Une femme, agent au sein de la direction départementale des finances publiques (DDFIP) a bénéficié d’un congé parental à partir du 17 décembre 2018. Par un courrier du 17 décembre 2020, elle a demandé à bénéficier d’une rupture conventionnelle afin de se consacrer à un projet entrepreneurial. Par un courrier du 18 janvier 2021, son employeur a rejeté sa demande au motif que « la réglementation actuelle ne permet pas aux agents en position de congé parental d’être éligibles au dispositif de rupture conventionnelle puisque vous n’avez pas perçu de rémunération en 2020 ». L’agente a exercé un recours hiérarchique à l’encontre de cette décision.
Par un courriel en date du 26 mars 2021, la DDFIP a indiqué à l’agente qu’« il ne peut être que confirmé qu’une demande de rupture conventionnelle émanant d’un agent en position de congé parental ne pourra faire l’objet d’un examen que lorsque l’agent aura effectivement réintégré ». C’est dans ce cadre que, s’estimant victime de discrimination en raison de sa situation de famille et de son sexe, l’agent a saisi la Défenseure des droits. Par un courrier du 13 avril 2021, la Défenseure des droits a sollicité un réexamen de la situation de la réclamante auprès de la direction générale des finances publiques (DGFIP) afin de trouver une issue amiable à ce litige. Cette proposition de médiation est restée sans réponse.
Dans ce contexte, la réclamante a demandé une mise en disponibilité pour convenance personnelle dès lors qu’elle arrivait au terme maximal de son congé parental. À la suite de l’échec de la médiation proposée par la Défenseure des droits et dans le cadre du débat contradictoire subséquent, la Défenseure des droits a adressé à la DGFIP, par un courrier du 31 août 2023, une note l’informant des éléments de fait et de droit au regard desquels il était susceptible de considérer que le refus opposé à la demande de rupture conventionnelle de l’agent est constitutif d’une discrimination fondée sur sa situation de famille et son sexe.
Par un courrier en date du 23 novembre 2023, la DGFIP a indiqué que ce refus était fondé sur l’existence de vacances d’emplois de catégorie B au sein de la DDFIP et qui présentaient en 2020 et en 2021 un niveau critique. Elle précise que la décision de refus a donc été fondée sur des considérations liées au bon fonctionnement du service public et à la préservation de la qualité de service.
1. Un refus créant une situation de discrimination selon la Défenseure des droits
Dans les points n° 35 et 36 de la décision, la Défenseure des droits considère qu’ : « ainsi, le refus d’accorder le bénéfice de la rupture conventionnelle au motif notamment qu’un agent n’a perçu aucun revenu l’année précédant sa demande en raison de son placement en congé parental introduit une condition non prévue par les textes et qui vient traiter de manière moins favorable les agents placés en congé parental par rapport aux agents ayant perçu un revenu sur la même période. Ainsi, ce motif de refus constitue une différence de traitement motivé par la situation de famille de Madame X. Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’un tel motif de refus affecte particulièrement les agents de sexe féminin. En effet, il ressort de plusieurs études statistiques que ce sont majoritairement des femmes qui prennent des congés parentaux ».
Dans les points 40 et 41 de la décision, la Défenseure des droits estime que : « l’administration cherche donc à neutraliser le premier motif avancé dès lors qu’il est apparu dans le cadre de l’instruction menée par la Défenseure des droits que ce premier motif ne pouvait légalement fonder le refus opposé à Mme X. Toutefois, conformément à la jurisprudence de la CEDH citée au point 21, un seul motif discriminatoire suffit pour considérer une décision fondée sur plusieurs motifs comme discriminatoire. Ainsi, quand bien même les nécessités de service invoquées par la DGFIP seraient fondées, le refus opposé à la demande de rupture conventionnelle de Madame X constitue en toute hypothèse une décision discriminatoire. S’agissant de la réparation d’une discrimination, la victime a droit à la réparation intégrale des préjudices subis permettant de la replacer dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le comportement dommageable n’était pas intervenu ».
Premièrement, la Défenseure des droits estime dans le point n° 55 de la décision que l’absence de versement de l’ISRC aux agents en congé parental depuis au moins un an à la date de la demande de rupture conventionnelle ne peut s’expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et la situation de famille. Dès lors, les dispositions de l’article 4 du décret du 31 décembre 2019 sont constitutives d’une discrimination indirecte en raison du sexe et de la situation de famille.
Secondement, la Défenseure des droits estime, à propos de la situation des agents placés en disponibilité d’office pour des raisons de santé, dans le point n° 61 de la décision que la différence de traitement qui résulte des dispositions contestées ne peut s’expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur l’état de santé. Dès lors, les dispositions de l’article 4 du décret du 31 décembre 2019 sont également constitutives d’une discrimination indirecte en raison de l’état de santé.
Cette décision montre que l’expérimentation de la rupture conventionnelle nécessitera un bilan complet car le système reste loin d’être satisfaisant actuellement.
Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public