La Défenseure Claire Hédon s’alarme, dans son rapport annuel d’activité 2024, de « l’ampleur et l’augmentation des discriminations en France », soulignant « la diminution paradoxale des réclamations » reçues en 2024 dans ce domaine. Ce qui, selon elle, « met en lumière la difficulté des victimes à faire valoir leurs droits ».
Plusieurs études réalisées entre 2022 et 2024, ont mis en évidence une augmentation préoccupante des discriminations et actes haineux en France et en Europe.
Pour le Défenseur des droits (DDD), l’origine arrive en tête des appels téléphoniques (demandes d’information, etc.) reçus sur sa plateforme 3928, avec une augmentation des appels de 49 % entre 2022 et 2024.
La part des réclamations (saisines du DDD) liées à l’origine constitue aussi le deuxième critère invoqué par les réclamants (15 %) après le handicap (22 %), est-il souligné, mentionnant également que le pourcentage de réclamations portant sur le critère de la religion demeure faible (environ 3 %) et stable depuis 2015.
Mais l’institution relève « un pic inquiétant des appels au moment des élections législatives, pour dénoncer principalement des propos et comportements racistes, antisémites et islamophobes », soit + 53 % entre mai et juin 2024.
Le Défenseur des droits avance « un contexte économique défavorable » pour expliquer cette augmentation des discriminations, mais aussi « un contexte de polarisation des opinions, nourri par certains discours politiques et médiatiques, et exacerbé par les réseaux sociaux et l’usage des algorithmes ».
L’autorité administrative indépendante s’inquiète aussi du non-recours en matière de discrimination, corroboré par la baisse des réclamations reçues en 2024 (- 15 %).
Sur un autre sujet, le rapport met « en exergue la fragilisation continue des services publics, alors que la dématérialisation ne cesse d’éloigner davantage les personnes les plus précaires de leurs droits ».
« Défaillances
Selon le Défenseur des droits, « plus d’un tiers des réclamations reçues concerne aujourd’hui le droit des étrangers, principalement des demandes de renouvellement de titres de séjour, illustrant l’impact concret d’une dématérialisation mal pensée sur les parcours de vie ».
« Des personnes diligentes (…) sont ainsi placées dans l’irrégularité et perdent leur emploi, du simple fait des défaillances de la plateforme dédiée », note le rapport.
Il faut donner aux usagers « la possibilité d’interagir avec l’administration par plusieurs canaux et pas seulement via le numérique » pour garantir un accès équitable aux services publics, estime Claire Hédon dans un entretien à Ouest-France mardi 25 mars.
L’utilisation de plus en plus massive de l’intelligence artificielle (IA) dans notre quotidien (recrutement, recommandations sur les réseaux sociaux, décisions administratives…) fait aussi peser « des risques majeurs sur les droits et libertés », rappelle le DDD.
« L’usager a besoin de savoir à quel moment l’IA est utilisée ou non et s’il y a une intervention humaine », fait valoir Mme Hédon, tout en évoquant le « risque discriminatoire » engendré par les algorithmes.
En 2024, le Défenseur des droits a aussi été saisi de réclamations en matière environnementale concernant des pollutions de l’air, du sol ou encore des nuisances sonores notamment « liées à des ouvrages ferroviaires ou routiers ».
La saisine du Défenseur des droits a « ainsi pu s’avérer utile afin que les autorités publiques réalisent les travaux nécessaires à la résorption des « points noirs bruits », relève le rapport.
L’an dernier, le Défenseur des droits a reçu au total plus de 225 000 sollicitations, 140 996 réclamations et demandes d’informations, 84 196 appels aux plateformes téléphoniques. Au total 53 437 médiations ont abouti à un règlement à l’amiable et 216 décisions ont été rendues.
Le Défenseur des droits, héritier du médiateur de la République et mis en place en 2011, intervient dans cinq domaines : les usagers du service public, la protection des enfants, les discriminations, la déontologie des forces de sécurité et la protection des lanceurs d’alerte.
Copyright © AFP ; « Tous droits de reproduction et de représentation réservés ». © Agence France-Presse 2025