La construction d’un équipement doit être en adéquation avec la capacité de la collectivité
En l’espèce, pour la construction d’une salle de loisirs, un titulaire d’un marché demandait l’indemnisation des frais qu’il avait engagés dans le cadre du marché conclu au titre du marché, ainsi que les bénéfices dont il a été privé du fait de la nullité du contrat conclu avec cette commune pour cette construction. Par un jugement, le tribunal administratif de Nantes avait prononcé l’annulation des marchés relatifs aux seize lots de l’opération de construction de l’ensemble immobilier à usage de salle de loisirs, bibliothèque et salle de réunion, en retenant que ces contrats avaient méconnu l’article L. 2111-1 du Code de la commande publique dès lors que la commune avait commis une erreur manifeste dans l’appréciation de ses besoins. Le jugement retenait que le projet n’était pas en adéquation avec les capacités financières de la commune et que les proportions du projet, consistant dans la construction d’un complexe de 1 000 m2, n’étaient pas en rapport avec les besoins réels de la commune dès lors qu’un tel équipement ne présentait pas un caractère indispensable pour le service public communal. Ce manquement constitue une faute de nature à engager la responsabilité quasi-délictuelle de la commune.
Une indemnisation du préjudice en cas de lien de causalité entre l’irrégularité tenant en des manquements aux règles de passation et le préjudice invoqué par l’attributaire
Lorsque le juge administratif prononce l’annulation d’un contrat en raison de vices entachant sa validité, cette circonstance n’implique pas, par elle-même, une absence de droit à indemnisation au bénéfice du cocontractant. Ce droit à indemnisation s’apprécie, conformément aux principes du droit des contrats administratifs, au regard des motifs de la décision juridictionnelle et, le cas échéant, des stipulations contractuelles applicables. Si l’irrégularité du contrat résulte d’une faute de l’administration, le cocontractant peut, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration. Saisi d’une demande d’indemnité sur ce fondement, il appartient au juge d’apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s’il existe un lien de causalité direct entre la faute de l’administration et le préjudice. Le lien de causalité entre l’irrégularité du contrat tenant en des manquements aux règles de passation commis par le pouvoir adjudicateur et le préjudice invoqué par l’attributaire résultant de l’annulation du contrat ne peut être regardé comme direct lorsque les manquements en cause ont eu une incidence déterminante sur l’attribution du contrat.
Toutefois, l’irrégularité commise par la commune, qui a justifié l’annulation du contrat a, compte-tenu de son objet et de son importance, eu une incidence déterminante sur l’attribution du contrat à la société attributaire dans le cadre de la procédure adaptée qui a été suivie pour la passation de ce marché. Dans ces conditions, dès lors qu’il résulte de l’instruction que le marché n’aurait pas été conclu en l’absence de l’illégalité commise, le lien entre la faute de la commune et le manque à gagner dont cette société entend obtenir réparation ne peut être regardé comme direct.
En conséquence, la commune est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif l’a condamnée à indemniser la société titulaire d’une somme au titre de l’indemnisation du bénéfice dont elle a été privée du fait de la nullité du contrat conclu avec la commune.
Dominique Niay
Texte de référence : CAA de Nantes, 4e chambre, 31 mai 2024, n° 23NT00365, Inédit au recueil Lebon