Vous êtes récemment intervenu aux journées régionales de l’Anru du Grand Ouest. Pouvez-vous nous faire un point sur les quartiers NPNRU à Laval ?
Laval recense trois quartiers populaires qui regroupent entre 7 000 et 8 000 habitants, dans une ville de 50 000 habitants, c’est assez parlant. C’est donc une composante importante de la ville. Ce sont d’ailleurs les seuls QPV du département de la Mayenne, qui compte 300 000 habitants. Laval est une ville intermédiaire, chef-lieu, qui accueille à la fois des populations fragiles, et fait face à des vulnérabilités croissantes, même dans les zones rurales. L’un des défis pour nous est de créer des synergies entre le rural et les quartiers urbains inscrits dans la politique de la ville.
Comment agir pour sortir ces quartiers de leurs difficultés ?
On évoque souvent la puissance de résilience des villes ; cette dernière est souvent mobilisée par des collectifs d’habitants. Lorsque par exemple les quartiers sont confrontés à des vagues de chaleur, ou bien que des difficultés d’une autre nature se produisent, une solidarité naturelle émerge entre les voisins, dans les cages d’escaliers, solidarité qui peut résoudre les crises. Il existe aussi une forte solidarité communautaire dans les quartiers, pourquoi ne pas le souligner. Cette solidarité-là ne se décrète pas à travers une loi, elle naît en dehors des fonctions régaliennes, du droit commun, voire des politiques publiques. À tel point que dans les quartiers en renouvellement urbain, il n’est pas rare que les projets pour faire face aux dérèglements climatiques soient souvent les plus pertinents. Le rôle de la puissance publique dans ces quartiers est avant tout de s’appuyer sur la grande capacité de mobilisation des habitants, beaucoup plus forte qu’on l’imagine. On ne peut mener un projet de territoire sans eux.
Que voulez-vous dire ?
Comme son nom l’indique, la rénovation urbaine vise à refaire le quartier sur le quartier, à le repenser en prenant en compte les difficultés auxquelles il est exposé. Je préside la commission nationale écoquartier et je mets toujours en avant l’importance de créer une ville agréable à vivre, où la participation citoyenne joue un rôle moteur. Ce processus permet aux habitants de s’approprier les enjeux écologiques. Le projet le plus emblématique à Laval est celui de la ferme urbaine, qui permet de créer des liens entre le rural et l’urbain. La solidarité entre zones urbaines et rurales est essentielle, par exemple, à travers des contrats de réciprocité entre villes riches et communes rurales en difficulté. L’objectif est de faire du quartier de Saint-Nicolas, où est implantée la ferme urbaine, un quartier apaisé, à travers ce projet qui vise à tendre vers une autonomie alimentaire. L’alimentation, l’emploi, la cohésion sociale et l’agroécologie sont les quatre piliers de cet espace de production, de formation et de mobilisation qui produira ses premiers légumes en 2026. Sur dix hectares, la ferme proposera, au rythme de la saisonnalité, des légumes et des fruits frais, ainsi que de la viande et des œufs. Et d’autres territoires en bénéficieront. Changer l’image de ces quartiers, c’est leur donner les moyens de mener à bien des projets pour l’ensemble de la ville et au-delà. Sans oublier l’effet levier de tels projets sur les jeunes, la population, la fierté qui en ressort.
Vous travaillez aussi avec l’association « Banlieue et climat ». Sur quelles bases ?
Cette association vise à fédérer, sensibiliser, inspirer les populations des quartiers populaires sur les questions environnementales et climatiques afin de faire émerger leurs voix et des projets locaux dans le débat public et développer leur pouvoir d’agir. Ce partenariat avec l’association permet de former 100 jeunes de 18 à 25 ans sur des sessions cofinancées par des bailleurs sociaux. Je pense qu’il faut créer une culture écologique, dans les quartiers, et je suis convaincu que les jeunes y sont réceptifs. Sur les chantiers urbains, comment embarquer les enfants et les familles dans la découverte des rénovations urbaines et la culture écologique ? C’est un défi que nous tentons de relever. Et souvent, ça légitime notre intervention dans les quartiers.
Vous êtes d’ailleurs un adepte de la théorie du donut, que vous déployez sur la ville…
Cette théorie combine soutenabilité des ressources et lutte contre les inégalités. Elle permet de réfléchir aux fractures sociales et écologiques en partant des ressources existantes. Il s’agit vraiment pour moi de repenser l’économie, pour parvenir à répondre aux besoins humains de base tout en préservant l’environnement. La théorie du donut valorise aussi le volontarisme politique.
Après les émeutes urbaines de 2023, vous avez mis en place une convention citoyenne dans les quartiers populaires. Comment fonctionne-t-elle ?
50 habitants, principalement issus des quartiers populaires, ont été tirés au sort pour travailler sur des propositions visant à améliorer leur quotidien et à sortir de la stigmatisation. Ce projet a donné naissance à la rédaction d’un manifeste, après plusieurs week-ends de réflexion, de partage, et de révision des propositions, validées par consentement. Ce manifeste a été restitué à l’État et aux parties prenantes locales, et un plan d’action à court, moyen et long terme est en cours de construction. Nous ne pouvons pas aménager ces quartiers sans les habitants, c’est une évidence.
Stéphane Menu