Réunie le mercredi 19 mars 2025, la Commission des affaires sociales du Sénat a adopté à l’unanimité le rapport d’information intitulé « Pour un contrôle des crèches au service de la qualité de l’accueil des enfants ». Présenté par Laurence Muller-Bronn, sénatrice (LR) du Bas-Rhin, Olivier Henno, sénateur (UC) du Nord, Émilienne Poumirol, sénatrice (SER) de la Haute-Garonne, celui-ci contient 15 recommandations destinées à améliorer l’efficacité des contrôles au service de la qualité de l’accueil et du bien-être des enfants.
Depuis plusieurs années, la multiplication des scandales au sein des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) « oblige les pouvoirs publics à agir », insistent les trois rapporteurs. « Il n’est pas acceptable de laisser perdurer des dysfonctionnements, parfois significatifs, faute de contrôles adéquats. Il ne l’est pas davantage que de l’argent public puisse être employé à des fins autres que l’amélioration du bien-être des enfants. » La Commission des affaires sociales du Sénat a donc enquêté sur les différents modes de contrôle, les moyens mis à disposition des pouvoirs publics et sur l’efficacité de ce contrôle. À l’issue de ses travaux, celle-ci fait état de fortes disparités territoriales dans le contrôle des établissements, d’un défaut de pilotage et de supervision à plusieurs niveaux et d’un contrôle encore trop « hygiéniste » et administratif, ne laissant que trop peu de place à l’accompagnement et au conseil des professionnels de la petite enfance.
Le rapport pointe des faiblesses dans l’exercice des contrôles, effectués par de multiples acteurs. De même, les trois parlementaires soulignent le sous-dimensionnement des professionnels chargés du contrôle des EAJE. Exemple : 167 équivalents temps plein (ETP) sont mobilisés par les CAF pour réaliser les contrôles des 13 000 établissements d’accueil collectif financés par la PSU sur le territoire. Résultat : en 2023, les CAF ont contrôlé 2 241 établissements, soit un peu plus de 17 % d’entre eux. Autre exemple : le contrôle du respect des normes par les services de la protection maternelle et infantile (PMI) souffre de trop grandes disparités entre les départements. Enfin, « malgré tout l’engagement des agents dans les services déconcentrés, force est de constater que les agents de l’État ne disposent pas des moyens nécessaires à l’établissement de leurs missions de contrôle », déplorent les trois rapporteurs.
Par ailleurs, le rapport dénonce un contrôle encore trop parcellaire, qui ne participe pas assez de l’amélioration de la qualité de l’accueil des enfants. Selon ses rédacteurs, il convient donc de passer d’un contrôle centré sur l’hygiène et la sécurité à un accompagnement et une évaluation de la qualité de l’accueil. À cet effet, il faut encourager une distinction claire entre les agents chargés des contrôles, notamment des contrôles inopinés ou à la suite de signalements, et les agents en charge de l’accompagnement des équipes et de l’évaluation de la qualité de l’accueil. De même, face à un roulement de personnel très important et à des difficultés de recrutement majeures, les sénateurs recommandent de renforcer le contrôle et la formation des professionnels au contact des enfants pour mieux repérer les situations dysfonctionnelles.
Au final, le rapport appelle à « instaurer une véritable culture de l’évaluation auprès de tous les acteurs. » Voici ses principales recommandations :
- Créer une plateforme nationale d’échanges d’informations entre les services de PMI, afin d’améliorer le partage des compétences, l’harmonisation des pratiques et l’identification des situations ou des structures à risques.
- Établir une véritable grille opposable d’évaluation nationale, afin de garantir un niveau de contrôle comparable partout sur le territoire et éviter les « surtranspositions » des normes.
- Permettre aux départements de déléguer, dans le cadre d’une contractualisation avec les organismes débiteurs de prestations familiales, le contrôle du respect des normes du référentiel bâtimentaire à des organismes tiers certifiés.
- Permettre à des organismes tiers certifiés de procéder aux évaluations quinquennales prévues par l’article L. 2324-2-4 du Code de la santé publique (CSP).
- Donner à la Cour des comptes le pouvoir de contrôler les groupes privés de crèche, sur le modèle des prérogatives dont elle dispose concernant les ESSMS.
- Habiliter les agents de la DGCCRF à contrôler les dispositions du CSP relatives aux obligations d’informations précontractuelles et contractuelles.
- Permettre aux contrôleurs en action sociale des CAF de qualifier directement de frauduleux les comportements constatés et de bénéficier d’une assermentation dans le cadre de leurs contrôles.
- Publier, sous une forme visuellement identifiable, les résultats des contrôles et la date du dernier contrôle effectué sur une plateforme accessible en ligne.
- Mettre en place une procédure normalisée de déclaration d’événements indésirables graves (EIG), à l’instar de celle existante pour les établissements sociaux et médico-sociaux.
Enfin, si, dans le cadre de leur mission, les rapporteurs se sont limités à l’effectivité du contrôle des crèches, ils soulignent que « l’amélioration de l’accueil ne pourra pas faire l’économie d’une amélioration concrète des conditions de travail des professionnels de la petite enfance et d’actions en vue du renforcement des taux d’encadrement des enfants, ainsi que d’une révision du mode de financement de l’accueil des jeunes enfants. »