Aménagements urbains : attention à la dépollution !

Publié le 22 mai 2024 à 9h40 - par

Qui prend en charge la pollution sur un terrain à aménager ? Faut-il toute la traiter ? Pour quel coût ? Comment optimiser ce coût ? Notre enquête.

Aménagements urbains : attention à la dépollution !
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L'objectif Zéro artificialisation nette (ZAN)
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Avec la zéro artificialisation nette qui raréfie le foncier disponible, les friches industrielles ou urbaines prennent de la valeur… moyennant de les dépolluer. Cela coûte cher, mais c’est un enjeu : qui, entre propriétaire, collectivité et aménageur, prend en charge ?

Usage conforme au document d’urbanisme

Le vendeur d’un terrain où a été exploitée une installation soumise à autorisation ou enregistrement doit en informer l’acquéreur (art. L. 514-20 du Code de l’environnement – CE). Même obligation (art. L. 125-7 du CE) pour une vente dans un Secteur d’information sur les sols (SIS) (art. L. 125-6 du CE). Ensuite, si un projet de construction est prévu dans un SIS, une étude de sol doit conclure sur la dépollution à mener en fonction de l’usage futur (art. L. 556-2 du CE), idem pour un projet sur un terrain ayant accueilli une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) arrêtée puis réhabilitée pour un autre usage (art. L. 556-1 du CE), lorsque ce même projet prévoit un usage différent à celui précédemment envisagé. Un bureau d’études spécialisé réalisera étude et plan de gestion.

Pour les ICPE, « le niveau de dépollution initialement exigé pour contrer les impacts sanitaires et hydrauliques est déterminé selon l’usage futur, que la collectivité participe à cadrer : industrie, habitation, bâtiment tertiaire… », explique Olivier Hugues, chef de projet environnement à la Société d’aménagement de la métropole ouest atlantique (Samoa). Un exploitant qui vendra facilement son terrain à un aménageur acceptera davantage de le dépolluer, même s’il devra se soumettre à l’arrêté de la Dreal imposant un niveau de dépollution. Attention, même dans ce cas, « l’aménageur peut avoir des frais imprévus à sa charge, certaines excavations se révélant par exemple nécessaires avec l’évolution du projet », selon Olivier Hugues. Par contre, s’il n’y a pas d’acheteur en face, l’exploitant hésitera à engager des frais de dépollution. Un aménageur pourra se substituer à lui pour opérer la dépollution selon les obligations fixées par la Dreal (procédure de tiers demandeur), à ses frais.

En cas d’exploitant d’ICPE non identifié, la base de données Casias (Cartes des anciens sites industriels et activités de services) est utile. « On pourra acheter tant, si la dépollution coûte tant, explique Olivier Hugues. Le vendeur pourra dépolluer et revendre plus cher ou on dépolluera nous-mêmes et on achètera moins cher ».

50 à 200 €/t de terre évacuée

Quand la pollution touche un site non classé ICPE, la négociation prévaut, l’exploitant n’ayant pas à dépolluer. « On peut alors se substituer à lui », précise Thomas Welsch, directeur de l’Établissement public foncier (EPF) de Vendée qui est intervenu sur une dizaine de friches ces dernières années : « Nous faisons valoir les coûts de dépollution dans la négociation des prix. À Fontenay-le-Comte, pour un projet de 43 logements, le foncier a été acheté 380 000 € alors que le prix initial était de 1,3 M€ », explique Thomas Welsch. L’EPF a refacturé à la collectivité 20 % du coût de la dépollution, lui faisant bénéficier (et indirectement à l’aménageur) de son fonds friche pour les 80 % restants (minoration foncière).

Dans tous les cas, « une collectivité ne dépassera pas le prix de France Domaines pour racheter des terrains à aménager si une dépollution est nécessaire, dont le coût reste difficile à estimer par FD », conseille Thomas Welsch.

Le coût de la dépollution dépend de l’usage visé et du mode de traitement (sur site ou non, évacuation ou non) : « Il varie de 1 à 100 », selon Fabien Lipka, expert foncier à ACF Nord, cabinet de conseil aux collectivités locales. La Samoa indique 50 €/tonne pour l’évacuation de terres faiblement polluées à 150-200 €/t pour des terres polluées et dangereuses, contre 10 €/t pour des terres inertes. « Ce sera, versus des terres inertes, 30 000 euros de surcoût pour une opération immobilière sans parking, sans pollution concentrée et avec un bâtiment nécessitant peu de terrassements, mais 400 000 euros pour une opération avec parking sur deux niveaux, pollution sur les deux premiers mètres et avec 20 000 m3 de terres à excaver, dont un quart polluées », illustre Olivier Hugues.

Chasse aux aides

On peut minimiser ces coûts par phytoremédiation, toutefois longue et que seuls une collectivité ou un EPF peuvent anticiper, adaptation du projet pour minimiser traitement ou évacuation, etc. Toute la pollution ne sera pas nécessairement traitée. « Sur un ancien site industriel, on évacuera seulement les terres souillées par les hydrocarbures concentrés sur la station-service à 80 %, mais ne représentant que 20 % de la surface totale. Ailleurs, on recouvrira de terre végétale pour un espace vert ou on couvrira par un bâtiment », illustre Olivier Hugues. Pour l’arsenic, naturellement présent dans les sols granitiques, « il faut moins de 25 mg/kg pour implanter logements et potagers, précise Thomas Welsch. À 75 mg, si l’on démontre en labo que 33 % seulement passent dans les plantes, on sera en dessous des 25 mg ».

On mutualisera aussi déblais et remblais. La Samoa a par exemple conventionné avec la Dreal, après une caractérisation de la pollution des sous-sols de l’île de Nantes et des conditions de leur réutilisation : les terres, bougées sur ce secteur, mais n’en sortant pas, ne sont plus des déchets. Leur gestion plus vertueuse et moins coûteuse se fera d’ici fin 2024 par une plateforme d’analyse et de traitement, avec réutilisation possible d’une partie en substrat fertile évitant l’achat de terre végétale, de plus en plus coûteuse.

Pour résoudre l’équation économique, n’oubliez pas, en plus du portage foncier des EPF, les aides : fonds friche (Ademe), dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ou d’équipement des territoires ruraux (DETR).

Frédéric Ville


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