Si les ministres ont beaucoup changé ces derniers mois, certains sujets ont tendance à revenir sur le devant de la scène avec une certaine régularité. François Rebsamen a ainsi assuré le 4 mars dernier qu’il était favorable à la création d’un nouvel impôt local, pudiquement appelé « une contribution », pour récupérer ce que la taxe d’habitation a supprimé, à savoir une plus grande autonomie d’action pour les maires. « Je pense la [l’idée] remettre sur la table dans la réflexion », assure l’ancien maire de Dijon, qui assume toujours la présidence de la métropole dijonnaise. L’analyse est cohérente : la suppression de la taxe d’habitation (TH) « a rompu le lien entre le citoyen et la collectivité dans laquelle il réside », même si la taxe foncière est toujours en vigueur, uniquement acquittée par les propriétaires. « Or, certaines communes n’ont sur leur territoire que 20 % de propriétaires », rappelle le ministre, tandis que d’autres en comptent 80 %. Chaque réalité fiscale communale crée ainsi de nouvelles inégalités. L’autre argument consiste, comme le soulignait la ministre Catherine Vautrin lorsqu’elle était à la place de François Rebsamen sous le gouvernement Barnier, à rappeler que « rien n’est gratuit » et que « beaucoup de Français ignorent jusqu’aux modes de financement des équipements publics », comme l’explique Gilles Leproust, le maire d’Allonnes (Sarthe). Reste à convaincre les Français, qui considèrent déjà qu’ils paient trop d’impôts et redoutent que le contexte éruptif international place le pays dans une économie de guerre.
« L’erreur » que fut la suppression de la taxe d’habition (TH)
Pour l’heure, donc, chacun se prépositionne : « Pas de nouvelle taxe », mais « une participation possible au fait de vivre dans la ville ou le village », assurait Catherine Vautrin en octobre 2024. Le sujet avait été abordé devant le Comité des finances locales, toujours en octobre 2024, le gouvernement ne fermant pas la porte, mais estimant qu’il faudrait la rouvrir un peu plus tard. Laurent Saint-Martin, éphémère ministre chargé du Budget, avait opposé, le 21 octobre dernier, une fin de non-recevoir au retour de la taxe d’habitation (TH). Pour simple rappel, en 2016, la taxe d’habitation (TH) représentait 23,4 milliards de recettes pour les collectivités locales, 18,7 milliards étant payés par les contribuables. Dans Le Monde en date du 24 octobre 2024, Nicolas Isnard, maire de Salon-de-Provence, fustige « l’erreur » qui a consisté à supprimer la taxe d’habitation. « Tout le monde est satisfait des infrastructures locales, des gymnases, des stades, des écoles, mais tout cela a un coût et il est légitime d’y participer ».
« Autre chose » que la taxe d’habitation, mais quoi ?
Dès sa suppression, en 2017, le président du Sénat, Gérard Larcher, avait relancé le débat : « Il faut que l’on invente une fiscalité locale moderne à la main des collectivités locales. Puisque la taxe d’habitation est morte, vive autre chose ! », déclarait-il dans Les Échos. Mais quoi ? Quelles sont les pistes concrètes envisagées ? David Lisnard, maire de Cannes et président de l’AMF, parle d’un « impôt universel résidentiel »… que les plus pauvres ne paieraient pas. Il évoque la nécessité d’une « réforme d’ensemble » : la baisse de la pression fiscale au niveau national impose une meilleure efficacité au niveau local. Pour « recréer de la performance, il faut que les habitants se sentent concernés par la dépense », assure-t-il. Mais pour ce faire, il faudrait que l’État fasse moins preuve de gourmandise fiscale, laisse-t-il entendre. Car, concrètement, si la TH a été supprimée, la taxe foncière a pris le relais, cette dernière ayant augmenté de 33 % entre 2013 et 2023 selon l’UNPI (Union nationale des propriétaires immobiliers).
L’économiste Christian Saint-Étienne confirme le bien-fondé d’une telle mesure : « Si on veut que les collectivités continuent d’apporter les services demandés par les électeurs là où ils vivent, on a besoin du retour de cette contribution ». Il considère qu’elle pourrait rapporter 15 milliards d’euros dès la première année.
Stéphane Menu