La question de l’emploi des personnes en situation de handicap demeure un enjeu de société majeur. En 2023, selon l’IFOP et son étude « Égalité des chances en emploi : une réalité pour les personnes en situation de handicap », seulement 39 % des personnes handicapées étaient en emploi, bien en deçà des 68 % pour l’ensemble de la population. Malgré une baisse du taux de chômage des personnes handicapées, passé de 17 % à 12 % entre 2017 et 2023, l’écart avec la population générale reste significatif. « Ces chiffres rappellent que l’égalité des chances ne se limite pas à l’accès au premier emploi, mais concerne tout le parcours professionnel : maintien en poste, accès aux formations, promotions, pointe l’institut d’études opinion.
Près de deux tiers des personnes handicapées interrogées ont dû changer de poste à cause de leur handicap, soulignant l’urgence de mettre en place des actions adaptées pour sécuriser leur parcours. » L’étude, publiée en octobre dernier, révèle également une autre réalité difficile : celle des discriminations lors du recrutement, dans les perspectives d’évolution ou au quotidien. « Souvent liées à des préjugés ou à une mauvaise compréhension des besoins spécifiques, ces discriminations peuvent être atténuées par la sensibilisation des managers et la formation des équipes. C’est une des mesures les plus plébiscitées par les personnes handicapées, les salariés et les dirigeants. »
5,66 % de travailleurs handicapés dans la fonction publique
Dans la fonction publique, l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) a été introduite par la loi du 10 juillet 1987 et renforcée par la loi du 11 février 2005. Elle impose aux administrations d’employer au moins 6 % de personnes handicapées parmi leurs effectifs. En cas de non-respect de ce seuil, les employeurs publics doivent verser une contribution au Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Ce fonds finance des actions visant à favoriser l’insertion et le maintien dans l’emploi des agents handicapés.
En 2023, d’après le bilan d’activité du FIPHFP, le taux d’emploi direct des personnes en situation de handicap dans l’ensemble de la fonction publique atteignait 5,66 %, avec des disparités entre les secteurs. La fonction publique territoriale affichait le taux le plus élevé (à plus de 6,89 %), tandis que la fonction publique de l’État (4,64 %) et hospitalière (5,64 %) restaient en deçà de cet objectif. Ainsi, fin 2023, la fonction publique comptait, au total, près de 270 000 bénéficiaires de l’obligation d’emploi. « Un chiffre en progression constante », pointe le FIPHFP. « Ces résultats sont possibles, car nous avons des équipes au plus près des employeurs publics. Je pense à nos directeurs territoriaux au handicap et nos Handi-Pactes qui permettent de sensibiliser, d’informer et de former le plus grand nombre d’employeurs publics et de faire de la pédagogie sur nos aides », explique Françoise Descamps-Crosnier, présidente du FIPHFP.
Les deux tiers des bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans la fonction publique demeurent cependant des femmes. Et près de la moitié des travailleurs handicapés sont des fonctionnaires de catégorie C (la moins bien rémunérée). Seuls 20 % appartiennent à la catégorie A (mieux rétribuée) et environ 10 % sont des agents publics contractuels.
Concernant les aides allouées aux employeurs publics par le FIPHFP, 21,43 millions d’euros les ont soutenus, en 2023, dans leurs dispositifs d’embauche et de maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap. Un chiffre en hausse de 33 % par rapport à l’année précédente. La fonction publique territoriale se manifeste, par ailleurs, comme celle qui sollicite le plus ces aides (80 % d’entre elles). Parmi les demandes les plus récurrentes : l’aide à l’adaptation des postes de travail, les prothèses auditives et la prise en charge des indemnités liées à l’apprentissage.
Accompagner la diversité des situations de handicap
Si elle apparait plus avancée que le secteur privé dans l’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap, la fonction publique échoue toutefois, collégialement, à atteindre le taux de 6 % imposé par la loi. Pour se rapprocher de ce taux de 6 %, il faut réaliser que « le handicap est l’affaire de tous », pas seulement des « référents handicap » de l’administration », martèle Marine Neuville, directrice du FIPHFP.
C’est pourquoi l’institution se mobilise à travers son « Tour de France » consacré aux handicaps invisibles. « Organisé en présentiel, depuis 2023, dans chacune des régions de France, ce Tour de France propose une demi-journée de tables rondes, de témoignages et d’échanges adaptés à chaque territoire, précise le FIPHFP. Chaque étape est l’occasion de faire un focus sur une typologie de handicap invisible et voit l’intervention d’un grand témoin. » Et d’ajouter. « La Fonction publique doit prendre en compte ces dernières et individualiser son approche pour insérer et maintenir dans l’emploi les personnes souffrant de tels troubles. Le Tour de France des handicaps invisibles vise à les accompagner dans cette démarche. »
Des défis à relever pour une inclusion réelle
Accompagnement vers l’emploi. Égalité réelle et lutte contre les discriminations. Maintien dans l’emploi. Ces trois problématiques demeurent, 20 ans après la loi pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », au cœur des réflexions et des actions des acteurs de l’emploi public.
