Rébecca Deprez (La Cordée) : “Il y a une vraie appétence du côté des agents pour devenir mentor”

On fête en ce mois de janvier 2025, le mentorat en France. Peut-on en rappeler les grands principes ?

Le mentorat est un concept multiforme qui réunit autour d’une relation unique un jeune et son mentor, de 5 à 30 ans. Un mentor peut être un particulier, un retraité, un salarié dans une entreprise ou encore un agent dans la fonction publique. C’est dans ce cadre que nous intervenons. La Cordée a été créée par des cadres territoriaux pour valoriser la diversité sociale dans les secteurs public et parapublic. Nous faisons partie du Collectif Mentorat qui réunit 75 associations qui défendent chacune les valeurs naturelles du mentorat mais chacune à leur manière. Nous comptons, de notre côté, entre 750 et 800 binômes, réunis sous deux formes. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit ni de coaching ni de tutorat. Nous sommes dans une relation interpersonnelle, sans but précis à atteindre, si ce n’est celui d’un enrichissement mutuel autour des questions liées au service public au sens large. Pour notre association, nous voulons mettre en relation des fonctionnaires et des étudiants qui ont le goût et le sens du service public.

Vous le faites d’abord via les classes Prépa Talent. De quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’un dispositif de l’État destiné aux étudiants les plus méritants de l’enseignement supérieur et aux demandeurs d’emplois visant à préparer dans les meilleures conditions les concours donnant accès aux postes de cadres de la fonction publique. Il existe une centaine de classes Prépa Talents en France et La Cordée est partenaire de certaines d’entre elles. Nous proposons à certains des élèves une mise en relation avec un mentor, à savoir un agent public en activité. Nous proposons bien entendu des formations aux mentors pour assurer leur mission. Le mentorat se déroule sur une période de neuf à douze mois et peut être prolongé. Sur la période 2023-2024, 214 mises en mentorat ont été effectuées dans les classes Prépa Talents.

L’autre voie du mentorat concerne le programme Ambition service public. Comment le mentorat y trouve sa place ?

Il s’agit d’un programme d’orientation et d’accompagnement gratuit vers les métiers de la fonction publique pour des étudiants, des boursiers, des jeunes diplômés et des demandeurs d’emploi qui souhaitent intégrer les services publics. Ce programme se déploie sur six mois et implique donc une mise en relation dans le cadre du mentorat. Des masters class sont organisés pour présenter des parcours d’agents inspirants. Des visites d’administrations sont organisées. Enfin, un accompagnement pour candidater en Classe Prépas-Talents du service public est proposé. Nous avons accompagné 423 bénéficiaires de ce programme pour la promotion 2023-2024. Ces derniers ont, entre autres, pu visiter des institutions comme le Quai d’Orsay, le ministère de l’Économie et des Finances, la Cour des comptes, le Conseil d’État, etc.) mais aussi des collectivités territoriales, préfectures et hôpitaux un peu partout en France. À chaque fois, les bénéficiaires ont pu bénéficier des éclairages de leur mentor dans le cadre de ce programme. Autre plus-value : nous aidons les mentorés à préparer leurs oraux lorsqu’ils ont réussi à franchir le cap de l’écrit. Ce sont des petites actions qui, mises bout à bout, permettent aux bénéficiaires de donner forme à leur projet d’intégration dans la fonction publique.

Comment s’installe la relation dans le binôme ?

Elle est un peu à la carte même si nous donnons des bases aux mentors pour qu’ils mènent à bien leur mission bénévole. En général, il s’agit de consacrer une heure de son temps par semaine pour échanger. Nous veillons à ce que la constitution du binôme entre dans une logique de proximité, pour éviter de trop longs déplacements. Ce programme rencontre un vrai succès auprès des agents des trois fonctions publiques, avec une prévalence cependant affirmée de la fonction publique d’État. Récemment, 80 fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères se sont engagés auprès de nous pour devenir mentors. Il y a une vraie appétence des agents pour participer à ce programme. Je précise aussi que cet engagement ne se fait pas sur le temps de travail, c’est un vrai investissement en dehors de son quotidien professionnel.

Sentez-vous le même désir chez les jeunes ?

Il y a toujours des préjugés à faire tomber, que nous ressentons lorsque nous allons au devant des jeunes, en fac de droit, ou dans d’autres formations universitaires. En revanche, ceux qui s’investissent contractent très vite le virus du service public. Ils veulent donner du sens à leur vie professionnelle. Sept salariés travaillent au sein de l’association sur ces dispositifs autour du mentorat, c’est bien la preuve qu’ils ont leur pertinence et qu’ils sont utiles pour former les cadres de la fonction publique de demain.

Stéphane Menu