L’Observatoire des inégalités a publié, début décembre 2024, la 4e édition de son « Rapport sur la pauvreté en France ». Tous les deux ans, il dresse un état des lieux complet du sujet, avec les toutes dernières données disponibles. Son verdict est sans appel : année après année, la pauvreté continue d’augmenter. Si la France protège mieux de la misère que nombre d’autres pays, concèdent les auteurs du rapport en s’appuyant sur les données de l’Insee, « la situation s’est dégradée en 20 ans, lentement mais sûrement. » Ainsi, en 2002, 6,6 % de la population était pauvre (le point le plus bas atteint depuis 2000) ; en 2022, la pauvreté frappait 8,1 % de la population, soit 1,5 point de plus en 20 ans. Cette année-là, le nombre de pauvres était donc de 5,1 millions, soit 1,4 million de personnes de plus que 20 ans plus tôt ! « Notre pays ne parvient plus à réduire la proportion de personnes qui vivent bien en dessous du niveau de vie des classes moyennes », commente l’Observatoire des inégalités.
Qui sont les pauvres ? Quels sont les phénomènes qui engendrent la pauvreté ? Le rapport tend à répondre à ces questions. De fait, être au chômage, vivre avec un handicap, subir une séparation, être né ailleurs qu’en France, et surtout avoir un faible niveau de qualification, s’avèrent les principaux critères – qui peuvent se cumuler – exposant à la pauvreté. Ceux-ci touchent fréquemment de jeunes adultes et un grand nombre de familles, donc d’enfants. Toutefois, attention aux représentations les plus répandues de la pauvreté, préviennent les auteurs du rapport. Les pauvres sont aussi des hommes et des femmes d’âge moyen qui vivent en couple et ont un emploi, par exemple. « Seul l’accès à l’emploi durable et correctement rémunéré protège vraiment, insiste l’Observatoire des inégalités. L’augmentation de la pauvreté est le résultat au fil des décennies de la précarisation du travail, du développement d’un “mal-emploi” comparable au mal-logement ».
Cette année, l’édition du rapport s’attache à décrire dans un dossier spécial les conditions de vie des pauvres. Du logement à l’alimentation, en passant par les loisirs, toute une frange de la population est exclue des normes de la société contemporaine, alors que notre pays figure parmi les plus riches au monde, rappelle le rapport. « Ce portrait saisissant vise une chose : alimenter un débat pour avancer vers plus de justice sociale ».
« Face à la pauvreté, la puissance publique ne tient pas ses promesses », dénoncent Anne Brunner et Louis Maurin, qui ont dirigé cette 4e édition du rapport. Selon la Constitution, « [La Nation] garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. » « Ce texte est bafoué chaque jour », insistent-ils.
Si le rôle de l’Observatoire des inégalités n’est pas d’élaborer un programme, ses plus de 20 ans d’observation de la société l’autorisent à souligner les axes sur lesquels il convient d’agir. En priorité, il préconise d’assurer au minimum un revenu équivalent au seuil de pauvreté, soit 1 000 euros mensuels pour une personne seule. Coût pour les finances publiques : environ 10 milliards d’euros. Parmi les autres suggestions de l’Observatoire : assouplir les conditions d’accès au travail des étrangers ; re-réguler le marché du travail et pénaliser les entreprises, comme les services publics, qui abusent d’une précarité de masse ; relancer une politique du logement social ; refonder le système scolaire.