LF 2025 : notifié, le Dilico est-il équitable ?

Publié le 10 avril 2025 à 10h50 - par

Alors que la DGCL a mis hier en ligne les montants exacts des contributions des collectivités contributrices au Dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), quid de son fonctionnement et de son équitabilité ?

LF 2025 : équitable, le Dilico ?
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Hier 9 avril, la Direction générale des collectivités locales a transmis les très attendus montants définitifs individuels du Dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) sur son site internet. Ce dispositif, introduit par la loi de finances pour 2025 et censé faire 1 Md€ d’économies, touche au final 2 115 collectivités1, mais il n’est pas jugé équitable par tous.

Beaucoup d’EPCI prélevés à 2 %

Rappelons qu’il est basé sur le potentiel fiscal (PFis) et sur le revenu par habitant pour les intercommunalités, sur le potentiel financier (PFin) et le revenu par habitant pour les communes à travers un indice synthétique moyen2. Le prélèvement ne peut dépasser 2 % des recettes réelles de fonctionnement. Selon Franck Claeys, délégué général de France urbaine, « les EPCI sont nombreux à être prélevés à 2 %, quand les communes sont prélevées plus harmonieusement entre 0 et 2 %, ceci pour des raisons statistiques : on a pris en compte la moyenne et non la médiane pour le revenu par habitant, ce qui tire les revenus par le haut davantage pour les EPCI. S’ajoute à cela le fait que les EPCI reversent des recettes de fiscalité aux communes (attribution de compensation), ce qui fait donc diminuer leurs recettes et donc le montant de 2 % du plafond, ainsi plus vite atteint. À noter que les 250 premières communes de plus de 10 000 habitants et les 30 premières entre 5 000 et 10 000 habitants bénéficiant de la Dotation de solidarité urbaine (DSU) cible, les 2 500 premières communes éligibles à la fraction cible de la Dotation de solidarité rurale (DSR) et les 115 communes d’Outre-mer les plus pauvres, sont exclues du prélèvement.
Le Dilico est-il donc équitable ? Pour l’Association des maires d’Île-de-France (AMIF), il est pénalisant pour ses communes, puisque « leur potentiel fiscal est plus important que celui du reste de la France, en raison du dynamisme économique et des efforts financiers des territoires ». L’association observe que le critère du revenu moyen par habitant, en raison d’une distorsion due aux très hauts salaires, tire la contribution de nombreuses communes franciliennes vers le haut. Juste avant la mise en ligne par la DGCL, elle estimait que 66 % des communes françaises contributrices se situeraient en Île-de-France, ceci ajoutant à la « contribution déjà forte à la péréquation nationale ». Enfin, l’AMIF relève que les marges de manœuvre des villes, même si leurs habitants sont riches, peuvent dépendre « des choix fiscaux appliqués, des investissements engagés, de leur endettement ou de la présence ou non d’activités économiques ».

Surprélèvement sur les collectivités urbaines ?

