Jacques Oberti : “Il faut réussir le rendez-vous de l’intelligence artificielle et bien le préparer”

Publiée le 28 mai 2024 à 13h20 - par

Entretien avec Jacques Oberti, Président du Sicoval (Sud-Est toulousain) et Vice-Président en charge du numérique d'Intercommunalités de France.
Jacques Oberti : “Il faut réussir le rendez-vous de l'intelligence artificielle et bien le préparer”

@ Crédit photo Sicoval

Le 23 avril, à l’issue d’un comité interministériel de la transformation publique, le Premier ministre a déclaré vouloir opérer une « révolution de l’intelligence artificielle dans les services publics » (cf. encadré). Pour autant, l’utilisation de l’IA ne devrait pas être imposée à tous les agents, a précisé Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la fonction publiques, le 23 mai au salon VivaTech. Un « tournant sans précédent », pour Intercommunalités de France, France urbaine et Les Interconnectés qui trouvent prématuré de généraliser, même progressivement, l’intelligence artificielle (IA) générative dans les services publics. Les trois associations d’élus appellent à une concertation sur les modalités d’utilisation de ces outils auprès des usagers et des agents, et à tirer les enseignements des expérimentations, avant de songer à une généralisation. Jacques Oberti, Président du Sicoval (Sud-Est toulousain) et Vice-président en charge du numérique d’Intercommunalités de France, explique.

Que peut-on dire sur les collectivités et l’IA ?

Il faut distinguer deux aspects. Au sein des Interconnectés, qui représentent des collectivités très engagées dans l’innovation par le numérique à l’échelon national, depuis de nombreuses années, certaines ont déjà travaillé sur l’intelligence artificielle. Les Interconnectés ont pour rôle d’étudier des sujets de façon approfondie pour prévoir les grands enjeux d’avenir et les moyens qui seront nécessaires pour relever les défis. C’est aussi une interface avec les politiques territoriales d’intérêt général, pour les diffuser largement. Pour le reste, on ne parle vraiment de l’intelligence artificielle que depuis la sortie de ChatGPT, alors qu’on l’utilise déjà beaucoup dans les collectivités, y compris avec le machine learning. Il y a plus d’un an, Les Interconnectés et Intercommunalités de France ont créé trois commissions : une qui recense les bibliothèques d’IA pour les collectivités, une sur l’IA et le citoyen, dans le but de démystifier l’IA dont beaucoup d’agents et de citoyens se méfient, et la troisième notamment sur l’impact de l’IA sur les métiers de la fonction publique.

Vous souhaitez participer aux expérimentations du logiciel Albert ?

Depuis quelques mois, Stanislas Guerini a lancé dans les maisons France services des expérimentations du logiciel Albert, une IA au service des agents. Nous lui avons dit que ce serait bien que les collectivités, qui financent aussi les maisons France services, puissent entrer dans une expérimentation car il y a un grand besoin d’acculturer les agents des collectivités, les élus et les citoyens. Moins on leur expliquera ce qu’est l’IA, plus les gens en auront peur. Contre toute attente, Gabriel Attal a annoncé le 23 avril que l’intelligence artificielle sera diffusée plus largement et notamment dans les services au contact du public dans les territoires. Mais avant tout, il faut prendre en considération les cadres d’usage de l’utilisation de l’IA (provenance de la donnée, vérification de l’efficience des algorithmes…), en définissant un cadre éthique, démocratique et juridique. Par exemple, si un arrêté est rédigé avec l’intelligence artificielle et qu’il est diffusé sans le relire, à qui incombera la responsabilité ? On a commencé à discuter de cela au niveau national, mais nous avons un peu l’impression d’être en permanence dans une sorte de combat contre des gouvernants qui aimeraient être à notre place pour nous imposer des façons de faire… Or, au niveau local, quand le citoyen a quelque chose à dire, il se tourne vers les élus.

Vous trouvez que tout cela va trop vite ?

Même si nous sommes convaincus du bien-fondé de l’IA, il faut tirer le bilan des expérimentations, ce que l’on n’a pas encore réussi à faire, et démontrer son efficacité et sa fiabilité. Il ne faut pas aller trop vite, confondre vitesse et précipitation… L’enjeu est majeur, et nous disons au gouvernement de nous faire confiance pour réussir la transition de l’IA. Il faut se donner les moyens de sa mise en œuvre sur le terrain ; en quelque sorte, ne pas manquer le rendez-vous avec l’intelligence artificielle et bien le préparer. Avec Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France, nous avons rendez-vous début juin avec la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, pour parler notamment des sujets autour de l’intelligence artificielle.

Propos recueilllis par Martine Courgnaud – Del Ry

 

Le Premier ministre promeut l’utilisation de l’IA dans les services publics

Gabriel Attal veut révolutionner les services publics et l’université, avec les IA génératives souveraines Albert et Aristote. L’administration fiscale déploiera une IA pour pré-rédiger les réponses aux 16 millions de demandes annuelles en ligne, mais chaque réponse restera validée et modifiée si nécessaire par un agent. L’analyse de la réglementation sera automatisée. Le Premier ministre a annoncé que chaque année, 4 000 projets environnementaux (installation de parcs éoliens, d’aménagements urbains…), comportant des centaines voire des milliers de pages, seront pré-instruits par une IA. Par ailleurs, dès la rentrée, les quiz et les évaluations du logiciel Aristote, lancé fin 2023 par Centrale Supélec, aideront les étudiants à réviser et tendront à améliorer le taux de réussite en licence. Selon Gabriel Attal, la révolution de l’IA apportera des procédures plus simples, des délais plus rapides, des réponses plus sécurisées et des politiques publiques plus efficaces.

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