elle, l’augmentation des cotisations employeurs ne suffira pas à rétablir l’équilibre de la CNRACL si elle ne s’accompagne pas de réformes structurelles. Les collectivités locales craignent de devoir compenser ce surcoût par une réduction de leurs investissements ou une augmentation des impôts locaux, ce qui pourrait fragiliser le développement des territoires.

Au-delà de l’impact immédiat sur les finances locales, cette réforme soulève des questions sur la pérennité du régime de retraite des agents territoriaux et hospitaliers. Sans une refonte en profondeur du système, notamment en termes d’élargissement de l’assiette de cotisation ou d’augmentation de l’âge de départ à la retraite, la viabilité financière de la CNRACL reste incertaine. Parmi les réformes envisageables figurent l’intégration d’autres catégories de travailleurs au régime, une modulation des cotisations en fonction de la pénibilité des emplois ou encore une meilleure gestion des réserves financières. Toutefois, ces solutions se heurtent à des résistances politiques et sociales, rendant leur mise en œuvre complexe et retardant les décisions nécessaires. En optant pour une hausse brutale des cotisations des employeurs publics, le gouvernement impose aux collectivités un effort budgétaire sans précédent, sans apporter de solutions durables. Face à cette situation, les associations d’élus demandent un véritable débat sur l’avenir du régime, qui ne peut se limiter à une simple augmentation des contributions locales. L’application du décret n° 2025-86 sans concertation approfondie avec les collectivités locales accentue les tensions entre l’État et les élus locaux. Si cette mesure permet à court terme de réduire le déficit de la CNRACL, son impact sur les finances territoriales risque d’être considérable. La question centrale demeure : cette augmentation des cotisations est-elle une solution viable ou simplement un report du problème à plus tard ?


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