Matthieu Rousset : “Le mentorat permet aux jeunes d’élargir leur regard sur le monde”

Publié aujourd'hui à 8h10 - par

Chargé de mission au sein du service Productions agricoles à la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Matthieu Rousset est le mentor d’Achraf depuis 2020 puis de Malaissa depuis un an. Il s’est engagé sur le long terme avec l’association Télémaque, créée en 2005 en partenariat avec l’Éducation nationale pour permettre aux jeunes des quartiers prioritaires de bénéficier d’un mentorat. « C’est ma manière à moi de m’engager pour faire en sorte que ce monde se porte mieux », avoue-t-il, tout simplement.

Matthieu Rousset : « Le mentorat permet aux jeunes d’élargir leur regard sur le monde »
Achraf (à gauche) et Matthieu Rousset, à l’occasion d’une escapade dans les monts d’Auvergne (Photo DR)

On ne donnera que leur prénom : Achraf et Malaissa. Deux jeunes dont Matthieu Rousset est devenu le mentor en lien avec l’association Télémaque. « Je suis le mentor d’Achraf depuis janvier 2020, il était alors en cinquième, et ce mentorat prendra fin en terminale, l’année prochaine. C’est donc un engagement au long cours, un engagement important avec l’association Télémaque. Pour Malaissa, la situation est différente, j’ai pris le relais d’un mentor qui n’a pu poursuivre cet accompagnement pour des raisons personnelles. Je suis donc en lien avec deux filleuls ou mentorés, selon l’expression ». D’origine togolaise par le père, Malaissa est aujourd’hui en lycée technique général. « Mais elle a décidé de rester un an au Togo auprès de son père en intégrant le lycée français de Lomé. Elle continue en fait sa scolarité à l’étranger ». Ils échangent par mail, par visio. L’idée est de garder le contact, de faire le point régulièrement, au moins une fois par mois.

Repérer les jeunes à potentiel éducatif

C’est un regardant sa boîte mail interne que Matthieu Rousset a fait connaissance avec le statut de mentor. « L’association Télémaque venait de signer une convention avec la Région, qui a donc lancé un appel à candidatures. J’ai décidé de franchir le pas. Télémaque accompagne les jeunes issus des quartiers difficiles et souvent issus de l’immigration. Il s’agit de proposer ce mentorat à des jeunes qui disposent d’un réel potentiel scolaire, mais qui n’ont pas forcément le bagage culturel ou social pour faire des études supérieures », explique-t-il. « Le mentor est là pour assurer une ouverture d’esprit, favoriser l’élargissement du regard sur le monde ». Une fois mis en relation, à travers une petite séance de deux heures, il ne reste plus au mentoré et au mentor que d’établir le lien. « Nous remplissons un formulaire assez complet. L’équipe de Télémaque se charge de dénicher le bon binôme, le plus harmonieux en termes d’attentes réciproques ».

Favoriser l’ouverture d’esprit des jeunes

Matthieu Rousset s’est engagé dans ce mentorat parce qu’il répond en tout point à sa dynamique de vie : « J’aime bien être acteur, je suis conseiller municipal, je porte des projets citoyens, notamment dans le domaine des énergies renouvelables et je me réjouis de travailler avec les équipes très professionnelles de Télémaque ». Il a d’abord rencontré les parents d’Achraf, à qui la démarche avait été expliquée en amont. « Il y a différents types de parents : certains aiment bien savoir en détail ce qui se passe, et d’autres qui font plus facilement confiance à leur enfant et au mentor. Pour Achraf, c’est la deuxième situation qui s’est présentée ». Il ne faut pas confondre mentorat avec tutorat et encore moins avec coaching scolaire. « Nous sommes des adultes auxquels les jeunes font confiance, des référents. Nous menons des projets communs. Par exemple, nous avons fait du ski de fond dans les montagnes d’Auvergne, des sorties au Laser Game, nous avons vu des spectacles de cirque contemporain, de musique classique. Tout ça se construit à deux. Nous échangeons aussi entre mentors, à travers des webinaires et des afterworks ». L’idée est de participer à l’ouverture d’esprit des jeunes, de leur faire vivre des moments culturels, sportifs, citoyens, de loisirs, etc.

Des financements prévus pour les projets

Ainsi, Achraf est-il passionné par l’informatique et plus particulièrement par les problématiques de cybersécurité. « Pour son projet de 4e, il a acheté du matériel informatique et il a créé un jeu vidéo. Dans le parcours du jeune des financements sont prévus pour financer les activités. Le mentor accompagne les jeunes dans le montage de leurs projets et justifie de l’engagement des fonds auprès de Télémaque ». Avec Malaissa et Achraf, un week-end de plongée a été organisé à la Presqu’Île de Giens, au large de Toulon. « Je les ai sensibilisés à l’organisation d’un tel voyage, en leur demandant de trouver le prix des logements, de regarder les clubs existants et d’évaluer les frais de déplacement, au travers d’un budget prévisionnel ». Ce week-end a été une excellent moment partagé !

Responsabilité commune

Cette relation se nourrit d’échanges réguliers, de complicité… mais elle peut aussi traverser des moments de turbulences : il est arrivé à Achraf de ne plus répondre aux mails et aux appels de son mentor. « Ça a duré six mois », environ. « Parfois, ça peut bloquer, il peut y avoir des moments plus compliqués. Dans la formation de son esprit, un jeune se heurte forcément à des doutes, des questionnements, a besoin de prendre du recul, etc. », explique Matthieu Rousset. Le  lien s’est retissé fort heureusement : « On a des discussions très ouvertes, Achraf est pratiquant, on se pose des questions ensemble sur le sens de la religion, sur sa place dans la société, etc. ». Écoute, échanges, conseils de lecture, d’émissions à écouter, etc. Le mentoré est aussi engagé que le mentor dans leur relation : « Il s’agit d’une relation très ouverte mais le binôme fonctionne avec les mêmes exigences de responsabilité ». Dans un an, Matthieu et Achraf ne seront plus liés par leur contrat de mentorat. « Mais nous garderons le contact, nous nous apprécions mutuellement ». Dans une société confrontée à la montée des extrémismes et des populismes, Matthieu Rousset, Achraf et Malaissa sont bien la preuve qu’à y regarder de plus près, « l’actualité n’est pas si sombre qu’on le croit ».

Stéphane Menu

150 000 binômes chaque année

En mars 2021, le président de la République avait lancé son plan 1 jeune 1 mentor « avec pour objectif de massifier [sa] pratique (…) dans le pays ». Depuis, le projet a pris bonne tournure, 100 000 jeunes ayant été accompagnés en 2021, 150 000 chaque année en 2022 et 2023, alors que seulement 30 000 d’entre eux étaient concernés auparavant.


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