Portraits d'acteurs

Frédérique Lancestremere

Frédérique Lancestremere

DRH de la Ville de Paris

« Le travail n'est plus un déterminant social mais un moyen de subvenir à ses besoins. Et cela incite la DRH que je suis à se réinventer totalement pour donner un nouveau sens au travail, en termes d'attractivité, de fidélisation mais aussi d'organisation quotidienne. »

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Frédérique Lancestremere : Je suis actuellement DRH de la Ville de Paris où 53 000 agents œuvrent au quotidien pour les Parisiens et tous ceux qui traversent Paris, pour la découvrir et pour y travailler.

J'ai découvert l'administration en tant que partenaire, quand j'étais responsable d'une association de médiation multimédia à Marseille, qui proposait des actions pour des publics éloignés des outils de communication. J'ai alors profité de l'ascenseur social que représente le 3e concours de l'ENA (INSP aujourd'hui), capitalisant alors sur mes années antérieures comme responsable associative dans le domaine de l'insertion des jeunes. Arrivée dans l'administration à 35 ans, j'ai choisi très volontairement de faire des RH, pour exploiter les acquis de mes études de droit, participer à toutes les politiques publiques déployées par mon employeur et surtout développer une politique RH riche de sens.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Frédérique Lancestremere : Adaptation, ouverture et équité.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Frédérique Lancestremere : Le calme, la bonne distance et la maîtrise du temps. Ne jamais devenir la caricature de soi-même !

Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Frédérique Lancestremere : Quand on est DRH, il faut garder ses chakras bien ouverts, du matin au soir. Ce qui nous fait nous lever le matin (et aller au bureau), c'est que l'on sait que la journée ne va pas se passer comme prévu et que cela va nécessiter qu'on s'ajuste pour être présent là où on doit l'être. Donc c'est l'envie d'être là où l'action se passe, en étant pertinent, en étant responsable de l'action RH pour qu'elle ne soit « ni trop ni trop peu ».

Quel est le projet qui vous a le plus marquée et dont vous êtes la plus fière ?

Frédérique Lancestremere : Je crois que je vais en évoquer deux :

Le premier est transverse à toutes mes années en tant que DRH : toujours considérer « les petits sujets », c'est-à-dire ne pas déléguer systématiquement les sujets individuels et toujours garder la porte ouverte pour que je puisse échanger avec tout le monde.

Le second est surement la création de la Mission Management. Avec 6 000 encadrants, Paris a un réseau incroyable de managers qui assument au quotidien des taches d'encadrement, sans généralement de formation initiale en la matière. Créer une structure dédiée au management, c'est déjà affirmer pour tous, quelle que soit sa place dans l'organigramme, qu'il est indispensable de s'interroger sur sa pratique, de se questionner et de s'ouvrir, tant le sujet est inépuisable et objet d'innovations importantes. Avec une équipe incroyable, on a construit des outils mais surtout des espaces de travail et de coconstruction pour autoriser, s'autoriser et trouver du plaisir dans la pratique managériale.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Frédérique Lancestremere : J'avoue qu'avec les Jeux olympiques, j'en ai réalisé beaucoup d'un coup : montrer au monde entier la beauté de la Ville mais surtout le talent de ceux qui y contribuent au quotidien est un vrai rêve éveillé de DRH.

Mais aujourd'hui, mon ambition est la création d'un lieu entièrement dédié à la formation et à la transition professionnelle pour accompagner tous ceux qui veulent changer de métier et qui ont besoin d'un accompagnement pour le faire. Je rêve d'un lieu totalement inclusif, intégrant toutes les formes de handicap dès sa conception, avec des informations facilement accessibles pour tous (et non un jargon techno incompréhensible qui décourage), des parcours personnalisés et pas par un chatbot mais avec une relation qui prend en compte les spécificités de chacun et l'allongement des carrières.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marquée dans votre carrière ?

Frédérique Lancestremere : J'ai envie de dire que ce sont celles que je n'ai pas encore faites et qui me motivent à aller vers des chemins de traverse. Mais si je regarde en arrière, je dirais :

  • Mes parents et mes grands-parents pour leur confiance dans les autres.
  • Poupette dans La Boum pour l'importance de bien choisir le moment quand on veut demander quelque chose d'important (désolée, c'est une référence pour les quinquagénaires).
  • Jean-Paul Belmondo dans Itinéraire d'un enfant gâté pour la façon de dire bonjour et de ne pas avoir l'air surpris.
  • Mes différents chefs dont la générosité n'avait d'égal que le talent (ils se reconnaitront).

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Frédérique Lancestremere : « Ce n'est pas en tournant le dos aux choses qu'on leur fait face » Pierre Dac. Parce que, de manière générale mais c'est particulièrement vrai en RH, si on ne traite pas les sujets, ils ne disparaissent pas tout seuls !

Quelle est votre routine quotidienne pour prendre soin de vous ?

Frédérique Lancestremere : Rire des petites choses, écouter de la variété sur laquelle je fredonne (ou je chante mais uniquement si je suis seule), isoler 5 minutes qui sont juste pour moi.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Frédérique Lancestremere : J'ai un peu de mal à répondre à la question parce que je n'ai jamais vu ma vie professionnelle comme une carrière. C'est plutôt un cheminement plein de rencontres et d'opportunité qui ont fait ma vie professionnelle.

Le changement le plus récent et le plus impactant est celui du rapport au travail, catalysé certainement par la crise Covid. Les mouvements de balancier sur la place du travail sont légion : on a mis des siècles à faire sortir le travail du domicile (exploitation agricole ou commerce) avec le déplacement des ouvriers vers les usines et on le fait revenir avec le télétravail. Mais le changement le plus notable est que le travail n'est plus un déterminant social mais un moyen de subvenir à ses besoins. Et cela incite la DRH que je suis à se réinventer totalement pour donner un nouveau sens au travail, en termes d'attractivité, de fidélisation mais aussi d'organisation quotidienne pour que les salariés se disent qu'ils ont plus que de l'argent à gagner quand ils viennent travailler.

 

Propos recueillis par Hugues Perinel

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