Une ordonnance doit imposer à toutes les collectivités locales de passer en 2027 au compte financier unique (CFU), c’est-à-dire de fusionner le compte de gestion réalisé par le comptable public et le compte administratif réalisé par l’ordonnateur, autrement dit la collectivité. La mesure provient de l’article 205 de la loi de finances pour 2024 qui autorise en effet le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, d’ici le 29 juin 2025, « toutes les mesures relevant du domaine de la loi permettant d’adapter les dispositions en vigueur, notamment les dispositions du Code général des collectivités territoriales et du Code des juridictions financières, pour généraliser la mise en œuvre du compte financier unique ».
Collaboration accrue entre agents des collectivités et comptable public
4 878 collectivités ou EPCI ont, selon la Banque des territoires, expérimenté le compte financier unique (CFU) au titre d’un ou plusieurs exercices de la période 2021-2023. « Et beaucoup de collectivités locales s’y mettent cette année, par exemple la commune de Brognon (318 hab.) et la communauté de communes Norge et Tille (16 416 hab.) (Côte-d’Or) dont je suis respectivement maire et président », précise Ludovic Rochette, également membre du Comité des finances locales (CFL). Le CFU fait consensus. Ainsi, selon une enquête des services de l’État sur le bilan de l’expérimentation, 77 % de 535 collectivités ayant expérimenté jugent avérés les bénéfices d’un document unique1. Il y a tout d’abord une simplification du processus comptable : « On était obligé de contrôler si le compte de gestion était conforme au compte administratif et réciproquement, d’où un double travail. De plus, les présentations seront plus simples », note Ludovic Rochette. Celui-ci apprécie aussi la collaboration accrue que cela va induire entre les agents des collectivités et le comptable public : « un véritable changement de culture ».
Les associations d’élus2 ont donné un avis favorable à la généralisation du CFU, tout comme le CFL. Un projet de loi de ratification de l’ordonnance devrait donc être déposé par le gouvernement en septembre prochain, avec une entrée en vigueur du compte financier unique (CFU) pour tous au 1er janvier 2026, et donc une production généralisée des CFU en 2027.
Un CFU simplifié pour les petites communes ?
Mais est-ce possible si rapidement pour toutes les collectivités : les plus petites d’entre elles n’auront-elle pas du mal à s’adapter ? « Pour les petites communes, où le personnel ne travaille que quelques heures dans la semaine et n’est pas encore totalement formé à la dématérialisation, il faudra un accompagnement technique et humain de la part de l’État, ce que l’AMF a demandé », précise Ludovic Rochette. L’AMF réclame un CFU aligné sur la M57 qui soit simplifié pour les communes de moins de 3 500 habitants, avec pourquoi pas des mesures transitoires. « Ce pourrait être des annexes réduites (endettement, immobilisations corporelles…) qui sont lourdes à gérer pour une petite commune et ne lui apportent pas grand-chose, illustre Ludovic Rochette. En outre, tous les budgets d’une commune – je pense ainsi à celui de l’Association foncière et surtout à celui du Centre communal d’action social – ne basculeront pas nécessairement tout de suite en CFU. Il ne faudrait pas que ces budgets soient intégrés au budget de la commune, juste au regard de l’obligation du CFU : c’est l’intérêt réel qui doit commander et non l’administratif ». À l’ordonnance donc d’intégrer le cas échéant ces adaptations. Il serait donc bon que le gouvernement en transmette le projet aux associations d’élus et au CFL avant adoption. Ludovic Rochette mise aussi sur le conseiller aux décideurs locaux3 : « Sa venue dans les collectivités devrait aussi être l’occasion de régler certaines difficultés de mise en œuvre du CFU ».
Frédéric Ville
1. Voir : Compte financier unique : l’expérimentation confirme l’intérêt de cette innovation
2. Association des Maires de France (AMF), Assemblée des départements de France (ADF), Régions de France, France Urbaine, Intercommunalités de France et l’Association des petites villes de France.
3. Les conseillers aux décideurs locaux sont des cadres des Directions départementales ou régionales des finances publiques, déployés entre 2020 et 2023, dans le but d’offrir un conseil individualisé aux élus locaux (maires et présidents d’EPCI).