À l’aube des élections législatives anticipées consécutives à la dissolution de l’Assemblée nationale, Le Sens du service public étudie le projet du Rassemblement national (RN) pour les services publics, dans une note publiée avec la Fondation Jean Jaurès. Estimant que la dévalorisation des services publics a « accompagné la montée du vote en faveur de l’extrême droite, y compris au sein secteur public », le think tank explique que les fonctionnaires s’interrogent sur leur comportement en cas de victoire du RN : « rester, s’accommoder ou partir ? »

Si certains « opportunistes y verraient une occasion inespérée pour leur carrière ou la réalisation de leurs idées, beaucoup pourraient s’accommoder ou subir la situation, par sens du devoir et de « neutralité » du fonctionnaire, par absence d’alternative ou par confort personnel ». La désobéissance n’est pas exclue, selon le think tank, qui en veut pour illustration l’intention des élus du conseil départemental du Lot de ne pas appliquer pas la réforme de l’aide personnalisée à l’autonomie telle que la prévoyait la loi immigration. Et il évoque le fait que, « si le fonctionnaire a pour mission d’œuvrer à l’intérêt général dans un cadre déontologique, le projet politique du RN s’inscrit en contradiction avec l’essence des services publics bâtis au cours du XX^e siècle ».

Il faut, en face, « proposer un projet au moins aussi puissant et mobilisateur, qui traite des inégalités sociales et territoriales sur lesquelles le RN prospère ». En effet, son arrivée en tête dans 93 % des communes, lors des élections européennes du 9 juin, et son augmentation la plus importante dans les communes rurales et dans les couronnes des villes entre 2019 et 2024, pourraient s’expliquer parce que le service public a été malmené ces dernières années. En cause : fermetures ou éloignement des services, dématérialisation « à marche forcée », délais de réponse, « promesses républicaines non tenues » sur l’école, la Justice ou l’hôpital, absence d’agent au guichet pour résoudre les situations difficiles…

Quant aux agents, les trois quarts ne se sentent ni valorisés, ni reconnus par la société (sondage BVA de mai 2023). Un malaise accru par le manque de moyens et la perte de sens de leurs missions, et le sentiment de n’être ni entendus ni respectés.

Dans sa contribution, Le Sens du service public rappelle certaines de ses récentes propositions : garantir un interlocuteur identifiable au sein de toutes les administrations, régler directement toute situation au sein des maisons France services, compenser le coût de la mobilité et organiser des déplacements collectifs dans les zones éloignées de services publics, soutenir davantage les maires ruraux et mieux financer le retrait de l’État, revoir certaines missions des agents peu utiles et chronophages, créer un service public de médiation numérique… Outre la revalorisation des métiers de service public, le logement des agents pourrait être facilité (extension de la caution par l’employeur…) et leurs conditions de travail améliorées : commissariats, établissements scolaires, universités, hôpitaux…

Au lendemain des élections européennes, le think tank a également lancé un Pacte d’engagement pour le service public, avec plusieurs associations et syndicats, autour de trois points : un service public de santé de proximité, un droit opposable à disposer de plusieurs modalités d’accès à l’administration, une juste répartition des effectifs de police et de gendarmerie sur le territoire.

Le Sens du service public entend prolonger son étude. Objectifs : « décortiquer les ressorts du succès du RN, analyser ses propositions et dessiner des voies de sortie efficaces à court et moyen termes ».

Martine Courgnaud – Del Ry