Pourquoi avoir participé comme partenaire à nos Matinales consacrées à « L’inclusion, la diversité et la parité au service de l’attractivité » ?
Dès sa création, FP21 s’est positionnée sur les trois versants de la fonction publique. C’est l’une des dimensions qui nous a intéressés dans ces Matinales organisées par WEKA en plus d’une présence dans les territoires, pour appréhender plus concrètement les enjeux. Pour construire la fonction publique de demain, il est essentiel d’échanger directement avec des acteurs du terrain et d’avoir une vision plus large et pas restreinte à un établissement ou à un versant. C’est ce que nous faisons aussi dans nos livres blancs où les sujets RH et de management sont au cœur de nos questionnements.
Mais surtout, les échanges des Matinales ont permis de donner la parole aux jeunes agents sur ces thématiques qui nous tiennent à cœur, car la fonction publique de demain, c’est nous et autant la construire ensemble dès maintenant ! Ces rendez-vous ont bien montré la préoccupation grandissante en faveur de l’inclusion, de la diversité et de la parité pour améliorer l’attractivité. Sur cet enjeu de premier plan, il faut mettre au pied du mur l’ensemble des acteurs RH et ne plus se cacher derrière certains mots.
Estimez-vous que la fonction publique doit être exemplaire ?
Oui, car il fait partie de ses missions d’agir sur ces sujets. Mais attention à ce que le statut et les concours n’entravent pas la diversité. C’est tout l’objet des classes Prépa Talents. Par rapport au secteur privé, certaines inégalités peuvent théoriquement être moins fortes dans le public comme en matière de rémunération des femmes grâce aux grilles indiciaires. Il n’empêche qu’il faut inciter les jeunes femmes à ne pas se censurer et à passer notamment des concours de catégorie A+.
Dans la fonction publique territoriale, la situation peut beaucoup varier compte tenu du grand nombre d’employeurs. Dans certaines collectivités, même grandes, il reste parfois encore beaucoup à faire. À l’inverse, plus d’une fois, les petites collectivités ont bougé plus rapidement pour répondre à la crise de l’attractivité. C’est probablement dans les territoires qu’on innove le plus !
Dans les politiques à améliorer, il faut favoriser la mixité des métiers comme par exemple ceux du soin ou de la petite enfance, majoritairement occupés par des femmes, et à l’inverse ceux du numérique. Les collectivités doivent mieux prendre en compte cette question dans leurs politiques RH. Je pense notamment au département de l’Hérault qui essaye progressivement de changer les mentalités et de réduire les a priori de certains agents pour postuler sur des postes qui ne sont pas traditionnellement de leur « genre ».
Quelles sont les attentes particulières de la jeune génération ?
Elle aspire beaucoup moins à rester toute une carrière sur un même poste ou dans une même structure publique. Rester vingt ans dans un poste ou auprès d’un même employeur peut même effrayer ! Cela souligne le besoin de nouvelles politiques de recrutement, mais aussi de politiques RH différentes qui prennent plus en compte le parcours de l’agent, la formation en interne, l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle… Elles contribuent ainsi à l’attractivité comme à la fidélisation des agents. D’après une étude de la DGAFP de 2023, parmi les jeunes qui quittent la fonction publique, 33 % l’expliquent par un manque de perspectives (salariale et professionnelle), par l’envie de changer de métier pour 25 % et même à cause des conditions de travail pour 22 %. La génération Z (née à partir de 1997) est en quête de sens (savoir pourquoi on fait les choses), de flexibilité, mais aspire également aux besoins primaires du travail : un salaire qui reconnaît l’investissement, des perspectives d’évolution et des projets concrets.
Quant aux questions de diversité et d’inclusion, il faut reconnaître qu’il y a encore un long chemin à faire. Cela veut dire aussi qu’à travers un vrai investissement sur ces sujets, un nouveau souffle pour notre attractivité est possible !
Aujourd’hui, l’attrait du secteur public repose, en premier lieu, sur les valeurs du service public pour donner du sens à son travail. L’enjeu de l’attractivité permet ainsi de remettre en avant l’intérêt général avec des employeurs publics qui doivent être représentatifs de la société via une politique irréprochable d’inclusion, de diversité et de parité. Même si les associations et les entreprises s’emparent aussi de ces thématiques, la fonction publique a le devoir de s’y investir pleinement pour répondre aux aspirations actuelles et attirer d’autres talents. C’est aussi un enjeu de performance : comment penser des services publics pour tous s’ils ne sont pas construits par des agents publics représentatifs de toute la société ?
Comment mieux représenter tous les profils ?
Il faut agir très en amont dès le collège et le lycée, avec les Cordées du service public et ensuite les classes Prépa Talents. Sur ce sujet, il existe une progression ces dernières années. Malgré certaines difficultés, le sujet a été mis en lumière avec des associations comme La Cordée visant à plus d’ouverture via les Prépa Talents ou le parrainage. J’espère que nous sommes sur la bonne voie et que, progressivement, les différentes actions vont infuser. Il faut continuer de sensibiliser les jeunes, pour qui la notion de service public reste souvent trop vague ou trop connotée. Autre nécessité : montrer et communiquer sur tout ce qui est fait, mais aussi casser l’étanchéité avec le monde universitaire.
Si certaines actions menées au sein de la fonction publique peuvent être perçues comme de la discrimination positive, elles apparaissent plus que jamais nécessaires pour favoriser l’égalité. Des actions comme par exemple la titularisation d’apprentis en situation de handicap devraient être plus connues et valorisées. À ce sujet, une vraie politique inclusive signifie de prendre en compte tous les types de handicap. En invisibilisant beaucoup moins le handicap et en le mettant plus en avant dans les services, cela permettra aussi de mieux accueillir les usagers en situation de handicap. On ne penserait pas demander à un voyant de mettre en place et d’évaluer un parcours pour un aveugle ! Cela devrait être ainsi pour chaque service public.
Les obligations réglementaires, avec à la clé des pénalités financières, vous semblent-elles nécessaires ?
Oui, car cela représente une reconnaissance et donne plus de visibilité à ces sujets et aux personnes concernées. En plus, cela donne des résultats sur lesquels il faut davantage communiquer. Sur les différentes politiques menées, il faut également effectuer un vrai travail d’évaluation, le coercitif ne peut pas suffire. Cela demande des moyens conséquents de contrôle et place l’employeur dans une dynamique de « il faut faire, car c’est obligatoire », alors que l’avenir du travail, c’est de comprendre que chacun y a sa place, sa plus-value et son regard singulier. Miser sur le pourquoi des choses plus que sur l’interdiction a toujours fait davantage sens, mais c’est bien plus difficile à instiller. Qui mieux que le service public peut porter cette exigence ?
Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry