La prescription de cinq ans du Code civil s’applique aux actions de l’acheteur contre un constructeur
En l’espèce, une chambre d’agriculture avait conclu un marché public portant sur le remplacement de 222 fenêtres d’un immeuble abritant ses bureaux avec une société, laquelle les a commandées à un sous-traitant. Après que les travaux ont été interrompus à la demande de l’acheteur, qui ne les a pas réceptionnés, en raison des nuisances sonores liées au vent imputées par les occupants des locaux aux fenêtres nouvellement posées, le juge des référés du tribunal de grande instance a, à la demande de la société titulaire du marché, ordonné une expertise en vue, notamment, de constater les désordres, d’en rechercher les causes, de préconiser et chiffrer les travaux de reprise et de fournir tous éléments permettant à la juridiction saisie de se prononcer sur les responsabilités encourues. Ultérieurement, la chambre d’agriculture a demandé au tribunal administratif, notamment, de condamner solidairement la société titulaire et son sous-traitant, respectivement sur les fondements contractuel et quasi-délictuel, à lui verser une somme en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis en conséquence de ces désordres.
Selon le Conseil d’État, aux termes de l’article 2224 du Code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Il résulte de ces dispositions, applicables en l’absence de réception des travaux, que la prescription qu’elles instituent court à compter de la manifestation du dommage, c’est-à-dire de la date à laquelle la victime a une connaissance suffisamment certaine de l’étendue du dommage, quand bien même le responsable de celui-ci ne serait à cette date pas encore déterminé. En jugeant, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que c’est à la date de ce constat que la chambre d’agriculture avait eu une connaissance suffisamment certaine de l’étendue du dommage, alors même qu’elle ne savait pas encore que les nuisances sonores relevées dépassaient l’émergence globale définie par l’article R. 1336-7 du Code de la santé publique, et en en déduisant que c’est à cette date qu’avait commencé à courir la prescription instituée par les dispositions de l’article 2224 du Code civil, la Cour administrative d’appel de Nantes n’a pas commis d’erreur de droit.
Le maître d’ouvrage peut rechercher la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n’a pas conclu de contrat de louage d’ouvrage
En outre, il appartient, en principe, au maître d’ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d’un vice imputable à la conception ou à l’exécution d’un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d’ouvrage. Il lui est toutefois loisible, dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée, de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n’a pas conclu de contrat de louage d’ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d’un contrat conclu avec l’un des constructeurs. Le maître d’ouvrage ne saurait cependant rechercher cette dernière responsabilité lorsqu’il a laissé prescrire l’action en responsabilité contractuelle qu’il pouvait exercer contre son ou ses cocontractants. Il s’ensuit qu’en jugeant, après avoir retenu que la chambre d’agriculture s’était abstenue de rechercher la responsabilité du titulaire, constructeur avec lequel elle était liée par un contrat de louage d’ouvrage, avant l’expiration du délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 2224 du Code civil, que l’acheteur ne pouvait plus, pour les mêmes désordres, mettre en cause sur le terrain quasi-délictuel la responsabilité du sous-traitant intervenue sur le fondement d’un contrat conclu avec le constructeur. La Cour administrative d’appel de Nantes n’a pas commis d’erreur de droit.
Dominique Niay
Texte de référence : Conseil d’État, 7e – 2e chambres réunies, 30 décembre 2024, n° 491818