Portraits d'acteurs

Claude Beaufils

Claude Beaufils

Référent déontologue

« J'ai l'immense privilège grâce aux fonctions que j'exerce aujourd'hui de réaliser une sorte de synthèse de ma vie professionnelle et personnelle, en lien avec les valeurs humanistes et républicaines qui sont miennes. »

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Claude Beaufils : Ma formation universitaire a toujours été orientée vers le Service public. Diplômé en Science politique : DESS évaluation des politiques publiques IEP Grenoble ; et en finances publiques : Master Management des organisations publiques Sup De Co Bordeaux, j'ai intégré la fonction publique il y a maintenant bien longtemps... La décentralisation n'existait pas encore.

Ma carrière publique pourrait se résumer par la règle des trois tiers. Tout d'abord, 1/3 de fonction publique d'État (Inspection du travail), puis 1/3 de territoriale (je suis Administrateur général - j'ai connu toutes les strates : commune, département, région), et enfin le dernier tiers comme Magistrat en Chambre régionale des Comptes (CRC Toulouse et Montpellier). Une mobilité technique et géographique réelle et sérieuse puisque dans ce voyage en fonction publique, j'ai déménagé 12 fois. J'ai bénéficié de la retraite à compter de 2017 : la loi de 2016 relative à la déontologie venait d'être votée. Le décret d'application invitait les collectivités a recruté des magistrats à la retraite. Je fus rapidement contacté par un Centre de gestion, puis deux, puis d'autres... et aujourd'hui j'interviens pour la quasi-totalité des CDG d'Occitanie et pour le Conseil départemental des Bouches du Rhône sur des missions de déontologie, laïcité, et alerte. J'ai aussi signé de nombreuses conventions au titre de Déontologue des élus.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Claude Beaufils : Super car j'ai aujourd'hui une retraite active avec un métier nouveau à développer. Enrichissant car je reste au contact du réel et de la chose publique. Utile car je conseille, explique, et démine les risques juridiques des agents, des organisations et des élus.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Claude Beaufils : L'intérêt général, la justice, l'expérience. J'ai l'immense privilège grâce aux fonctions que j'exerce aujourd'hui de réaliser une sorte de synthèse de ma vie professionnelle et personnelle, en lien avec les valeurs humanistes et républicaines qui sont miennes. Les qualités inhérentes à cette fonction nouvelle seraient donc le respect des Institutions de la République. Bien sûr, l'esprit d'analyse, la lucidité, l'expertise, l'anticipation, l'affirmation de la décision pour la justice. Mon activité actuelle puise bien évidement dans le terreau fertile de mon expérience professionnelle, particulièrement celle que m'a apporté le poste de Magistrat CRC - Analyse et connaissances juridiques - mais aussi savoir général et statutaire sur la fonction publique territoriale.

Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Claude Beaufils : Le sentiment d'être un acteur du changement en diffusant cette culture de la déontologie, qui est celle des droits et des devoirs, donc celle des règles pour vivre en démocratie. Le fait d'être sollicité et écouté lors de mes avis, et de mes conseils, qui deviennent des repères dans une société déboussolée, est un véritable plaisir pour débuter la journée car je participe ainsi, un peu à l'intérêt général et à l'amélioration du vivre ensemble.

Quel est le projet qui vous a le plus marqué ou dont vous parleriez avec fierté ?

Claude Beaufils : D'abord une réponse générale, ne jamais abandonner, rester volontaire et avancer. J'aime bien cette citation de Jaurès « il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l'avenir ». La vie n'est pas binaire, il y a donc des victoires, il y a des défaites. Le principal c'est d'assurer et de poursuivre la construction.

Le projet qui m'a le plus marqué et dont je parle avec fierté est de participer en qualité de Chargé de cours à la Faculté de Droit et de Science politique de Montpellier à la formation des étudiants de Master 2 grâce au module Déontologie publique que j'anime. Au-delà du fait d'être aux côtés de la jeunesse triomphante, ma mission de diffusion de la culture de déontologie est là une réussite.

Sur un plan plus personnel, ma grande victoire, est d'avoir combattu et gagné contre le déterminisme social, accompagné par Pierre Bourdieu.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Claude Beaufils : Mettre en pratique l'expérience acquise, présenter cette sagesse polie au fil du temps, devenir « le Sage de service », et montrer ce qu'il possible d'apprendre encore, de briser les écrans (symboliquement) et de s'émanciper par l'entendement cher à Kant.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?

Claude Beaufils : Dans un parcours entièrement consacré à la chose publique, les rencontres furent nombreuses, toutes ne furent pas remarquables, certaines ne furent que des croisements imposés... Mais il y a eu de beaux rendez-vous. Il y a eu d'abord mon prof de troisième ; il m'a sauvé de l'orientation programmée... Et il y a eu la Fac et un très grand Monsieur Gérard Martin, je lui dois tant...

Et puis, il y a eu la petite Marie, devenue grande avec qui nous avons cheminé aux gré de mutations, et bien sûr mes deux filles libres, émancipées, dynamiques...

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Claude Beaufils : « C'est une belle harmonie quand le faire et le dire vont ensemble » de Montaigne, car aujourd'hui c'est bien le contraire que manifeste l'homoconsommatus animal dépensant ; il dit mais ne fait pas, ou plutôt laisse à d'autres le faire. Le respect des valeurs républicaines dont j'ai abondement parlé mérite cette harmonie pour que le vivre ensemble soit enfin installé.

Quelle est votre routine quotidienne pour prendre soin de vous ?

Claude Beaufils : Je prends le risque de choquer, mais j'aime faire le pas de côté ; pour prendre soin de moi, je cultive l'égoïsme et non l'égotisme pour être bien soi même et mieux aller vers l'autre... Être bien pour porter le bien nécessite pour moi un passage égoïste afin d'être disponible et à l'aise dans la relation à autrui.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Claude Beaufils : La naissance de mes deux filles : elles m'invitent à comprendre et à critiquer le monde dans lequel elles vont vivre.

Le bonheur d'avoir œuvré dans cette belle institution Républicaine qu'est la Cour des comptes et ainsi de participer à la défense de l'intérêt général.

 

Propos recueillis par Hugues Perinel

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