L’emploi public garantit-il une meilleure évolution pour les personnes d’origine sociale populaire, ainsi que les femmes, que dans le privé ?
Nous savons tous que dans la représentation collective, l’intégration dans la fonction publique apporte en effet la garantie d’une meilleure promotion sociale. On peut affirmer en effet que, dans les faits, un salarié de la fonction publique d’origine modeste ou à diplôme équivalent à celui qui suit une carrière dans le privé a plus de chance d’atteindre une meilleure reconnaissance sociale. En dépit d’une image affaiblie, une carrière dans le secteur public peut toujours s’accompagner, pour certains profils, d’une mobilité sociale ascendante intergénérationnelle et offrir la promesse d’une plus grande égalité des chances que dans le secteur privé.
Comment avez-vous réussi à obtenir de tels résultats ? À partir de l’exploitation de quelles données ?
Nous partons des statistiques de la grande enquête emploi en continu de l’Insee dont les évolutions sont étudiées depuis 2005 et dont la dernière exploitation remonte à 2020. De même, nous avons disséqué l’enquête sur la formation et la qualification professionnelle (FQP) de l’Insee qui constitue une des principales sources d’information sur la mobilité professionnelle, la mobilité sociale et les relations entre la formation initiale et professionnelle, l’emploi et les salaires. Nous sommes partis de l’enquête sur la formation et la qualification professionnelle de 2014-2015, qui est la septième version d’une enquête initiée en 1964 et qui offre un socle stable d’analyse. Le temps de la statistique est certes toujours en retard sur la réalité, ce qui paraît évident mais les grandes tendances sociétales ne subissent que très rarement des transformations brutales. Les chiffres que nous avançons aujourd’hui ne sont pas en décalage avec ce que les populations étudiées en 2025 vivent.
La principale information de la note reste les cadres de la fonction publique issus de milieu populaire sont plus nombreux que dans le privé.
Oui et certaines statistiques parlent plus que d’autres : ainsi, les origines populaires sont plus fréquentes chez les cadres de la FPE (hors professeurs) et de la FPT (autour de 25 %) que dans le secteur privé (stagnant autour de 20 %). Le retrait de la FPH est lié au fait que les emplois de cadres sont des médecins qui sont moins issus des milieux populaires. Les individus d’origine populaire (Bac + 3 et plus) deviennent plus fréquemment cadres dans le public que dans le privé, mais c’est le contraire qui se produit concernant les individus les moins diplômés (baccalauréat ou moins). Du côté des mobilités de carrière, elles restent plus rares dans le public (21 %, les trois versants confondus) que dans le privé (25 %).
Ce potentiel d’évolution professionnelle peut-il avoir un impact positif concernant l’attractivité de la fonction publique ?
Je ne le crois pas. Je ne pense pas que les jeunes, en début de carrière dans la fonction publique, aient conscience de ces possibilités d’évolution de carrière et qu’elles représentent un facteur déterminant dans leur choix de rejoindre la fonction publique. En revanche, nous démontrons un effet de mimétisme parental, avec une surreprésentation des enfants des agents du service public. En effet, 23 % des salariés du public ont un père ayant exercé lui-même comme salarié du public, contre 12 % des indépendants et 14 % des salariés du privé. 35 % pour la mère ayant travaillé comme salariée du public, contre 22 % des indépendants et 24 % des salariés du privé. Lorsque les deux parents travaillent dans le public, la probabilité est encore plus affirmée puisque 45 % des femmes et 32 % des hommes sont concernés.
Parmi les trois versants de la fonction publique, lequel favorise le plus l’ascension vers des postes de cadre ?
La FPE est plus encline à constituer un espace privilégié de mobilité sociale. On constate cependant que les femmes et les personnes issues des classes populaires demeurent désavantagées, à niveau de diplôme comparable, en matière d’accès aux emplois les plus qualifiés ou de mobilité en cours de carrière, dans le privé comme dans le public. Nous écrivons cependant dans la note que « les désavantages respectifs sont significativement plus faibles dans la FPE et la FPT », donc nous pouvons en déduire que la fonction publique est plus méritocratique que le privé.
Vous faites aussi le constat que la part de l’emploi public diminue dans la population active…
Cette contraction se produit depuis une vingtaine d’années. Entre 2005 et 2020, la baisse semble modérée, la part de l’emploi public passant de 23,4 % à 22 %. Cette baisse est plus significative du côté des plus jeunes (25-39 ans), avec un recul de 4 points en quinze ans, de 23,3 % à 19,5 %. On peut supposer que cette tendance sera encore plus maqruée dans les prochaines études.
Stéphane Menu