Cette décision reflète les récents arbitrages issus d’un dialogue social intense entre le gouvernement, les syndicats et les associations d’élus locaux.
L’extension du délai de carence des fonctionnaires : une mesure controversée écartée
L’idée initiale d’étendre à trois jours le délai de carence avait suscité de vives critiques de la part des syndicats de la fonction publique et des collectivités territoriales. Un rapport de la CGT, intitulé « Santé et travail dans la fonction publique » avait révélé que 70 % des agents interrogés craignaient un impact direct sur leur pouvoir d’achat, tandis que plusieurs collectivités, comme celle de Toulouse, avaient exprimé leur opposition en soulignant une probable augmentation des congés de longue durée pour compenser cette perte initiale. Selon eux, cette mesure aurait pénalisé injustement les agents publics malades, tout en amplifiant les inégalités avec le secteur privé. Les syndicats ont également mis en avant le risque d’une augmentation des situations de précarité, notamment pour les personnels des catégories C.
Sous la pression des partenaires sociaux et face à l’opposition croissante au sein des collectivités, le gouvernement a choisi d’abandonner cette mesure. Laurent Marcangeli, ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification, et Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, ont plaidé pour une approche plus équilibrée, privilégiant des solutions structurelles plutôt que punitives. Toutefois, le premier ministre François Bayrou n’a pas renoncé à l’idée d’abaisser le taux de remplacement de la rémunération à 90 % pour les arrêts de courte durée (moins de 15 jours) dans la fonction publique.
L’abandon des trois jours de carence : une victoire partielle pour les syndicats
L’abandon des trois jours de carence constitue une victoire partielle pour les organisations syndicales, qui avaient fait de ce sujet un cheval de bataille. « C’est une avancée significative pour les agents publics, qui ne seront pas pénalisés en cas de maladie, » a déclaré Céline Verdet, représentante de la CFDT. La CGT a également salué cette décision, évoquant une « juste reconnaissance » des efforts consentis par les fonctionnaires durant la crise sanitaire. Cette décision préserve un minimum d’équité pour les agents publics tout en reconnaissant leur engagement, notamment dans un contexte où les services publics subissent de fortes tensions. L’abandon de l’augmentation des trois jours de carence illustre l’importance du dialogue social dans la conduite des réformes touchant la fonction publique. Un exemple notable est l’accord obtenu en 2019 sur la revalorisation des carrières des agents des catégories C, où une négociation approfondie entre le gouvernement et les syndicats avait permis d’aboutir à une solution équilibrée, alliant reconnaissance des agents et viabilité budgétaire. En concertation avec les syndicats, les élus locaux et les experts, le gouvernement a su faire preuve de souplesse en renonçant à une mesure impopulaire tout en maintenant le débat sur la modernisation des conditions d’emploi dans la fonction publique.
Si les syndicats et les collectifs d’agents publics se réjouissent de l’abandon par le gouvernement d’une mesure critiquée d’allongement du délai de carence d’un à trois jours pour les agents publics malades, ils redoutent cependant le possible maintien d’autres mesures d’économies.
Une annonce en trompe l’œil
Abandonner les trois jours de carence, « en termes d’affichage c’est plutôt positif, puisque c’est moins stigmatisant. Mais si le ministre garde les 10 % de réduction de l’indemnisation des journées d’arrêt de travail, c’est là que ça tape le plus durement sur le porte-monnaie des agents », avertit Christian Grolier, secrétaire général de FO finances publiques.
Selon le gouvernement, cette mesure vise à responsabiliser les agents publics tout en réduisant les coûts liés aux arrêts maladie, qui représentent une part significative des dépenses publiques. Un rapport de l’IGF et l’Igas, intitulé « Revue de dépenses relative à la réduction des absences dans la fonction publique », souligne que la baisse de l’indemnisation de 100 % à 90 % de la rémunération des agents en arrêt maladie permettrait de réaliser 900 millions d’euros, plus de trois fois plus que les 289 millions d’euros qu’aurait permis d’économiser l’instauration de trois jours de carence.
Pour la deuxième organisation syndicale représentative dans la fonction publique, le maintien de cette mesure serait un « casus belli », assure Christian Grolier (secrétaire général FGF-FO). Renoncer à l’allongement du délai de carence tout en maintenant la baisse de 10 % de l’indemnisation des arrêts maladie s’apparenterait à « un marché de dupe », estime Johan Theuret, du collectif d’agents « Sens du service public ». La réduction de la rémunération pendant les arrêts maladie représente une « perte salariale qui n’est pas compensée » dans le secteur public à la différence du secteur privé, et serait « très pénalisante pour les agents, en particulier ceux qui ont des maladies de longue durée », estime-t-il. Ainsi, pour un agent en catégorie C, cette perte salariale de 10 % serait de 6,71 euros par jour d’arrêt maladie au titre de la réduction de 10 % de l’indemnisation, à laquelle il convient d’ajouter 67 euros au titre du premier jour de carence, soit une perte salariale totale de 73,7 euros au premier jour d’arrêt maladie.
Pour un agent de catégorie B, le collectif estime la perte salariale à 84 euros au premier jour d’un arrêt maladie, comprenant 76,5 euros perdus en raison du premier jour de carence, puis 7,65 euros supplémentaires par jour en raison de la baisse de 10 % de l’indemnisation. La perte serait plus significative pour les agents de catégorie A. Le Sens du service publique la chiffre à 110 euros au premier jour d’arrêt maladie, dont 100 euros au titre du premier jour de carence, auxquels on ajoute 10 euros par jour en raison de la baisse de 10 % de l’indemnisation. Et « dans un contexte de perte d’attractivité de la fonction publique, c’est de nature à fragiliser les recrutements ».
Si l’abandon des trois jours de carence est un soulagement pour de nombreux fonctionnaires, le débat sur les arrêts maladie et la gestion des coûts publics reste donc ouvert. Parmi les pistes envisageables, une révision des politiques de prévention pourrait être explorée afin de réduire le nombre d’arrêts de courte durée. Par ailleurs, des solutions telles que la promotion du télétravail ou l’adaptation des horaires pour les agents les plus vulnérables pourraient également contribuer à une meilleure gestion des coûts tout en améliorant les conditions de travail. Les prochains mois seront cruciaux pour définir un compromis qui respecte les agents publics tout en répondant aux contraintes budgétaires.