Dans quel contexte avez-vous décidé de dénoncer l’Accord national ?
L’Accord national, qui organise les rapports entre les centres de santé et l’Assurance maladie, et détermine notamment leurs financements, a été signé en 2015 et reconduit tacitement en 2020 en pleine crise sanitaire. Mais pour les dix ans de l’Accord, nous nous devions de le dénoncer car il n’est plus adapté à l’évolution des pratiques des centres en équipe pluriprofessionnelle coordonnée, aux besoins de santé des patients qu’ils prennent en soins et à leur engagement dans la prévention. La FNCS est la seule organisation représentant les centres de santé à l’avoir dénoncé. Certainement parce que nous avons subi des pressions de l’Assurance maladie et du ministère de la Santé pour ne pas le faire, ce qui pourrait expliquer pourquoi les autres représentants des centres de santé n’ont pas suivi.
Pourquoi cette pression ?
Nous ne la comprenons pas vraiment car nous utilisons un outil conventionnel prévu réglementairement. Les libéraux l’ont utilisé avant nous. Depuis deux ans maintenant, nous essayons d’avancer sur notre modèle économique. Alors qu’elle était ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, Agnès Firmin Le Bodo avait prévu un plan « centres de santé », en parallèle de celui dédié aux Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), mais nous n’en avons jamais vu la couleur. En novembre 2023, lorsque nous avons signé l’avenant 5 à l’Accord national, nous avons accepté qu’il soit particulièrement technique – il s’agissait d’une pure transposition des conventions monoprofessionnelles médicales, infirmières et dentaires, sans lien réel avec notre modèle. L’Assurance maladie s’était alors engagée à organiser des négociations en 2024, qui n’ont jamais eu lieu. Nous avons vraiment eu le sentiment d’être mis sur la touche alors que de nombreux centres de santé sont en grande difficulté. Certains se voient contraints de fermer, ce qui prive d’accès aux soins des milliers de patients sans solution alternative, dans un contexte déjà dégradé par la désertification médicale.
Quelles sont les difficultés que traversent les centres de santé ?
Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), publié en février 2025, portant sur l’évaluation du modèle économique des centres de santé pluriprofessionnels les pointe. Il souligne la sous-valorisation systémique des centres de santé par rapport aux professionnels de santé libéraux. Il confirme la fragilité de notre modèle économique, tout en relevant la présence et le rôle essentiels des centres de santé dans des zones sous-dotées et /ou accueillant des publics vulnérables. Ces difficultés ont pour origine le déficit structurel des centres, qu’ils ne peuvent pas combler en l’état des financements insuffisants qui leur sont alloués pour des missions pour beaucoup obligatoires.
Quelles sont les principales recommandations que vous allez proposer pour repenser votre modèle économique ?
Nous attendons la lettre de cadrage du ministère de la Santé mais du côté de la FNCS, nous avons déjà élaboré notre calendrier de travail interne, ainsi qu’avec les autres organisations représentatives des centres de santé, qui portent sensiblement les mêmes recommandations.
Nous voulons une reconnaissance de nos missions sociales d’accès aux soins et aux droits des populations vulnérables car aujourd’hui, cette prise en compte n’est pas à la hauteur des enjeux.
Nous avons également besoin de financements pour assurer pleinement le tiers payant, obligatoire pour les centres de santé mais non financé alors qu’il nécessite du personnel dédié pour sa gestion.
Autre point de discussion : comment implémenter dans l’Accord national, les nouveaux modes de rémunération forfaitaires, complémentaires au paiement à l’acte, notamment ceux que nous avons testés dans le cadre des expérimentations Article 51 (PEPS, IPEP, SECPA) ? Nous aimerions disposer de dotations populationnelles pour nos missions « d’aller vers » ou de prévention.
Bien entendu, nous sommes prêts à nous engager sur la pertinence, la qualité et la sécurité des soins, qui sont des éléments essentiels dans la prise en charge des patients.
Il faut arrêter de soutenir que nos structures sont déséquilibrées parce que nous sommes de mauvais gestionnaires. Ce n’est pas le cas. Ce sont de financements structurels dont nous avons besoin pour être à l’équilibre.
Propos recueillis par Laure Martin