À ces sujets se sont révélés d’autres enjeux auxquels sont confrontés les travailleurs en situation de handicap : accessibilité numérique, évolution des carrières, nouveaux modes et lieux de travail. Trois enjeux d’actualité, mais aussi liés qui permettraient l’épanouissement des agents handicapés. En effet, l’accessibilité numérique adaptée et optimale doit leur permettre d’acquérir plus d’autonomie. Un gage d’inclusion et un levier dans les évolutions de carrière. « Les employeurs publics ont un réel besoin d’accompagnement, appuie le FIPHFP. L’accessibilité numérique reste notamment un sujet encore peu développé et les solutions à apporter peuvent être uniques en fonction du handicap et du métier de l’agent concerné. »
De leur côté, les derniers gouvernements et leur ministère de la Transformation et de la Fonction publique annonçaient vouloir s’engager pour renforcer l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la fonction publique et améliorer l’accessibilité des services publics. Parmi les mesures : « reconnaître davantage le métier des accompagnants de personnes en situation de handicap ; augmenter le nombre d’apprentis en situation de handicap pour atteindre l’objectif de 6 % d’apprentis en situation de handicap ; améliorer l’environnement de travail des personnes en situation de handicap (lieu de travail et domicile en cas de télétravail)… »
Des initiatives qui favorisent déjà l’emploi
Afin de lever les freins au recrutement et à l’intégration, plusieurs types d’initiatives se sont déployés partout en France. Parmi elles, les « job datings sportifs ». Ces événements, organisés par des collectivités et des établissements hospitaliers, permettent aux employeurs de rencontrer des candidats dans un cadre informel et dynamique. Les échanges se font lors d’activités sportives accessibles à tous. Des situations qui aident à révéler les compétences et les qualités humaines des participants. Autre dispositif largement diffusé : celui des campagnes de sensibilisation. Plusieurs ministères, collectivités locales et établissements publics ont lancé leur propre action de communication pour mieux informer sur le handicap et combattre les idées reçues. Certaines incluent, par exemple, des témoignages d’agents en situation de handicap, des vidéos explicatives et des sessions de formation pour les managers et les équipes.
Grâce aux aides financières du FIPHFP, de nombreux employeurs publics investissent également dans l’adaptation des bureaux et équipements pour répondre aux besoins des agents handicapés. Cela inclut l’installation de logiciels spécifiques, de mobiliers ergonomiques, ou encore des dispositifs d’accès adaptés aux personnes à mobilité réduite.
L’inclusion des valides pour créer l’égalité
Pour aller encore plus loin dans l’inclusion des personnes en situation de handicap, employeurs et observateurs s’accordent sur la nécessité de dépasser les seuls dispositifs existants et d’agir sur plusieurs leviers structurels. En particulier, la formation des managers, des équipes RH et des agents de terrain. Une meilleure connaissance des besoins des personnes en situation de handicap contribuerait alors à instaurer un environnement de travail bienveillant et adapté. Les administrations pourraient également intégrer des modules obligatoires sur le handicap dans les formations des nouveaux agents publics.
Enfin, il apparait nécessaire de garantir des opportunités de carrière pour les agents en situation de handicap, au même titre que les autres agents. Pour cela, des formations spécifiques pour développer leurs compétences doivent être développées ; des mécanismes d’accompagnement sont souhaités lors des mobilités internes ; et les programmes de mentorat doivent favoriser leur progression vers des postes à responsabilités… Autant de mécanismes à soutenir aux côtés d’une sincère transformation culturelle. Une exigence qui vise à faire du handicap non plus une contrainte, mais une richesse pour la fonction publique, reflet de la diversité de la société.
Jérémy Paradis, WEKA Le Mag
Des dispositifs variés pour recruter Les trois versants de la fonction publique ont mis en place différents dispositifs pour faciliter le recrutement des personnes en situation de handicap. Ces dispositifs permettent aux employeurs de répondre aux besoins spécifiques de ces travailleurs tout en valorisant leurs compétences. Les concours aménagés
Ces mesures visent à compenser les limitations fonctionnelles des candidats et à garantir l’égalité des chances. Les employeurs publics sont également encouragés à sensibiliser les jurys de concours pour lutter contre les discriminations et favoriser une évaluation équitable des compétences. Le recrutement contractuel spécifique L’accompagnement par le FIPHFP
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