Mesurer la présence des femmes aux postes de direction des collectivités locales et établissements publics n’avait rien d’évident. Face à des données rares et dispersées, l’Observatoire de la parité de Dirigeantes & Territoires (D&T) a dû structurer leur collecte. Ce défi a été relevé avec l’appui du mécénat de compétence de Relyens et des partenariats avec les réseaux d’élus et la Direction générale des collectivités locales (DGCL).
Les chiffres sont clairs : les inégalités perdurent
93,75 % des présidents et directeurs généraux du CAC 40 et 95,65 % des Premiers ministres sous la Ve République sont des hommes selon ces chiffres de 2024. Ils illustrent un constat général : plus l’on monte dans les postes à responsabilité, plus les femmes disparaissent (Source Cour des comptes 2025).
« L’enjeu de la parité n’est pas d’inverser les chiffres, mais d’atteindre l’égalité réelle », a rappelé Dayana Chamoun-Fievée, présidente de D&T en ouverture de la soirée.
Postes de direction : où sont les femmes ?
Si, depuis 2019, les femmes représentent 50 % des cadres dans la fonction publique territoriale (Source Insee Focus n° 205), en 2021, elles sont à peine 24 % à être directrices générales des services (DGS) de collectivités de plus de 40 000 habitants.
Ce chiffre varie selon la taille et le type de collectivités. Depuis 2021, et selon les chiffres 2025 à paraître de la Direction interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État, le nombre de femmes DGS dans les départements stagne. Il est passé de 12,3 % à 12,9 %. Il progresse dans les établissements publics de coopération intercommunale, de 22 % à 23,7 %, ainsi que dans les régions, où il atteint 35,3 % en 2025 (31,2 % en 2021). Pour l’échelon communal, les situations sont très diverses, mais la tendance générale est révélatrice : plus la taille de la commune est petite, plus on trouve des DGS femmes.
L’impact sur la parité du dispositif des nominations équilibrées (DNE) est donc à suivre de près pour les postes de direction. Car en l’état, l’égalité dans la direction des territoires prendra 66 ans, selon l’équipe de l’Observatoire…
Les inégalités salariales perdurent
En 2021, et pour les trois versants de la fonction publique, les femmes gagnent en moyenne 16,4 % de moins que leurs homologues masculins. Elles représentent 48 % des 10 % des agents les mieux rémunérés, mais elles gagnent 6,6 % de moins que leurs homologues masculins dans cette catégorie. Elles ne comptent que pour 38 % des 1 % des agents les mieux rétribués, avec un écart salarial de – 6,3 % (Source Insee).
Dans les postes de direction, cet écart atteint 9 % dans la fonction publique hospitalière, 6,9 % dans celle étatique et 10,8 % dans la territoriale qui connaît donc le plus gros écart de rémunérations (778,3 euros nets mensuels) en défaveur des femmes. (Chiffres 2019, source nsee).
Les explications
Plusieurs facteurs expliquent ces inégalités salariales, qui augmentent avec l’âge. Citons notamment :
- La prédominance des femmes dans certains métiers moins rémunérateurs (70 % de femmes pour les 10 % de salaires les moins élevés).
- Le travail à temps partiel, qui concerne davantage les femmes.
- L’accès inégal à la formation continue, au détriment des femmes.
- L’impact de la parentalité. Dominique Meda, professeure de sociologie, a évoqué « le choc de la parentalité » qui affecte fortement les carrières des femmes. Après une naissance, 40 % d’entre elles réduisent leur temps de travail ou changent d’emploi, contre 6 % des hommes. Dès le premier enfant, les mères perçoivent 30 % de moins que les pères (chiffres Insee de 2023).
La parité, un équilibre fragile
Lors de la table ronde, le député Guillaume Gouffier Valente, la vice-présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté Laëtitia Martinez et Dominique Méda ont souligné que la parité, source de diversité, améliore la qualité et l’efficacité des décisions publiques.
Dans un contexte de polarisation du débat et de recul mondial des droits des femmes, les chiffres nous rappellent que l’égalité n’est jamais un acquis, qu’elle se construit laborieusement et se maintient avec beaucoup de vigilance.
Séverine Bellina, Réseau service public
Pour aller plus loin :
- Chiffres-clés : Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes – Édition 2024
- Les inégalités entre les femmes et les hommes, de l’école au marché du travail, Cour des comptes, rapport 2025
- État des lieux du sexisme en France à l’heure de la polarisation, HCE, rapport 2025
- Écart de salaire entre femmes et hommes en 2023, Insee, mars 2025