Le PLF pour 2025 a été enfin adopté le 6 février 2025, avec un effort pour les collectivités locales ramené de 5 à 2,2 Mds par rapport au PLF initial de Michel Barnier : une bonne affaire pour les collectivités, non ?
Dans la situation où se trouve l’État, cet effort était inévitable. Il faut même s’attendre à des mesures aussi dures, voire plus dures l’an prochain. Le ministre de l’Économie Éric Lombard a d’ailleurs dit vouloir reprendre la contractualisation. Tout le monde doit faire des économies. Alors qu’en 2023 le taux d’épargne brut moyen des régions, EPCI et communes était à 15-20 % et celui des départements à 10 %, celui de l’État est à – 41 %. Pour respecter les règles qu’il impose aux collectivités locales (équilibre du fonctionnement et amortissement du capital de la dette par des recettes définitives), l’État aurait dû lever 276 Mds€ supplémentaires, ce qui correspond par exemple à passer le taux normal de TVA de 20 à 45 %.
André Laignel, président du Comité des finances locales (CFL), chiffrait en novembre 2024 les baisses à 11 Mds€1, mais pour notre part, en comptant les baisses nettes des hausses, nous sommes en février 2025 entre 2,5 et 3 Mds€, en intégrant la grosse ponction de 487 M€ sur les variables d’ajustement hors dotation globale de fonctionnement (DGF)2, soit 11 fois plus que la moyenne de ces quatre dernières années. Cette baisse se fait au forfait depuis 5 ans, sans justifier le mode de calcul.
Que pensez-vous du nouveau dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico)3 ? Quelles collectivités sont concernées ?
À terme, ce Dilico ne fait pas d’économies, puisque les fonds collectés auprès des collectivités et mis en réserve par l’État pour résorber le déficit leur sont restitués en trois ans. Qu’en pense Bruxelles ? La baisse des dotations de 11,5 Mds€ intervenue entre 2014 et 2017 par Manuel Valls (ndlr : alors Premier ministre) n’a, elle, jamais été rétrocédée.
Ce Dilico est basé sur le potentiel fiscal et sur le revenu par habitant pour les intercommunalités, sur le potentiel financier et le revenu par habitant pour les communes4, avec les chiffres de 2025 qui seront connus au printemps via la Direction générale des collectivités locales (DGCL). On aura alors la liste exacte des collectivités concernées. Le gouvernement a toutefois déjà adressé une liste non publique aux parlementaires que les élus locaux pourraient se procurer. Mon cabinet a modélisé ce Dilico sur la base des potentiels et revenu par habitant de 2024. Nos chiffres semblent très proches de la liste adressée aux parlementaires.
Même si le poids financier des communes est très supérieur à celui des EPCI, les deux ensembles contribuent néanmoins à parts égales (ndlr : pour un total de 500 M€). Par ailleurs, certaines communautés de communes à fiscalité additionnelle riches – CC du Nogentais avec sa centrale nucléaire ou CC Cœur de Tarentaise avec le plus grand domaine skiable d’Europe par exemple – ne contribueront pourtant pas au Dilico. En effet, pour un EPCI en fiscalité additionnelle (FA) (ndlr : CC essentiellement), le potentiel fiscal, calculé en appliquant le taux moyen national d’imposition au titre de la Cotisation foncière des entreprises (CFE) de ces EPCI à FA (7,41 % en 2023), sera généralement moins important, à base fiscale égale, que pour les EPCI à fiscalité professionnelle unique où le taux moyen est plus important (25,42 % pour les CC, 26,70 % pour les CA et 29,53 % pour les CU et les métropoles en 2023).
Un versement mobilité (VM) régional a été créé au taux de 0,15 %5, contre l’avis de France Urbaine et d’Intercommunalités de France redoutant une concurrence avec les Autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Par contre, il n’y aura pas de VM pour les Services express régionaux métropolitains (Serm). Qu’en pensez-vous ?
Parmi les associations d’élus, chacune voit midi à sa porte, c’est normal. Mais le VM régional s’ajoutera bien à la part intercommunale. Il n’est guère étonnant qu’un VM pour les Serm n’ait pas été adopté. Depuis 20 ans, quand il y a une crise économique, l’État est toujours plus proche des entreprises que des collectivités locales. En 2009, Nicolas Sarkozy supprimait la taxe professionnelle dans la foulée de la chute de Lehman Brothers. En 2020, avec la crise sanitaire, le gouvernement baissait les impôts de production de 10,5 Mds€.
In fine, la DGF augmentera de 150 M€ au lieu des 290 M€ prévus par le gouvernement, mais avec une diminution correspondante de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) restant, elle, stable. C’est un jeu de chaises musical, non ?
L’État garde pour lui 140 M€ de DGF. Mais laisser stable la DETR pour diminuer la DSIL est un choix financier. En effet, tous les crédits prévus pour la DSIL étant réalisés depuis deux ans, la diminuer fait de vraies économies. Mais les crédits engagés pour la DETR n’étant pas tous réclamés par les communes rurales, la laisser stable ne coûte pas si cher.
Une hausse de la péréquation est actée, comme l’an dernier, à 290 M€, dont 150 pour la DSR et 140 pour la DSU, ainsi qu’une croissance de la dotation d’intercommunalité de 90 M€. Comment cela est-il financé ?
Cela fait donc 380 M€ en plus auxquels il faut ajouter environ 30 M€ dû liés à l’effet de croissance de la population. Une partie de ces 410 M€ en plus est couverte par la hausse de DGF de 150 M€, le reste par l’utilisation des variables d’ajustement, soit un écrêtement que nous estimons à 158 M€ de la dotation de compensation des EPCI (- 3,4 %) et de 102 M€ de la dotation forfaitaire des communes (- 1,5 %). Mais cet écrêtement pourrait être plus élevé si le CFL, comme il l’a fait l’an dernier, décidait de majorer davantage la DSU ou une autre péréquation à sa main. Car, le CFL ne crée pas d’argent, il est dans un jeu à somme nulle.
Le PLF étant tardif, la date butoir du 15 avril pour adopter les budgets locaux sera retardée, a indiqué la DGCL. De combien de temps ?
La DGCL a annoncé lors des vœux d’Intercommunalités de France qu’elle ne pourrait pas sortir les dotations au 31 mars. Donc la date limite de vote des taux et des budgets qui doit être postérieure de 15 jours à la date de communication des dotations, devrait mordre sur le mois de mai.
Frédéric Ville
1. Baisse du fonds vert et des variables d’ajustement, augmentation des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) et du point d’indice… Voir ici.
2. Les variables d’ajustement sont des dotations de compensation d’exonération de fiscalité locale, destinées originellement à contrebalancer l’évolution des dotations aux taux de croissance supérieurs à l’inflation. Cette baisse de 487 M€ est principalement due à celle de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) de 259 M€ pour le bloc communal.
3. Le Dilico économiserait 1 Md€ (au lieu de 3 Mds€ du PLF Barnier) et sera réparti sur 2 099 collectivités (et non 450).
4. Voir art. 64 bis du PLF détaillant le Dilico pour tous les niveaux de collectivité.
5. Voir art. 31 duodecies du PLF.