Seulement 12 % de collectivités ont lancé une expérimentation sur la semaine en 4 jours en 2024 contre 9 % en 2023, selon le dernier baromètre RH des collectivités de Randstad, réalisé par WEKA et publié en septembre dernier. 17 % y réfléchissaient pour 2024 ou 2025 (+ 3 points).
« Cette nouvelle organisation du travail se développe dans les collectivités mais reste encore peu pratiquée, de la même façon que le télétravail à ses débuts », relève ainsi Marie-Claude Sivagnanam, DGS de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise et vice-présidente du SNDGCT (Syndicat national des DG de collectivités) en charge des transitions sociétales et managériales. Elle a piloté pour le syndicat une étude sur la semaine en 4 jours dont les résultats viennent d’être publiés.
Amélioration de la qualité de vie et du bien-être
Premier constat : la semaine en 4 jours constitue un « levier d’attractivité pour les collectivités » en améliorant la qualité de vie et le bien-être. Un atout pas négligeable au moment où celle-ci continue d’être en crise. Le constat est confirmé par le baromètre RH Randstad soulignant que la mise en place de l’expérimentation de la semaine en 4 jours s’explique avant tout par un regain d’attractivité (76 % des réponses) et un meilleur équilibre vie professionnelle-vie personnelle (74 %).
« Notre étude révèle que les agents sont majoritairement favorables à ce nouvel aménagement du temps de travail, en y voyant une opportunité d’améliorer leur équilibre vie professionnelle et vie personnelle », affirme Marie-Claude Sivagnanam. La DGA Ressources de Neuilly-sur-Marne qui expérimente depuis deux ans cette organisation du travail, Delphine Tranchand, mettait en avant « une source de motivation pour les agents et une augmentation de leurs performances dans leur travail quotidien », lors d’une Matinale sur la semaine en 4 jours, organisée le 17 janvier dernier à Lesquin par l’Union régionale Nord-Pas-de-Calais du SNDGCT, en partenariat avec WEKA.
Prendre en compte les spécificités de chaque collectivité
L’étude du SNDGCT confirme l’atout pour recruter mais aussi pour fidéliser les agents en améliorant leurs conditions de travail. Tout en indiquant les différences selon les situations individuelles avec des journées de travail allongées pouvant être plus compliquées pour les parents et en particulier les familles monoparentales. C’est pourquoi le déploiement de la semaine en 4 jours se réalise pour l’essentiel sur la base du volontariat des agents. Autre atout : la réduction du nombre de temps partiels, surtout vécus par les femmes, en travaillant à temps plein 4 jours.
La DGS de Cergy-Pontoise reconnaît que la démarche « nécessite un travail approfondi sur l’organisation du temps de travail ». Avec des limites sachant qu’avec le volume annuel légal de 1 607 heures dans la FPT, la semaine en 4 jours ne peut pas s’accompagner d’une réduction du temps de travail, comme c’est possible dans le secteur privé. « Il est essentiel de prendre en compte les spécificités de chaque collectivité et de ne pas transposer mécaniquement des modèles issus du secteur privé », prévient la vice-présidente du SNDGCT.
Une complexité importante
Cela ressemble à du sur-mesure. En clair, pour que cela marche, on ne se lance pas comme ça. Marie-Claude Sivagnanam souligne l’importance d’une approche progressive, avec des phases d’expérimentation et d’évaluation. D’autant que l’attrait de la semaine en 4 jours doit se concilier avec les impératifs de service public et les multiples modalités d’aménagement du temps de travail déjà existantes (télétravail, temps partiel, mi-temps thérapeutique…).
« La complexité est plus importante en collectivité que pour les entreprises qui ont pu l’expérimenter ou dans certains services de l’État », rappelle l’étude. En effet, les collectivités connaissent une très grande diversité de métiers, des politiques publiques ayant chacune des exigences propres de continuité de service et des tailles d’équipes très variables. « Il est à noter l’absence d’impact négatif sur la continuité du service public dans les premiers retours d’expérimentation », précise le SNDGCT tout en reconnaissant leur nombre trop faible pour l’instant pour en tirer des leçons. Et d’ajouter, pragmatique, que « la semaine en 4 jours peut, dans certains cas, offrir des opportunités d’amélioration du service public ».
Plusieurs « points de vigilance »
Soulignant la nécessité de prendre en compte plusieurs « points de vigilance », le syndicat insiste notamment sur l’enjeu du lien et de la cohésion d’équipe entre les membres d’un même service vivant des organisations du temps de travail différentes. Il souligne ainsi « l’importance d’une approche globale et concertée au sein de la collectivité pour réussir la transition vers la semaine en 4 jours et/ou une semaine de travail modulée » (4,5 jours, 4 jours une semaine sur deux…). Son étude plaide pour impliquer tous les agents et les managers dans la définition et la mise en œuvre de la nouvelle organisation. « Il est crucial de les associer à la démarche, de clarifier les règles, tout en préservant la continuité du service public », estime Marie-Claude Sivagnanam.
Autre point de vigilance important : la santé et la sécurité au travail sachant que la nouvelle organisation signifie un jour ou un demi-jour de congé supplémentaire mais aussi des journées travaillées plus longues pouvant générer une fatigue accrue et un risque plus fort d’accidents du travail. En l’absence de recul suffisant pour l’instant, le SNDGCT préconise un suivi particulier pour mesurer les impacts sur la santé au travail (fréquence et gravité des accidents, risques psychosociaux).
Impact sur les collectifs de travail
Il alerte aussi sur l’impact concernant les collectifs de travail. « Pour les managers, la semaine en 4 jours peut rendre l’organisation et le management des équipes plus complexes », souligne-t-il. Avec parfois le casse-tête de concilier une demande plus forte d’individualisation du temps de travail et l’animation des collectifs de travail comme la garantie de continuité de service. « Comme avec le télétravail, il est important de ne pas perdre le sentiment d’appartenance à la collectivité et l’inclusion de chaque agent dans un collectif », ajoute-t-il. Il s’agit donc d’un point important à évaluer lors des expérimentations.
Parmi ses recommandations, le syndicat conseille d’impliquer tous les agents et les managers dans la définition et la mise en œuvre de la nouvelle organisation. Sans oublier d’accompagner celle-ci par une communication claire et une formation adaptée.
Évaluer avec des indicateurs quantitatifs et qualitatifs
Face à une semaine en 4 jours le plus souvent initiée de façon expérimentale, le SNDGCT met en avant l’intérêt de pouvoir ainsi identifier et corriger les impacts négatifs non anticipés. Autre avantage : l’expérimentation permet de rendre la démarche participative en faisant appel à des agents volontaires. À noter que certaines collectivités souhaitent limiter la démarche aux agents sur des postes non télétravaillables, dans un souci d’équité. D’autres ont décidé de réduire le nombre de jours télétravaillables pour les agents pratiquant la semaine en 4 jours.
Enfin, avant d’envisager la généralisation de cette nouvelle organisation du travail, le syndicat insiste pour mettre en place une réelle évaluation qui s’appuie sur des indicateurs quantitatifs (respect des objectifs fixés, taux d’absentéisme…) et qualitatifs (bien-être au travail, équilibre vie professionnelle-vie personnelle, relations de travail avec les autres services, vie personnelle…).
Philippe Pottiée-Sperry