Au niveau national cette fois et pour Franck Claeys aussi, le Dilico n’est pas équitable : « D’abord parce que le PFis ou le PFin des grands EPCI et des villes est supérieur à celui des petites collectivités : cela ne tombe pas du ciel, c’est le fruit en impôts de l’effort réalisé pour attirer des entreprises. Or, qui dit PFis ou PFin élevés dit industrie, avec des territoires qui concentrent alors beaucoup de pauvreté, à l’image de la communauté urbaine de Dunkerque. Il y a donc bien un surprélèvement sur les collectivités urbaines ». Juste avant la publication par la DGCL, France Urbaine relevait que, « les 22 villes et 31 EPCI prélevés représentent les deux tiers du prélèvement du bloc communal, alors qu’elles pèsent moins en poids budgétaire ». Attention toutefois à ne pas généraliser. « Si certaines communes d’Île-de-France sont riches, la contribution de l’Île-de-France est surtout due à celles de la Région, de sept départements sur huit et de la ville de Paris », selon Christophe Michelet, directeur du cabinet Partenaires finances locales. Par ailleurs, certains mécanismes diminuent les contributions, notamment au niveau des EPCI. « La Métropole du Grand Paris par exemple est plus riche économiquement que la moyenne et aussi pour son revenu moyen par habitant. Elle devrait donc fortement contribuer », explique Christophe Michelet. Mais comme elle reverse la quasi-totalité de ses recettes aux communes, cela fait diminuer le prélèvement3, on l’a vu. Cela doit être vrai dans la plupart des EPCI urbains franciliens où il y a peu d’industrie.
D’autres distorsions existent. Ainsi selon Michel Klopfer, « certaines communautés de communes à Fiscalité additionnelle (FA) riches ne contribueront pas au Dilico. En effet, leur potentiel fiscal, calculé en appliquant le taux moyen national d’imposition au titre de la CFE de ces EPCI à FA sera généralement moins important, à base fiscale égale, que pour les EPCI à FPU où le taux moyen est plus important ». Mais attention, Christophe Michelet observe que cet écart est en partie neutralisé par d’autres paramètres, les reversements de fiscalité aux communes par les EPCI à FPU notamment. Enfin, la prise en compte probable de la population DGF pour le calcul du revenu par habitant4, viendrait minorer la richesse des communes touristiques, donc leur prélèvement.
Conséquence implacable pour les collectivités prélevées, elles auront davantage recours à l’emprunt, d’autant plus qu’en fin de mandat, les investissements engagés ne seront pas stoppés. Mais si le prélèvement se poursuivait en 2026 et 2027, autrement dit si la crise passait de conjoncturelle à structurelle, alors là oui, il pourrait y avoir recul de l’investissement. Pourquoi ne pas cependant anticiper le remboursement prévu5 des sommes prélevées sur trois ans à partir de 2026 ? France Urbaine tout comme Christophe Michelet ne le conseillent pas… l’État pouvant changer d’avis entre temps. Par ailleurs, si ces remboursements ont lieu, ils pourraient être inférieurs aux sommes versées. En effet, selon l’article 186 instaurant le Dilico, le reversement ne se fera que « dans la limite du montant du produit de la contribution pour l’année en cours ». « Si donc la contribution au Dilico baisse en 2026, le montant reversé repartira des montants inscrits l’année n du PLF 2026, et non de 2025 », conclut l’AMIF qui a demandé une loi de finances rectificative au gouvernement.
Attention toutefois, le fait que les chiffres du Dilico n’ont été communiqués qu’hier ne peut justifier un décalage de vote du budget…

Frédéric Ville


1. Plus exactement, le Dilico concerne : 50 départements (pour 220 M€), 141 intercos (pour 250 M€) et 1 924 communes (pour 250 M€). Pour les régions, les montants individuels exacts concernés seront connus plus tard : 12 d’entre elles devaient contribuer pour 270 M€ selon les estimations précédentes.

2. Une collectivité donnée contribue au fonds de réserve, si son indice est supérieur à 110 % de l’indice national moyen qui prend en compte le PFis ou PFin à 75 % et le revenu moyen par habitant à 25 %, par rapport aux moyennes nationales.

3. La MGP contribue à hauteur de 4,47 M€.

4. Population DGF = population Insee majorée d’un habitant par résidence secondaire. Le choix du critère dépend de l’interprétation de l’art. L. 2334-2 du CGCT non encore fixée par la DGCL.

5. Excepté 10 % des sommes prélevées qui alimenteront les fonds de péréquation.

Pourquoi les montants définitifs ne correspondent pas aux premières estimations individuelles du Dilico ?

De premières estimations individuelles avaient été communiquées aux associations d’élus mi-mars. Les montants définitifs mis en ligne ce 9 avril ne correspondent pas tout à fait. Pourquoi ? D’abord les calculs exacts de ces prélèvements se basent désormais sur les calculs de répartition de la DGF mis en ligne le 31 mars dernier. Alors que les estimations individuelles de Dilico qui ont été faites mi-mars, ont pris en compte les potentiels fiscaux et financiers de l’année n-1, il a donc fallu refaire le travail avec ceux de l’année n. Deuxième raison, pour le plafonnement des prélèvements à 2 % des recettes de fonctionnement, les flux croisés entre EPCI et communes (refacturations de personnels mis à disposition notamment) sont neutralisés. Or, les imputations comptables concernées n’avaient toujours pas été rendues publiques au moment de la mise en ligne du 9 avril. Comme les enveloppes pour les communes et intercos sont fermées, la répartition entre elles a donc dû bouger encore un peu ce 9 avril.


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