« Après deux années noires », les finances publiques sont à « la dérive », s’inquiète la Cour des comptes dans son premier rapport de l’année consacré à la situation d’ensemble des finances publiques, publié le 13 février 2025. Pour la deuxième année consécutive, le déficit public s’est aggravé en 2024, pour atteindre près de 175 milliards d’euros. La dette publique culmine désormais à près de 3 300 milliards d’euros et les charges d’intérêt à 59 milliards d’euros. Cette dérive des finances publiques en 2024 prolonge et aggrave celle de 2023. Il s’agit « d’une dégradation exceptionnelle et inédite », alors même que la croissance économique est restée positive, s’alarme la Cour. Et, si la faible progression des impôts expliquait en partie la contre-performance de 2023, « c’est à l’inverse la dynamique des dépenses qui est en cause en 2024, principalement du côté des collectivités locales et de la protection sociale », ajoute-t-elle.
La dépense publique a progressé de 2,7 % en volume (donc hors effet de l’inflation) l’an dernier, soit le rythme le plus rapide des quinze dernières années, avec notamment une forte dynamique des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales (+ 3,6 %) et une augmentation soutenue des prestations sociales (+ 3,1 %), sous l’effet de la forte inflation enregistrée en 2023, souligne la Cour des comptes. En particulier, les dépenses des administrations locales se sont révélées, « en l’absence de tout mécanisme visant à faire participer les collectivités au redressement des finances publiques », beaucoup plus dynamiques que ne l’envisageait le projet de loi de finances pour 2024, avec un impact sur le déficit de 0,2 point de PIB.
Pour la Cour des comptes, plusieurs chiffres illustrent cet « emballement des dépenses locales. » Le montant de dépenses des administrations publiques locales (hors transferts entre administrations publiques) atteindrait 327 milliards d’euros en 2024, en progression de 5,8 % en valeur (après 7,3 % en 2023) et de 3,6 % en volume. « Ces dépenses progresseraient ainsi de manière nettement plus marquée que l’activité économique et contribueraient de manière significative au creusement du déficit public », commente la Cour. Son rapport insiste, en particulier, sur les dépenses de fonctionnement des collectivités. Celles-ci progresseraient en volume de 2,6 %, « un record depuis au moins dix ans, dépassant même la forte augmentation enregistrée en 2021 en contrecoup de la crise sanitaire ».
Les dépenses d’investissement des collectivités progresseraient également, sur un rythme de 8 % en valeur et de 5,7 % en volume pour atteindre 76,9 milliards d’euros, en hausse de 5,7 milliards d’euros par rapport à 2023 (hors Société des grands projets – SGP). « La perspective des prochaines élections municipales de 2026 contribue à expliquer le dynamisme de l’investissement en 2024, qui se prolongera en 2025 », explique la Cour des comptes.
« La situation catastrophique des comptes publics de la France exige des diagnostics sérieux, du courage réformateur pour les rétablir, et de sortir du conformisme que l’on retrouve dans les ministères comme dans nombre d’institutions financières, dont la Cour des comptes », a réagi l’AMF, dès le lendemain. Selon l’association, son rapport détourne l’attention de l’opinion publique de la responsabilité de l’État dans cette situation. Les dépenses des collectivités locales, qui ne représentent que 19 % des dépenses publiques contre une moyenne européenne de 31 %, sont les plus faibles d’Europe, précise l’AMF. De plus, elles financent 70 % de l’investissement public civil et leur besoin de financement croissant est un signe de bonne santé financière, complète l’association.
Pour rétablir les finances publiques, l’AMF propose « de rompre avec ce qui a échoué et d’en finir avec la coûteuse et déresponsabilisante recentralisation ».